En quoi consiste le programme?
Le Calgary Drop-in Centre, un vaste refuge situé dans un quartier urbain défavorisé, fournit des soins intégrés d’accès facile liés à l’hépatite C aux personnes qui utilisent des drogues, par le biais du programme de lutte contre l’hépatite C. Ce dernier consiste en un partenariat entre le Calgary Drop-In Centre, la clinique du foie de CUPS Calgary et Mint Health + Drugs Pharmacy, une pharmacie communautaire.
Le Calgary Drop-In Centre est un vaste refuge d’accès facile qui offre des services de soins de santé sur place. Outre des services d’aide au logement pour ses client·e·s en situation d’itinérance, il dispense également des soins pour répondre à des besoins médicaux complexes, notamment la dépendance, les problèmes de santé mentale et les maladies chroniques. Le personnel du centre travaille en étroite collaboration avec une pharmacienne du Mint Health + Drugs. La clinique du foie de la CUPS offre quant à elle des soins d’accès facile liés à l’hépatite C grâce à une approche de réduction des méfaits, ainsi que de la formation, de la prévention et d’autres soins pour les personnes vivant avec une maladie hépatique chronique (p. ex. cirrhose, stéatose hépatique).
Le programme de lutte contre l’hépatite C fournit des services de dépistage et de traitement de l’hépatite C à l’intérieur du Calgary Drop-in Centre. Le fait d’intégrer les soins pour l’hépatite C dans ce refuge a permis de donner aux personnes marginalisées un meilleur accès, y compris aux personnes itinérantes et qui utilisent des drogues.
Raison d’être du programme
Le Calgary Drop-In Centre offre des services aux personnes à risque élevé d’hépatite C, y compris :
- aux personnes qui utilisent des drogues
- aux personnes itinérantes
- aux personnes ayant des antécédents de détention
- aux personnes ayant actuellement des problèmes de santé mentale ou en ayant déjà eu
- aux personnes faisant face à des obstacles pour accéder au système de santé courant
Avant l’introduction du programme de lutte contre l’hépatite C, les client·e·s du centre avaient de la difficulté à accéder au dépistage et au traitement de l’hépatite C au sein de la communauté. Les obstacles liés à la consommation de substances, au logement, au transport et à la littératie en matière de santé faisaient en sorte que les personnes rataient leurs rendez-vous. De plus, les personnes qui utilisent des drogues pourraient éviter de chercher des soins auprès de prestataires et d’établissements avec lesquels ils ne sont pas familiers, car ils font souvent face à de la stigmatisation au sein du système de santé. Même si la clinique du foie de la CUPS est située près du Calgary Drop-In Centre et qu’elle a recours à une approche de réduction des méfaits, de nombreux·ses client·e·s du refuge ne se rendaient pas à la clinique.
À partir de ces observations, un partenariat a été créé entre l’équipe des services de santé du Calgary Drop-in Centre, une pharmacienne de proximité d’une pharmacie communautaire et la clinique du foie de la CUPS. Ensemble, ces partenaires ont élaboré un modèle de soins intégrés selon lequel le personnel du refuge était formé pour faire passer un test de dépistage de l’hépatite C aux client·e·s et ensuite les arrimer aux soins et au traitement au refuge même.
Ce programme a été conçu comme un projet de « microélimination » : le Calgary Drop-in Centre a été ciblé comme milieu pour augmenter le dépistage et le traitement de l’hépatite C en bénéficiant du soutien à distance de l’équipe de la clinique du foie de la CUPS. Du financement supplémentaire a été octroyé grâce à des subventions publiques et de l’industrie afin de couvrir les frais de formation sur l’hépatite C et une portion des heures du personnel.
Mise en œuvre du programme
Le programme de lutte contre l’hépatite C du Calgary Drop-in Centre a été lancé au début de 2021 en partenariat avec une pharmacienne de proximité et le personnel de la clinique du foie de la CUPS. Dans le cadre du programme, une équipe multidisciplinaire propose des services de dépistage et de traitement de l’hépatite C entièrement offerts sur place. Le personnel du refuge a été formé pour administrer des tests de dépistage et le traitement de l’hépatite C, à l’aide du soutien clinique à distance fourni par le personnel de la clinique du foie de la CUPS. Le programme repose sur un processus clair qui dresse un aperçu des phases précises du traitement, ainsi que des personnes responsables de chaque phase. Les cas cliniques plus complexes (p. ex. les personnes vivant avec le VIH, l’hépatite B ou de graves lésions hépatiques) sont confiés à la clinique du foie de la CUPS pour une évaluation plus approfondie et la planification de leur traitement. La planification du traitement peut se faire à distance, et lorsqu’un·e client·e est aiguillé·e vers la clinique du foie de la CUPS pour une visite en personne, il/elle peut obtenir du soutien (p. ex. des billets d’autobus, des rappels de suivi du personnel du refuge) afin de l’aider à se présenter à ses rendez-vous.
