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  • Le Canada a souscrit à l’objectif international visant l’élimination de l’hépatite C comme menace pour la santé publique d’ici 2030
  • Le Manitoba, l’Ontario et le Québec n’atteindront pas cet objectif, si les taux de dépistage et de traitement se maintiennent
  • La non-atteinte de cet objectif pourrait coûter plus de 120 millions de dollars en soins de santé au Canada

Le virus de l’hépatite C (VHC) peut infecter le foie et y causer une infection chronique. Au fil du temps, cet organe vital devient enflammé sous l’effet de cette infection virale, et le tissu sain du foie se fait remplacer graduellement par du tissu cicatriciel. D’ordinaire, l’infection au VHC chronique est asymptomatique initialement et peut passer inaperçue pendant de nombreuses années. Cependant, à mesure que le fonctionnement du foie se dégrade lentement, une fatigue persistante s’installe et des complications peuvent se produire, dont infections abdominales graves, hémorragies internes, accumulations de liquide, problèmes de mémoire et détérioration de la fonction cérébrale. De plus, l’accumulation de tissu cicatriciel augmente le risque de cancer du foie et de décès.

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On peut détecter la présence du VHC à l’aide d’un test sanguin simple, et il existe des médicaments très efficaces (sous forme de comprimés) pour guérir les personnes atteintes. De façon générale, le traitement ne présente aucun désagrément et se prend une seule fois par jour. Il dure habituellement huit ou 12 semaines consécutives et permet d’atteindre un taux de guérison de plus de 95 %.

Objectif éradication

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a fixé des objectifs qu’elle encourage les villes, pays et régions du monde à atteindre afin d’atténuer les conséquences du VHC comme problème de santé publique. Ces objectifs incluent l’offre d’un test de dépistage et d’un traitement aux personnes atteintes afin qu’elles puissent guérir de cette infection. Spécifiquement, les cibles de l’OMS incluent une réduction de 80 % des nouvelles infections chroniques et une baisse de 65 % de la mortalité par rapport aux taux de 2015. À mesure que les efforts pour augmenter les taux de dépistage et de traitement s’intensifient, l’OMS prévoit qu’il sera possible d’éradiquer le VHC comme menace pour la santé publique. Les objectifs et les cibles fixés par l’OMS visent l’éradication du VHC d’ici 2030.

Au Canada

Le Réseau Canadien sur l’Hépatite C (CanHepC) a rédigé un modèle directeur afin d’orienter les efforts visant l’élimination du VHC comme problème de santé publique. Ce modèle directeur insiste sur l’importance de la participation des populations prioritaires touchées par le VHC.

Retards accumulés

La pandémie de COVID-19 a eu un impact énorme sur les sociétés, les économies et les systèmes de santé. Entre autres, rappelons que, au début de la pandémie, les hôpitaux, les cliniques et les ministères de la Santé ont tous été obligés de laisser de côté leur travail régulier afin de prioriser les soins aux personnes atteintes de la COVID-19. Selon la recherche se rapportant à la période initiale de la pandémie, le taux annuel de traitement du VHC a chuté par rapport à ce qu’il avait été durant les années précédentes. En raison de ce déclin, le Canada a pris du retard quant à l’atteinte des objectifs d’élimination de l’OMS. Si le Canada n’agit pas pour récupérer l’élan perdu, il lui sera difficile d’atteindre l’objectif d’éradiquer le VHC d’ici 2030.

Recherche canadienne

Une équipe de recherche travaillant dans plusieurs provinces canadiennes a mené une étude complexe comportant une variété de paramètres, dont les taux annuels de dépistage, de diagnostic et de traitement du VHC, ainsi que d’autres données se rapportant à la santé et au VHC. L’équipe a également incorporé des données économiques attestant l’impact de ce virus.

Selon l’équipe de recherche, si les taux de traitement du VHC continuent de stagner au Manitoba, en Ontario et au Québec, ces trois provinces seront incapables d’atteindre d’ici 2030 les objectifs d’élimination fixés par l’OMS. De plus, si les cibles fixées sont ratées, ces provinces auront à dépenser plus de 122 millions de dollars en frais médicaux découlant des conséquences du VHC et de ses complications.

