Souhaitez-vous recevoir nos publications directement dans votre boîte de réception?

CATIE
Image
  • Sur 10 ans, la part des opioïdes saisis contenant du fentanyl ou des analogues du fentanyl est passée de 3 % à 68 %
  • Santé Canada a analysé des échantillons de drogues saisies par les forces de l’ordre entre 2012 et 2022
  • Les résultats révèlent une croissance de la toxicité des drogues non réglementées au Canada

Recevez Nouvelles CATIE dans votre boîte de réception :

Depuis une décennie, les opioïdes synthétiques comme le fentanyl et ses analogues jouent un rôle de plus en plus grand dans les décès par surdose au Canada. Le fentanyl est environ 100 fois plus puissant que la morphine, alors que le carfentanil, une drogue bien moins courante, est en gros 100 fois plus puissante que le fentanyl. Les responsables de cette étude ont cherché à éclairer les tendances se rapportant au fentanyl, au carfentanil et aux autres analogues du fentanyl au fil du temps et dans les différentes régions du Canada. 

Détails de l’étude

Cette étude transversale exploratoire a analysé des données concernant tous les échantillons d’opioïdes saisis par des autorités de police canadiennes et soumis au Service d’analyse des drogues (SAD) de Santé Canada entre 2012 et 2022. Lorsque la police saisit des drogues illégales, elle soumet volontairement des échantillons au SAD. Ce dernier emploie des méthodologies d’analyse mondialement reconnues pour confirmer la présence de drogues illégales. Les auteur·trice·s de cette étude ont analysé des données se rapportant à des échantillons soumis au fil du temps et en fonction de la province ou du territoire. Dans les rapports découlant de ces analyses, l’équipe a regroupé les données issues des provinces atlantiques en raison de la faible population de celles-ci et a exclu les données provenant des territoires en raison du faible nombre d’échantillons saisis dans ces régions. 

Résultats

Les provinces canadiennes ont soumis 157 616 échantillons d’opioïdes au SAD sur une période de 10 ans (2012 à 2022). Les résultats à retenir de l’analyse incluent les suivants : 

  • 51,5 % (81 165) de tous les échantillons contenant des opioïdes renfermaient du fentanyl ou un analogue du fentanyl; sur ceux-ci :
    • 94,5 % (76 711) contenaient du fentanyl; 
    • 7,2 % (5 380) contenaient du carfentanil; 
    • 7,1 % (5 744) contenaient un autre analogue du fentanyl.
  • La présence de fentanyl ou d’analogues du fentanyl a augmenté considérablement au cours de la période à l’étude, passant de 3,0 % en 2012 à 68,3 % en 2022. 

Tendances provinciales et régionales 

C’est en Colombie-Britannique que les proportions les plus élevées d’échantillons d’opioïdes contenant du fentanyl ont été trouvées. Les taux de positivité au fentanyl ou aux analogues du fentanyl ont augmenté continuellement et de manière dramatique, passant de 4,9 % en 2012 à 21,3 % en 2015, puis de façon spectaculaire à 61,2 % en 2016 et jusqu’à 91,2 % en 2018. Les taux ont légèrement diminué en 2022, soit jusqu’à 84,7 %. L’Alberta a connu des tendances à la hausse semblables, les taux de positivité au fentanyl ou aux analogues du fentanyl passant de 4,1 % en 2012 à 36,4 % en 2015, puis bondissant jusqu’à 65,9 % en 2018 et à 80,9 % en 2022. 

En Ontario, les taux de positivité au fentanyl ou aux analogues du fentanyl ont augmenté plus lentement, passant de 2,6 % en 2012 à 20,1 % en 2016; ils ont atteint 38,6 % en 2017 et 68,6 % en 2022. Au Manitoba et en Saskatchewan, les tendances des taux de positivité étaient très semblables à celles de l’Ontario, passant respectivement de 2,6 % en 2012 à 70,8 % en 2022 et de 0 % en 2012 à 65,3 % en 2022. 

Le Québec a connu des tendances différentes en ce qui concerne le marché des opioïdes non réglementés, ses taux globaux de positivité au fentanyl et aux analogues du fentanyl étant plus faibles. Sur la période de 10 ans, les taux de positivité sont passés de 1,5 % en 2012 à 19,1 % en 2022. 

La région du Canada atlantique a affiché la plus faible augmentation dans les taux de positivité au fentanyl ou aux analogues du fentanyl pendant la période entre 2012 (1,3 %) et 2022 (15,8 %).

Les données de 2022 ont révélé une augmentation évidente de la présence de fentanyl ou d’analogues du fentanyl d’est en ouest au pays, de la région du Canada atlantique jusqu’en Colombie-Britannique. 

Positivité au fentanyl, au carfentanil et à d’autres analogues du fentanyl 

L’équipe de recherche a également examiné les proportions respectives du fentanyl, du carfentanil ou d’autres analogues du fentanyl dans tous les échantillons d’opioïdes.