Formation du personnel du refuge pour offrir des services liés à l’hépatite C
Avant le lancement du programme, une infirmière et une pharmacienne de proximité de la clinique du foie de la CUPS ont tenu une série de formations en présentiel avec le personnel du Calgary Drop-in Centre, y compris avec le personnel infirmier. Cette formation était destinée à tout le personnel de soins de santé qui fournirait des services liés à l’hépatite C, dont le dépistage. La formation était axée sur :
- Les modes de transmission du virus de l’hépatite C et la progression de la maladie
- Les mises à jour sur le traitement de l’hépatite C et les traitements antiviraux à action directe
- Le contexte de l’élimination de l’hépatite C
- Le dépistage aux points de service (DPS), incluant le counseling avant et après le test
- L’arrimage des client·e·s à d’autres services de soins primaires
- La pratique basée sur la réduction des méfaits et tenant compte des traumatismes
Dépistage et arrimage aux soins par le personnel infirmier
Le personnel infirmier de première ligne du refuge constitue les premières personnes avec lesquelles les client·e·s ont un contact au refuge, et ces dernier·ère·s entretiennent souvent déjà des relations de confiance ou familières avec elles. En collaboration avec la pharmacienne de proximité, le personnel infirmier offre le dépistage au point de service pour les personnes à risque de contracter l’hépatite C, incluant celles qui consomment actuellement ou qui ont déjà consommé des drogues. Si le résultat du test au point de service est positif, des prises de sang supplémentaires sont effectuées pour un test de confirmation par mesure de l’ARN. Le dépistage au point de service et les prises de sang se déroulent à la clinique de santé du refuge, et les échantillons destinés au test de mesure de l’ARN sont envoyés à un laboratoire central. Le personnel infirmier est formé en phlébotomie et peut effectuer toutes les analyses sanguines nécessaires sur place. Le dépistage leur donne également l’occasion d’éduquer leurs client·e·s au sujet de l’hépatite C, même si leur résultat de test est négatif.
Les client·e·s qui obtiennent un résultat positif ainsi que les personnes qui ont déjà reçu un diagnostic d’hépatite C mais n’ont pas reçu de traitement sont arrimées au traitement sur place.
Élaboration d’un plan de traitement
La pharmacienne de proximité dirige le traitement, le counseling du ou de la patient·e et tout autre test, incluant les documents à remplir pour la couverture d’assurances. En Alberta, les pharmacien·ne·s sont autorisé·e·s à prescrire certains médicaments, dont les médicaments contre l’hépatite C pour les cas non complexes.
La pharmacienne de proximité communique ensuite par le biais d’un système électronique de tenue des dossiers médicaux avec le personnel infirmier et le ou la médecin de la clinique du foie de la CUPS afin d’élaborer un plan de traitement. Si des considérations cliniques d’ordre complexe existent (p. ex. co-infection par le VIH ou par l’hépatite B, graves lésions hépatiques), on confie les client·e·s à la clinique du foie de la CUPS pour qu’ils ou elles soient traité·e·s par l’infirmier·ère et le ou la médecin spécialisé·e·s en hépatite C. Sinon, le traitement est administré au refuge. La pharmacienne délivre les médicaments contre l’hépatite C, souvent accompagnés d’un traitement par agonistes opioïdes ou d’autres médicaments à prise quotidienne. Les patient·e·s peuvent également recevoir une provision hebdomadaire ou mensuelle de médicaments s’ils ou elles n’utilisent pas tous les jours les services du refuge.
Soutien au traitement et obtention de la guérison
Le personnel des services de santé du refuge surveille de près l’observance du traitement et offre du soutien pour les personnes sous traitement. Plusieurs des client·e·s sous traitement se rendent tous les jours au refuge, alors le personnel entretient une relation de travail étroite avec eux/elles. Les personnes obtiennent également du soutien global, notamment des soins primaires, du soutien en matière de réduction des méfaits et d’autres services par le biais du Calgary Drop-in Centre.
Douze semaines après la fin du traitement, un·e infirmier·ère fait passer un test à la personne pour confirmer qu’elle est bien guérie.