Le Canada doit accentuer la lutte contre le VHC s’il souhaite réaliser la promesse d’une meilleure santé que permet la guérison de cette infection et économiser de l’argent à long terme.

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a créé un modèle informatique conçu pour traiter d’énormes quantités de données de santé et économiques se rapportant à l’épidémie du VHC au Canada.

Résultats

Si les taux de dépistage et de traitement annuels actuels se maintiennent, les sept provinces canadiennes suivantes atteindront d’ici 2030 les cibles d’élimination du VHC fixées par l’OMS :

  • Alberta
  • Colombie-Britannique
  • Île-du-Prince-Édouard
  • Nouveau-Brunswick
  • Nouvelle-Écosse
  • Saskatchewan
  • Terre-Neuve-et-Labrador

Selon les prévisions du modèle, si les taux annuels de dépistage et de traitement du VHC diminuaient de 10 %, les cinq provinces suivantes atteindraient tout de même d’ici 2030 les objectifs d’élimination fixés par l’OMS :

  • Île-du-Prince-Édouard
  • Nouveau-Brunswick
  • Nouvelle-Écosse
  • Saskatchewan
  • Terre-Neuve-et-Labrador

En Alberta et en Colombie-Britannique, les cibles d’élimination ne seraient toutefois atteintes qu’en 2040. Quant au Manitoba, à l’Ontario et au Québec, elles ne parviendraient à éliminer le VHC qu’en 2050.

Si un déclin de 20 % devait se produire dans les taux annuels de diagnostic et de traitement du VHC, seules les quatre provinces suivantes seraient en mesure d’éliminer le VHC comme menace pour la santé publique d’ici 2030 :

  • Île-du-Prince-Édouard
  • Nouvelle-Écosse
  • Saskatchewan
  • Terre-Neuve-et-Labrador

Dans ce scénario, le Nouveau-Brunswick ne pourrait éliminer le VHC qu’en 2050, et les cinq provinces restantes n’y parviendraient pas.

L’équipe de recherche a également utilisé son modèle informatique pour prévoir l’incidence éventuelle de tendances positives, telle une augmentation annuelle de 10 % des taux de diagnostic et de traitement du VHC. Dans un tel scénario, le modèle prévoyait que les provinces suivantes atteindraient d’ici 2030 les objectifs d’élimination fixés par l’OMS :

  • Alberta
  • Colombie-Britannique
  • Île-du-Prince-Édouard
  • Nouveau-Brunswick
  • Nouvelle-Écosse
  • Ontario
  • Saskatchewan
  • Terre-Neuve-et-Labrador

Utilisant les mêmes paramètres, l’équipe de recherche prévoyait l’atteinte des objectifs d’élimination du VHC d’ici 2031 au Manitoba et au Québec.

L’équipe de recherche a réussi à estimer le nombre concret de personnes qu’il faudrait guérir chaque année du VHC pour atteindre les objectifs d’élimination d’ici 2030 dans trois provinces :

  • Manitoba : 540 personnes guéries annuellement
  • Ontario : 7 700 personnes guéries annuellement
  • Québec : 2 800 personnes guéries annuellement

Taux de dépistage

Entre autres, l’élimination du VHC d’ici 2030 reposera essentiellement sur l’offre d’un test de dépistage permettant de détecter l’infection au VHC. Selon l’équipe de recherche : « … le maintien d’un taux de diagnostic annuel constant nécessiterait probablement un nombre croissant de dépistages d’anticorps anti-VHC chaque année : à mesure que la population infectée n’ayant pas reçu de diagnostic se rétrécit, le nombre [de tests] nécessaire pour dépister et reconnaître d’éventuels cas d’infection au VHC additionnels augmente ».

