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CATIE
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  • Une équipe de la C.-B. a mené une étude sur le TAO pendant l’incarcération et le risque de surdose non mortelle après la mise en liberté
  • Les agents de TAO, dont la méthadone et la buprénorphine, atténuent les symptômes du sevrage d’opioïdes
  • Le risque de surdose non mortelle était 45 % moins élevé dans le mois suivant la mise en liberté chez les personnes traitées par TAO 

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Les données de recherche portent à croire que le taux de surdose non mortelle est au moins 15 fois plus élevé que le taux de surdose mortelle, et la surdose non mortelle est un facteur de risque de surdose mortelle ultérieure et d’autres méfaits importants1. Le traitement par agoniste opioïde (TAO) consiste à prescrire des médicaments pour atténuer les symptômes du sevrage d’opioïdes et les envies de consommer. Le TAO est une approche thérapeutique efficace contre les troubles liés à l’usage de substances et est également associé à de nombreux autres bienfaits pour la santé, y compris une réduction du risque de surdose. 

Il arrive cependant souvent que l’incarcération perturbe l’accès au TAO, autant avant l’entrée en prison qu’après la mise en liberté. Cette perturbation de l’accès est inquiétante parce que le risque de surdose mortelle est très élevé durant la période suivant la sortie de prison. Bien que le lien entre la mise en liberté et le risque de surdose mortelle soit documenté, le rapport avec le risque de surdose non mortelle après la sortie de prison est moins clair. Une équipe de recherche de la Colombie-Britannique a visé à comprendre le lien entre l’obtention d’un TAO durant l’incarcération et le risque de faire une surdose non mortelle pendant le mois suivant la libération chez des personnes atteintes d’un trouble lié à l’usage de substances2.

Détails de l’étude

L’échantillon de cette étude faisait partie de la BC Provincial Overdose Cohort (BC-ODC), une base de données liées provenant de nombreuses sources, y compris le système de soins de santé et le système pénal. L’une des composantes de la BC-ODC consiste en des données recueillies auprès d’un échantillon aléatoire de 20 % de personnes vivant en Colombie-Britannique. L’équipe a analysé des données se rapportant à toutes les personnes figurant dans cet échantillon qui répondaient aux critères suivants : mise en liberté d’un établissement correctionnel provincial entre le 1er janvier 2015 et le 1er décembre 2018; âge minimal de 18 ans lors de la mise en liberté; diagnostic d’un trouble lié à l’usage de substances. L’équipe a examiné les données se rapportant aux liens entre l’obtention d’un TAO durant l’incarcération et la survenue d’une surdose non mortelle dans les 30 jours suivant la mise en liberté, ainsi que des données sociodémographiques.

Résultats

En tout, 1 535 personnes ont figuré dans l’échantillon de cette étude. L’équipe a recensé 4 738 épisodes d’incarcération, le nombre médian de mises en liberté étant de deux par personne. Un TAO a été fourni lors de 56 % des épisodes d’incarcération, le plus souvent sous forme de l’association buprénorphine/naloxone (56 % des TAO dispensés). Durant la période de l’étude, 453 surdoses non mortelles ont été documentées durant les 30 jours suivant la mise en liberté. Vingt-cinq personnes sont décédées durant la période de l’étude, dont 22 de surdoses mortelles. 

Cette étude a révélé que l’administration d’un TAO durant l’incarcération procurait un effet protecteur contre le risque de surdose non mortelle après la mise en liberté. Après ajustement en fonction de plusieurs facteurs sociodémographiques, l’équipe a constaté une réduction de 45 % du risque de surdose non mortelle durant le mois suivant la mise en liberté chez les personnes traitées par TAO durant leur séjour en prison, comparativement aux personnes non traitées durant l’incarcération.

Parmi les personnes qui ont reçu un TAO en prison, certaines d’entre elles avaient commencé le traitement dans la communauté avant l’incarcération, et d’autres l’ont commencé après celle-ci. La réduction du risque de surdose non mortelle après la mise en liberté était semblable dans ces deux sous-groupes. Plus précisément, les personnes qui étaient déjà sous TAO avant l’incarcération et qui l’ont poursuivi en prison couraient un risque de surdose non mortelle 51 % moins élevé que le risque chez les personnes non traitées. Chez les personnes qui ont commencé le TAO durant l’incarcération, le risque était 42 % plus faible que chez les personnes ne recevant pas de TAO. 