Ressources requises
- Personnel infirmier de première ligne au refuge
- Autre personnel de services de santé au refuge
- Pharmacien·ne de proximité (prescripteur·trice)
- Personnel infirmier à la clinique du foie
- Médecin à la clinique du foie
- Outils de communication en ligne
- Activités de formation pour le personnel du refuge
- Autres services globaux, incluant les soins primaires, la réduction des méfaits et l’aide au logement
Difficultés particulières
- Pandémie de la COVID-19 : Les prestataires de soins de santé ont été mis à rude épreuve par la pandémie de la COVID-19, et plusieurs se sont vus assigner des rôles différents. Cette réduction de capacité s’est traduite par une diminution de la priorité des services liés à l’hépatite C, tout particulièrement pour plusieurs membres du personnel du refuge. De plus, certaines restrictions provinciales ont multiplié les obstacles à l’accès aux soins et au traitement contre l’hépatite C, notamment les fermetures de laboratoires et un retard dans les demandes de couvertures médicales.
- Personnes perdues de vue au suivi : Ce programme œuvre auprès de populations fortement marginalisées qui font face à des problèmes liés à l’itinérance, à la consommation de substances ou à la santé mentale. Bien que ce programme soit un modèle intégré d’accès facile, il se peut que des personnes soient perdues au suivi. Le programme réduit par contre ce risque en restant flexible, en maintenant un contact étroit avec d’autres prestataires de services avec qui les personnes pourraient travailler et en revisitant les options de traitement contre l’hépatite C si un·e client·e reprend ses démarches auprès des services de santé.
- Obstacles continus au traitement de l’hépatite C : En dehors de ce programme, les obstacles continus pour accéder au traitement de l’hépatite C sont encore présents en Alberta. Parmi ces derniers, notons : les longues périodes d’attente pour obtenir les résultats d’analyses sanguines, les exigences pour des résultats récents de mesure de l’ARN dans les 6 à 12 mois après avoir fait une demande de traitement et d’autres enjeux liés à la couverture du traitement. La stigmatisation liée à l’hépatite C tant pour les client·e·s que les prestataires existe encore, ainsi qu’une pénurie générale de prestataires de traitement contre l’hépatite C. Des programmes semblables à celui-ci pouvant être dirigés par d’autres prescripteur·trice·s en milieux communautaires pourraient aider à résoudre ces enjeux.
Évaluation
Du lancement du programme en mars 2021 à octobre 2021 :
- 61 patient·e·s ont passé un test à l’aide du dépistage de l’hépatite C au point de service*
- 11 patient·e·s ont terminé ou étaient sous traitement
- 3 patient·e·s étaient en processus d’évaluation du traitement
- 19 travailleur·euse·s de soins de santé du refuge ont terminé la formation sur l’hépatite C
*Remarque : Le dépistage au point de service est utilisé pour détecter et diagnostiquer les nouveaux cas, et il est également utilisé comme outil éducatif/de proximité. De nombreuses personnes qui ont commencé le traitement dans le cadre du programme avaient déjà reçu un diagnostic et n’étaient pas nécessairement répertoriées par le biais de ce programme.
Leçons tirées
- Élimination des cloisonnements dans les soins contre l’hépatite C : Les soins décentralisés offerts par une clinique spécialisée permettent désormais aux personnes marginalisées de guérir de l’hépatite C. En collaborant avec différents organismes et endroits physiques, ce programme a réussi à éliminer les obstacles physiques au dépistage et au traitement de l’hépatite C, ce qui a permis aux personnes d’avoir accès à des soins au sein de leur « maison de santé ».
- La communication est la clé : Une communication constante et claire entre les partenaires du programme était essentielle. Même s’il y avait très peu de contacts en personne entre les deux sites, le personnel du refuge pouvait accéder à distance au système électronique de tenue des dossiers médicaux de la clinique du foie de la CUPS et l’utiliser pour communiquer efficacement les renseignements sur le programme et le ou la patient·e.
- Élaboration d’un plan clair avec des rôles définis : Pour assurer la clarté et la cohésion, il était essentiel d’investir du temps au début du processus afin d’établir un flux de traitement clair et d’assigner des rôles et des responsabilités. En ayant un processus bien établi en place, cela a permis de réduire les délais et la confusion et d’offrir aux patient·e·s des soins simplifiés. Un autre élément important dans l’évaluation du programme consistait à s’assurer que les processus de collecte de données étaient en place et mis en œuvre.
Matériel du programme
Coordonnées
Kate Newcombe
Infirmière autorisée
Clinique du foie de la CUPS
kate.newcombe@albertahealthservices.ca
Nicola Gale
Pharmacienne clinicienne
Mint Health + Drugs
nicola.g@mintdrugs.com