Dans l’ensemble du Canada, le taux de positivité au fentanyl dans la totalité des échantillons d’opioïdes était de 2,9 % en 2012, puis de 66,6 % en 2022. Le carfentanil a été détecté pour la première fois dans des échantillons d’opioïdes en 2016, étant présent dans 0,3 % de ceux-ci cette année-là. Sa présence dans les échantillons d’opioïdes a augmenté jusqu’à 10 % en 2019 avant de rebaisser jusqu’à 4,9 % en 2022. L’équipe a constaté des différences régionales notables dans les proportions d’échantillons d’opioïdes contenant du carfentanil. Mentionnons à titre d’exemple que l’augmentation des taux de positivité au carfentanil en 2019 était partiellement attribuable à un bond considérable en Ontario cette année-là. De plus, il importe de noter que les taux de positivité au carfentanil en Alberta étaient comparativement élevés. En 2022, le quart (24,4 %) des échantillons avec présence de fentanyl ou d’un analogue du fentanyl contenaient du carfentanil dans cette province.

Sur toute la période en question, d’autres analogues du fentanyl étaient présents dans moins de 10 % des échantillons d’opioïdes. 

Que nous dit cette étude?

Cette étude révèle une augmentation importante de la teneur en opioïdes synthétiques très puissants, comme le fentanyl et ses analogues dans le marché des opioïdes non réglementés du Canada entre 2012 et 2022. Elle a également permis de constater des différences régionales considérables. Sur la période de l’étude, la proportion d’échantillons d’opioïdes contenant ces drogues synthétiques a augmenté initialement en Colombie-Britannique, puis en Alberta, et ensuite en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario. Durant la dernière année de l’étude (2022), le pourcentage d’échantillons d’opioïdes s’avérant positifs pour la présence de fentanyl ou de ses analogues a augmenté d’est en ouest, les taux les plus élevés étant ceux de la Colombie-Britannique, et les plus faibles, ceux du Canada atlantique. Ces résultats soulignent l’importance des tests de détection de drogues de haut rendement comme outils de surveillance permettant de mieux comprendre le marché des drogues non réglementées. Ils révèlent aussi jusqu’à quel point les données pancanadiennes peuvent cacher d’importantes différences régionales. 

D’autres études ont révélé un lien clair entre l’augmentation des décès par surdose et la montée de la présence de fentanyl dans le marché des drogues non réglementées dans certaines parties du Canada. En Colombie-Britannique, par exemple, les taux de décès dus aux drogues contaminées sont passés de 11,1 sur 100 000 personnes en 2015 à 20,5 sur 100 000 personnes en 2016; notons que la proportion d’échantillons d’opioïdes contenant du fentanyl a également augmenté considérablement durant cette période, passant de 21,3 % à 61,2 %. 

Incidence pour les prestataires de services et les personnes qui utilisent des drogues

Ces résultats ont plusieurs graves répercussions pour les prestataires de services de première ligne et les personnes qui utilisent des opioïdes illégaux au Canada. En premier lieu, la proportion croissante du fentanyl et des analogues du fentanyl dans le marché des drogues non réglementées du Canada, et plus particulièrement dans plusieurs provinces, a été associée à une hausse des méfaits liés à l’usage de drogues, ce qui fait que des interventions sont nécessaires pour contribuer à réduire ces méfaits. En deuxième lieu, pendant que les prestataires de services élaborent et mettent en œuvre des stratégies de traitement, surtout dans les régions à l’ouest du Québec, ils et elles doivent reconnaître la toxicité croissante des drogues non réglementées et agir conséquemment. En troisième lieu, il est essentiel que la santé publique fasse une surveillance continue du marché des drogues non réglementées, notamment en analysant les drogues et en diffusant des alertes pour tenir les personnes qui utilisent des drogues au courant de la sécurité de l’approvisionnement. Les prestataires de services de toutes les régions doivent se tenir au courant des tendances changeantes dans le marché local de drogues non réglementées. Enfin, dans la région de l’Atlantique et au Québec, les prestataires de services devraient se préparer à la possibilité d’une augmentation considérable des décès par surdose si le fentanyl et les analogues du fentanyl devenaient plus courants. 

Limites

Cette étude compte des limites qu’il est nécessaire de prendre en compte. La première réside dans le fait que tous les échantillons d’opioïdes figurant dans l’étude ont été soumis volontairement au SAD par des autorités de police. Ces échantillons risquent de ne pas représenter toutes les saisies de dogues, mais seulement une faible fraction des drogues figurant dans le marché non réglementé au Canada. Une deuxième limite réside dans l’envergure étroite de l’étude, car elle ne s’est intéressée qu’aux échantillons d’opioïdes coupés par du fentanyl, du carfentanil et d’autres analogues du fentanyl. L’équipe n’a pas examiné la présence croissante d’autres adultérants psychoactifs dans les opioïdes non réglementés, tels les benzodiazépines et les tranquillisants. Enfin, une troisième limite tient au fait que l’équipe n’a pas analysé les concentrations précises de fentanyl, de carfentanil et d’autres analogues du fentanyl dans les échantillons soumis.

Référence

Kleinman RA. Fentanyl, carfentanil and other fentanyl analogues in Canada’s illicit opioid supply: A cross-sectional study. Drug and Alcohol Dependence Reports. 2024 May 23:100240.