Souhaitez-vous recevoir nos publications directement dans votre boîte de réception?

CATIE
Image
  • Des scientifiques canadien·ne·s ont analysé des données tirées d’une cohorte de personnes séropositives co-infectées par le virus de l’hépatite C
  • Les antiviraux à action directe ont entraîné une hausse du taux de traitement de l’hépatite C dans cette cohorte à partir de 2014
  • Cependant, l’hépatite C était encore présente chez 46 % des participant­·e·s lors de leur évaluation la plus récente

Le virus de l’hépatite C (VHC) infecte le foie. Si le système immunitaire ne réussit pas à éliminer le virus, l’infection devient chronique au fil du temps, ce qui peut nuire à la santé de l’organe, entraînant de graves conséquences et faisant augmenter le risque de cancer du foie et de décès.

Recevez Nouvelles CATIE dans votre boîte de réception :

Comme le VHC et le VIH ont plusieurs voies de transmission en commun, de nombreuses personnes atteintes d’hépatite C sont également co-infectées par le VIH. Puisque le VIH affaiblit le système immunitaire, la co-infection accélère la progression des lésions hépatiques causées par le VHC, ce qui peut mener plus rapidement au décès.

Selon les estimations des chefs de file de la recherche du Canada, près de 85 % des nouvelles infections par le VHC se produisant au pays surviennent chez des personnes qui s’injectent des drogues. De plus, des recherches indiquent qu’environ 10 % des personnes qui s’injectent des drogues au Canada ont à la fois le VIH et le VHC. Il n’empêche que certaines personnes atteintes du VHC (dont un grand nombre ont également le VIH) ignorent qu’elles sont infectées et qu’elles ont besoin de soins et de traitement.

Évolution du traitement du VHC

Il y a vingt ans, le principal traitement du VHC consistait en des injections régulières d’interféron, avec ou sans l’ajout de l’antiviral à large spectre ribavirine sous forme de comprimé. Ces médicaments causaient souvent des effets secondaires déplaisants, voire dangereux dans certains cas. Pour cette raison, toutes les personnes atteintes du VHC ne se faisaient pas traiter à l’époque.

Dès 2014, de puissants médicaments anti-VHC sous forme de comprimés ont vu le jour. Appelés antiviraux à action directe (AAD), ces médicaments ont été conçus pour s’attaquer directement au VHC. Il existe de nos jours des associations d’AAD que l’on peut prendre une seule fois par jour. Dans certains cas, il suffit de traiter une personne pendant huit semaines pour la guérir du VHC. Voici une liste d’AAD couramment utilisés au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé :

  • Epclusa : sofosbuvir + velpatasvir
  • Harvoni : sofosbuvir + lédipasvir
  • Maviret : glécaprévir + pibrentasvir

Ces médicaments sont maintenant couverts par les listes de médicaments des provinces et territoires.

Au Canada

Une équipe de recherche affiliée à l’Étude canadienne de cohorte sur la co-infection a recueilli et analysé des données afin de mieux comprendre le rôle que jouaient la réduction des méfaits, l’utilisation de drogues et le traitement du VHC dans la vie des participant·e·s.

Les données se rapportaient à des personnes vivant dans les provinces suivantes :

  • Colombie-Britannique
  • Ontario
  • Québec
  • Saskatchewan

Les données ont été recueillies entre 2003 et 2019 auprès de 1 077 personnes.

L’équipe de recherche a constaté les tendances suivantes :

  • L’efficacité du traitement s’est améliorée au fil du temps (à mesure que les traitements devenaient plus simples, plus sûrs et plus puissants), et les proportions de personnes guéries ont augmenté, surtout durant les dernières années de l’étude.
  • Même si les tendances de l’utilisation de drogues ont varié d’une province à l’autre, l’équipe a constaté une réduction globale de l’usage de cocaïne par injection et une augmentation de l’usage d’opioïdes par injection au fil du temps.
  • L’utilisation sous-optimale des services de réduction des méfaits a persisté, et les taux de traitement de substitution aux opioïdes (utilisation de buprénorphine ou de méthadone) sont restés faibles, soit entre 8 % et 26 %.

Même si les taux de guérison du VHC se sont améliorés durant l’étude, l’utilisation sous-optimale des services de réduction des méfaits a laissé de nombreuses personnes vulnérables aux conséquences nuisibles de l’utilisation de drogues. Selon l’équipe de recherche, ces résultats révèlent qu’il reste beaucoup de travail à faire pour « améliorer la santé générale des [personnes qui s’injectent des drogues] ».

Détails de l’étude

L’Étude canadienne de cohorte sur la co-infection est toujours en cours et porte sur des personnes ayant à la fois le VHC et le VIH. On a recruté pour cette étude plus de 2 000 personnes vivant dans six provinces.

Dans le cadre de cette étude, les rendez-vous des participant·e·s ont lieu tous les six mois. Lors de chaque rendez-vous, l’équipe de recherche recueille des données sur divers sujets, notamment l’utilisation de drogues et le recours aux services de réduction des méfaits, et effectue des prélèvements de sang. Elle obtient aussi des données additionnelles dans les dossiers médicaux des participant·e·s.

Les participant·e·s à cette étude de cohorte sont principalement des hommes, soit une proportion de 57 % à 80 %, selon la province.

Résultats

En général, la proportion de personnes ayant commencé un traitement du VHC est restée faible jusqu’en 2014 environ. Lorsque des associations d’AAD puissants ont vu le jour, les taux de mise sous traitement ont augmenté. Cependant, malgré ce changement, 46 % des participant·e·s étaient encore infecté·e·s par le VHC lors de leur rendez-vous le plus récent, selon l’équipe de recherche.