Les personnes traitées par TAO durant l’incarcération étaient susceptibles de passer plus de temps en prison et de ne pas avoir de maladies chroniques, de diagnostic de problème de santé mentale ou d’antécédents d’usage de TAO. 

Différences entre les hommes et les femmes

Les proportions d’hommes (56 %) et de femmes (53 %) qui ont reçu un TAO durant l’incarcération étaient semblables. 

L’équipe a effectué des analyses ajustées pour comparer le risque de surdose non mortelle chez les hommes et les femmes traité·e·s par TAO durant l’incarcération à celui des personnes non traitées. L’effet de recevoir un TAO durant l’incarcération semble être plus important chez les femmes que chez les hommes :

  • Chez les femmes, après ajustement pour tenir compte de facteurs sociodémographiques, le risque de surdose non mortelle a été réduit de 71 %; 
  • Chez les hommes, après ajustement pour tenir compte de facteurs sociodémographiques, le risque de surdose non mortelle a été réduit de 40 %.

Accès au TAO dans les prisons canadiennes

La situation de l’accès au TAO dans les prisons varie selon les territoires de compétence d’un bout à l’autre du Canada. Pour cette raison, l’accès peut être différent selon qu’une personne est incarcérée dans un établissement fédéral, provincial ou territorial. Dans certains territoires de compétence canadiens, l’accès au TAO n’est possible que pour les personnes ayant reçu une ordonnance auprès d’un·e prestataire de soins dans la communauté avant d’entrer en prison. De nombreux facteurs individuels et liés aux politiques peuvent avoir une incidence sur la capacité qu’ont les gens de commencer un TAO en prison. Cela peut inclure les connaissances et préférences de l’individu, les ressources à sa disposition, les liens établis avec des prescripteur·trice·s dans la communauté et le soutien reçu auprès du personnel des institutions et en vertu des politiques de celles-ci3.

Nécessité d’améliorer l’accès au TAO pendant l’incarcération et à la mise en liberté

Cette étude porte à croire que l’amélioration de l’accès au TAO pour les personnes incarcérées permet de réduire le risque de surdose non mortelle dans les 30 jours suivant la mise en liberté, surtout en ce qui concerne les femmes. 

Pour les prestataires de services qui travaillent avec des personnes incarcérées ou récemment libérées, cette étude souligne l’importance d’assurer une transition fluide entre les services carcéraux et les services communautaires. Le renforcement des partenariats entre les établissements correctionnels et les services de santé communautaires peut aider à combler les lacunes des soins, à faciliter l’accès au TAO et à réduire le risque de surdose non mortelle.

Limites

Cette étude n’a porté que sur des surdoses lors desquelles avait eu lieu une intervention de la part d’un·e professionnel·le de la santé. Cela veut dire que le nombre de surdoses non mortelles était sans doute plus élevé dans la cohorte de l’étude que ce qui a été rapporté. De plus, en raison des limites des données administratives, l’équipe n’a pas été en mesure de déterminer si les gens avaient reçu un TAO dans les jours précédant leur mise en liberté. De plus, elle n’a pas établi si les ordonnances pour le TAO continuaient après la période de détention. Comme l’équipe ne disposait pas de données sur la race, l’ethnie ou l’identité autochtone, elle n’a pas été en mesure d’inclure cette information dans son analyse. 

RÉFÉRENCES :

  1. Casillas SM, Pickens CM, Tanz LJ et al. Estimating the ratio of fatal to non-fatal overdoses involving all drugs, all opioids, synthetic opioids, heroin or stimulants, USA, 2010-2020. Injury Prevention. 2024 Jan 30;30(2):114-24. 
  2. McLeod KE, Buxton JA, Karim ME et al. Receipt of opioid agonist treatment in provincial correctional facilities in British Columbia is associated with a reduced hazard of nonfatal overdose in the month following release. PloS One. 2024 Jul 1;19(7):e0306075. 
  3. Kouyoumdjian FG, Patel A, To MJ et al. Physician prescribing of opioid agonist treatments in provincial correctional facilities in Ontario, Canada: a survey. PLoS One. 2018 Feb 15;13(2):e0192431.