Modèle de soins intégrés contre l’hépatite C, l’infection par le VIH et les troubles liés à l’usage de drogues pendant la pandémie de la COVID-19
Connecticut, États-Unis
2022
Ce programme a été conçu au début de la pandémie de la COVID-19 pour pouvoir continuer de proposer des traitements contre l’hépatite C et le trouble lié à l’usage d’opioïdes aux personnes qui utilisent des drogues. Il s’agissait de combiner les tests de dépistage de l’hépatite C, de l’infection par le VIH et du trouble lié à l’usage d’opioïdes dans le cadre d’un programme de seringues et d’aiguilles. Des travailleur·se·s de proximité et des clinicien·ne·s ont communiqué avec les personnes par téléphone et par message texte afin de simplifier la mise en place du traitement au lieu d’effectuer des consultations en personne. La mise en œuvre du programme a permis de guérir 29 personnes de l’hépatite C. Par ailleurs, dans le cadre du programme, des personnes co-infectées par le VIH ont pu atteindre ou maintenir un état de suppression de la charge virale, et d’autres ont pu entamer ou poursuivre un traitement contre les troubles liés à l’usage de drogues.
Description du programme
Ce programme a été mis en œuvre au sein du New Haven Syringe Services Program (NHSSP), un service communautaire destiné aux personnes qui utilisent des drogues à New Haven, dans le Connecticut. Il a été lancé au milieu de l’année 2020, au début de la pandémie de la COVID-19. Avant la pandémie, le NHSSP offrait les services suivants :
- Distribution de matériel d’utilisation de drogues à un comptoir (de même que par le biais d’activités de proximité et de la livraison à domicile)
- Prévention des surdoses et information, notamment au sujet de la naloxone et des bandelettes réactives au fentanyl
- Clinique médicale mobile installée dans un bus, permettant de proposer des services tels que le dépistage et le traitement de l’infection par le VIH et l’hépatite C
- Traitement à base de buprénorphine ou orientation vers des programmes de traitement par la méthadone.
À partir de mars 2020, les mesures de santé publique liées à la pandémie, et notamment les contraintes d’éloignement physique, ont perturbé la prestation des services au NHSSP. Cela s’est traduit par une réduction considérable du nombre de tests de dépistage de l’hépatite C et du VIH et par une réduction de l’accès aux fournitures destinées à la réduction des méfaits et au traitement de l’hépatite C, de l’infection par le VIH et des troubles liés à l’usage de drogues.
Pour faire face à la situation, le NHSSP a abandonné le dépistage rapide de l’hépatite C et de l’infection par le VIH en personne au point de service au profit d’un dépistage combiné de l’hépatite C, de l’infection par le VIH et du trouble lié à l’usage d’opioïdes dans un laboratoire communautaire externe où le respect des protocoles de distanciation physique était possible. Les heures d’ouverture du comptoir de service ont été réduites, les demandes de fournitures destinées à la réduction des méfaits ont été faites par téléphone et leur livraison à domicile, généralisée. Le programme reposait sur un modèle de soins visant à réduire au minimum les consultations cliniques et à recenser les personnes atteintes d’un trouble lié à l’usage d’opioïdes et ayant besoin d’un traitement contre l’hépatite C. Les clinicien·ne·s affecté·e·s à la clinique médicale mobile ont commencé à offrir des services médicaux par le biais de la télémédecine. Les travailleur·se·s de proximité ont accompagné par téléphone les client·e·s qui suivaient un traitement contre l’hépatite C et ont assuré la mise en relation avec des clinicien·ne·s en vue de planifier le dépistage et le traitement. Le modèle élaboré dans le contexte de la pandémie de la COVID-19 reposait sur l’approche suivante.
Dépistage et orientation vers le programme : Les client·e·s qui ont fait appel aux services du NHSSP (p. ex. pour la livraison à domicile de fournitures destinées à la réduction des méfaits) ont passé un premier dépistage verbal du trouble lié à l’usage d’opioïdes. Les personnes désireuses de passer un test de dépistage de l’hépatite C et de l’infection par le VIH ont été orientées en vue d’un dépistage plus approfondi.
Dépistage et diagnostic de l’hépatite C et de l’infection par le VIH : Les client·e·s se sont présenté·e·s à un laboratoire communautaire pour y passer un test de dépistage urinaire du trouble lié à l’usage d’opioïdes ainsi qu’un test de dépistage du VIH et un test de dépistage de l’hépatite C. Les résultats de ces deux derniers tests ont été systématiquement soumis à des analyses de confirmation, notamment des tests d’évaluation de la fonction hépatique en ce qui concerne l’hépatite C et des mesures de la charge virale et des CD4 en ce qui concerne le VIH.
Suivi clinique et planification du traitement : Un·e clinicien·ne attaché·e au programme examinait les résultats des tests et déterminait si la personne concernée pouvait bénéficier d’un traitement contre l’hépatite C, auquel cas il ou elle élaborait un plan de soins. Ce plan de soins pouvait être intégré au traitement de l’infection par le VIH si le ou la client·e présentait une infection concomitante, ainsi qu’au traitement par un agoniste des opioïdes. Toutes les consultations ont été effectuées par téléphone, et les travailleur·se·s de proximité ont apporté un soutien supplémentaire sous forme d’appel téléphonique, ou en personne dans le cadre des livraisons à domicile de fournitures destinées à la réduction des méfaits.
Traitement de l’hépatite C : Le traitement dépendait des préférences et des besoins des client·e·s, et les médicaments étaient livrés à domicile, dans une pharmacie locale ou dans les locaux du NHSSP. La démarche de traitement était simplifiée et se résumait à une évaluation et à un test réalisés 12 semaines après la fin du traitement pour confirmer la guérison. Il était possible de demander à consulter le ou la clinicien·ne par téléphone, et les travailleur·se·s de proximité effectuaient des suivis réguliers par téléphone ou en personne.