La pratique qui consiste à partager des aiguilles ou des seringues a diminué au fil du temps. En général, l’équipe de recherche a constaté que le partage de matériel avait lieu le plus fréquemment en Ontario et le moins fréquemment en Colombie-Britannique.

Tendances de l’utilisation de drogues

Durant les dernières années de l’étude (2014 à 2019), la cocaïne était la drogue injectable la plus utilisée en Ontario et au Québec. En Saskatchewan et en Colombie-Britannique, les participant­·e·s s’injectaient plus fréquemment des opioïdes que de la cocaïne.

Selon l’équipe de recherche, l’usage de méthamphétamine a augmenté de 2014 à 2019, tout comme celui d’une classe de médicaments appelés benzodiazépines (Valium et médicaments semblables).

Aiguilles et seringues neuves

Durant la première décennie de l’étude (2003 à 2013), le recours aux services de réduction des méfaits, spécifiquement l’obtention d’aiguilles et de seringues neuves, est resté stable. Cependant, à partir de 2014, l’utilisation de ces services est devenue moins courante. L’équipe de recherche ne peut expliquer ce changement. Étant donné ce résultat inattendu, on doit espérer la tenue d’autres études pour confirmer et comprendre la baisse de l’intérêt de ces participant·e·s pour les services de réduction des méfaits. Chose intéressante, aucune baisse comparable ne s’est produite au Canada durant la même période chez les personnes ne figurant pas dans cette cohorte, selon l’équipe de recherche.

Traitement de substitution aux opioïdes

Dans l’ensemble, l’équipe de recherche a constaté que le taux d’utilisation de traitements de substitution aux opioïdes est resté « relativement faible et stable au fil du temps ». Les participant·e·s de la Colombie-Britannique étaient plus susceptibles d’avoir recours à la buprénorphine ou à la méthadone que ceux et celles des autres provinces.

À retenir

Une tendance importante a été observée dans cette étude, soit l’augmentation de l’utilisation d’AAD et des taux de guérison du VHC au fil du temps. Cette bonne nouvelle est toutefois assombrie par certains autres résultats. Selon l’équipe de recherche, « [les participant·e·s] affirment encore qu’ils partagent des aiguilles ou des seringues, et il reste encore des lacunes considérables à combler quant à leur participation dans les programmes de réduction des méfaits ».

Les résultats de cette étude révèlent qu’il reste donc beaucoup de travail et d’investissements à faire pour combler les besoins des personnes qui utilisent des drogues en matière de soins, et les efforts pour promouvoir la réduction des méfaits et le traitement du VHC devront s’intensifier. En améliorant l’accessibilité des services de réduction des méfaits et du traitement du VHC, il sera également possible de faire avancer les efforts visant l’élimination de l’hépatite C comme problème de santé publique d’ici 2030.

À l’avenir

L’équipe de recherche a proposé les mesures suivantes pour améliorer la santé des personnes qui s’injectent des drogues :

  • augmenter l’allocation de fonds publics pour les services de santé et la recherche liés au VHC
  • former des équipes multidisciplinaires dans les cliniques afin de répondre aux nombreux besoins des personnes qui s’injectent des drogues (et pas seulement à leurs besoins de soins pour le VHC)
  • solliciter l’apport de pairs ayant un vécu semblable pour aider les personnes qui s’injectent des drogues à obtenir des services de santé
  • lancer des campagnes de sensibilisation au VHC et créer des ressources éducatives à l’intention des patient·e·s dans les organismes communautaires

Pour améliorer l’accès aux services de réduction des méfaits, l’équipe de recherche a recommandé les mesures suivantes :

  • allocation continue de fonds publics aux programmes de réduction des méfaits
  • intégration des services de soins et de réduction des méfaits se rapportant au VIH et au VHC
  • implication de pairs pour aider les personnes qui s’injectent des drogues à naviguer dans ces services

Pour réduire les taux de surdose et de mortalité liés à la contamination des drogues de la rue, l’équipe de recherche a formulé les recommandations suivantes :

  • distribution continue de naloxone
  • décriminalisation des drogues
  • établissement d’un système d’approvisionnement de drogues sécuritaire
  • faciliter l’éducation des professionnel·le·s de la santé en ce qui concerne la maîtrise de la douleur et le traitement des dépendances aux drogues

—Sean R. Hosein

Ressources

La supervision de l’utilisation d’opioïdes, l’aide au logement et d’autres services permettent d’améliorer la santé des personnes qui utilisent des droguesNouvelles CATIE

Une étude se penche sur des cas de réinfection par le virus de l’hépatite C à Victoria, en Colombie-BritanniqueNouvelles CATIE

L’hépatite C - CATIE

Comprendre la cirrhose du foie : premières étapes après un nouveau diagnostic – CATIE, Association canadienne des infirmières d’hépatologie (CAHN)

Ton kit : Ce qu’il faut savoir si tu as le VIH et que tu t’injectes des drogues – CATIE

Recommandations de pratiques exemplaires pour les programmes canadiens de réduction des méfaits – Groupe de travail sur les pratiques exemplaires pour les programmes de réduction des méfaits au Canada

Se raccorder aux soins liés à l’hépatite C durant la COVID-19International Network on Health and Hepatitis in Substance Users (INHSU), Réseau canadien sur l’hépatite C (CanHepC) et CATIE

RÉFÉRENCE :

Lanièce Delaunay C, Maheu-Giroux M, Marathe G et al. Gaps in hepatitis C virus prevention and care for HIV–hepatitis C virus co-infected people who inject drugs in Canada. International Journal of Drug Policy. 2022; sous presse.