Traitements du VIH : Les client·e·s ayant obtenu un résultat positif au test de dépistage du VIH commençaient un traitement s’ils n’en suivaient pas déjà un, et les client·e·s qui n’avaient pas atteint le stade de la suppression de la charge virale ont reçu des conseils en matière d’observance de la part du/de la clinicien·ne prescripteur·trice. Les client·e·s qui n’observaient pas bien leur traitement pouvaient choisir de se faire livrer leurs médicaments à domicile, dans une pharmacie locale ou au NHSSP. Les suivis étaient effectués par téléphone selon les besoins. Des consultations en personne étaient organisées si le traitement provoquait des effets indésirables.
Traitement du trouble lié à l’usage d’opioïdes : Les client·e·s qui ne recevaient pas déjà de traitement par un agoniste des opioïdes pouvaient commencer à prendre de la buprénorphine le jour même dans le cadre du NHSSP, assistés par une appli téléphonique. Les client·e·s qui commençaient à prendre la buprénorphine recevaient une ordonnance initiale d’une durée de sept jours, suivie d’ordonnances mensuelles par téléphone, sans obligation de passer un test de dépistage de drogues dans l’urine. Les ordonnances étaient envoyées à la pharmacie des client·e·s. Ceux et celles qui préféraient recourir à la méthadone pouvaient être orienté·e·s vers une clinique voisine et commencer le traitement par la méthadone le jour même. Le plan de traitement dépendait des client·e·s et des règles du programme de traitement.
Résultats
Entre mars et juin 2020, 66 personnes qui s’injectaient régulièrement des drogues ont passé un dépistage combiné de l’hépatite C, de l’infection par le VIH et du trouble lié à l’usage d’opioïdes, et 35 d’entre elles étaient atteintes d’hépatite C chronique :
- 28 personnes (77 %) étaient des hommes et 12 personnes (39 %) étaient en situation de logement précaire;
- 31 personnes (89 %) ont commencé un traitement contre l’hépatite C et 29 personnes (94 %) en ont été guéries; 83 % des personnes en situation de logement précaire ont été guéries de l’hépatite C;
- 100 % des personnes recevant un traitement contre l’hépatite C consommaient régulièrement des drogues (en les injectant, en les sniffant ou en les fumant).
Sept personnes se sont avérées être porteuses du VIH, et toutes suivaient un traitement antirétroviral. Six personnes porteuses du VIH ont commencé un traitement contre l’hépatite C, et deux d’entre elles n’étaient pas en état de suppression de la charge virale. Douze semaines après le traitement de l’hépatite C, les six personnes porteuses du VIH ont présenté une suppression de la charge virale.
En tout, 84 % des personnes prenaient des médicaments pour traiter le trouble lié à l’usage d’opioïdes à la fin de leur traitement contre l’hépatite C. Il s’agissait de 20 personnes ayant commencé un traitement de substitution aux opioïdes pendant le traitement de l’hépatite C (14 ont commencé la buprénorphine et six, la méthadone), et de 6 personnes qui prenaient un traitement de substitution aux opioïdes au début de l’étude.
Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?
Cette étude montre qu’il est possible de combiner le dépistage et le traitement de l’hépatite C, de l’infection par le VIH et du trouble lié à l’usage d’opioïdes de manière à réduire les ressources cliniques nécessaires au traitement de l’hépatite C dans le contexte de la pandémie de la COVID-19. Cette approche consistait à réduire le nombre de consultations en personne, à combiner le dépistage de l’hépatite C, de l’infection par le VIH et du trouble lié à l’usage d’opioïdes et à utiliser les services de télémédecine à des fins de soutien. Des travailleur·se·s de proximité ont servi de personnes-ressources dignes de confiance chargées d’établir un lien avec les bénéficiaires lors de la livraison à domicile de fournitures destinées à la réduction des méfaits, par téléphone ou par message texte.
L’intégration du traitement de l’hépatite C, de l’infection par le VIH et du trouble lié à l’usage d’opioïdes est un élément important de ce modèle. Ce programme a produit des résultats favorables dans les trois domaines, apportant possiblement une valeur ajoutée par la combinaison des traitements. En misant sur l’intégration, un programme peut offrir des services à caractère plus holistique qui répondent aux multiples besoins de santé des personnes qui utilisent des drogues.
La pandémie de la COVID-19 a aggravé les problèmes d’accès aux soins, en particulier pour les personnes les plus marginalisées. Ce modèle conserverait toute son utilité après la pandémie, car les longues attentes avant un traitement et la nécessité de multiples consultations peuvent constituer des obstacles importants pour de nombreuses personnes. Cela dit, il faut tenir compte du fait que les populations visées peuvent avoir un accès limité au téléphone ou à l’Internet.
Ressources connexes
- Intégration de la prise en charge de l’hépatite C dans les cliniques communautaires de traitement de la dépendance aux drogues et à l’alcool
- Intégration du dépistage et du traitement de l’hépatite C dans les contextes communautaires ou de soins primaires pour joindre les populations prioritaires
- Élargir le dépistage et le traitement de l’hépatite C par l’entremise de la délégation des tâches
Référence
Sivakumar A, Madden L, DiDomizio E et al. Treatment of hepatitis C virus among people who inject drugs at a syringe service program during the COVID-19 response: The potential role of telehealth, medications for opioid use disorder and minimal demands on patients. International Journal of Drug Policy. 2022 Mar;101:103570.