Économies d’argent

Selon l’équipe de recherche, l’élimination du VHC d’ici 2030 permettrait à certaines provinces d’économiser d’importantes sommes d’argent qu’elles seraient autrement obligées de dépenser sur le traitement des complications de l’infection au VHC, comme suit :

  • Manitoba : 10,6 millions de dollars
  • Ontario : 114,5 millions de dollars
  • Saskatchewan : 31,2 millions de dollars

Améliorer les efforts pour atteindre plus de monde

Il est possible que certaines prévisions de cette équipe soient optimistes en ce qui concerne les mesures nécessaires pour éliminer le VHC. Selon l’équipe, avant l’apparition de la pandémie de COVID-19, plusieurs provinces avaient déjà affiché une baisse de leur taux de traitement entre les années 2018 et 2019, comme suit :

  • Alberta : déclin de 12 %
  • Colombie-Britannique : déclin de 25 %
  • Ontario : déclin de 17 %
  • Québec : déclin de 22 %

Bien que les données soient incomplètes, une analyse partielle se rapportant à 2018 et à 2019 laisse entendre que les taux annuels de traitement du VHC avaient également baissé au Manitoba (-19 %) et en Saskatchewan (-26 %).

L’équipe de recherche ne peut expliquer avec certitude le déclin des taux de traitement du VHC avant la survenue de la pandémie de COVID-19, mais elle a avancé les hypothèses suivantes :

  • Il se peut que les modèles de traitement traditionnels aient « de la difficulté à atteindre les populations vivant avec le VHC ».
  • Il est possible que les modes de prestation des soins développés antérieurement pour traiter le VHC par interféron, ou pour soigner principalement les baby-boomers, « soient moins efficaces pour atteindre des individus appartenant aux populations prioritaires […] qui font face à l’oppression, celle-ci provenant parfois de plusieurs sources interreliées ».

Populations prioritaires

Selon l’équipe de recherche, au Canada, le VHC touche de façon disproportionnée des groupes qu’elle qualifie de « populations prioritaires ». Elle encourage les systèmes de santé à se concentrer sur celles-ci afin d’atteindre les objectifs d’élimination d’ici 2030 fixés par l’OMS. L’équipe a formulé des recommandations spécifiques se rapportant aux populations prioritaires, dont les suivantes :

Immigrant·e·s, nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes

« Le fait d’offrir un test de dépistage du VHC volontaire et l’arrimage aux soins aux nouveaux arrivants et aux nouvelles arrivantes au Canada pourrait faciliter la détection précoce des cas. »

Personnes qui s’injectent/utilisent des drogues

« L’élargissement des services de réduction des méfaits fondés sur des données probantes, tels les programmes de seringues et d’aiguilles, les traitements de substitution aux opioïdes et les sites de consommation supervisée, aiderait à réduire les taux d’incidence croissants du VHC. » Toujours selon l’équipe : « le dépistage volontaire de l’infection et de la réinfection au VHC dans les contextes de réduction des méfaits aiderait à reconnaître les nouveaux cas ».

Autochtones

« Des modèles de soins pour le VHC culturellement adaptés et non stigmatisants ont été proposés pour alléger le fardeau de la maladie du VHC chez cette population prioritaire, mais très peu d’efforts ont été déployés pour impliquer et soutenir réellement les leaders autochtones, les prestataires de soins et les personnes directement touchées pour élaborer et mettre sur pied des modèles de soins du VHC efficaces tenant compte des différences culturelles et y répondant. L’énorme fardeau que représente le VHC dans les communautés autochtones partout au pays découle directement de l’héritage et des méfaits du colonialisme et des traumatismes transgénérationnels qui en sont la conséquence. Une réconciliation véritable consiste à lutter contre le VHC tout en s’efforçant de réaliser des changements structuraux permettant d’améliorer l’équité. »

Baby-boomers

Selon l’équipe de recherche, les personnes nées entre 1945 et 1975 affichent les taux de VHC les plus élevés au Canada (par rapport aux personnes nées à d’autres époques). « Pour détecter le VHC chez cette sous-population, des pays comme les États-Unis ont recommandé des programmes de dépistage fondés à la fois sur la cohorte de naissances et les facteurs de risque. Des données ont révélé qu’une stratégie semblable serait rentable au Canada, mais, à ce jour, seule la Colombie-Britannique a adopté une approche de dépistage du VHC fondée sur la cohorte de naissances. Face à l’incidence croissante du VHC chez les jeunes à cause de l’épidémie des opioïdes, d’autres approches de dépistage devraient être envisagées pour l’ensemble de la population, tel un dépistage ponctuel chez toutes les personnes d’âge adulte. »

Personnes incarcérées ou anciennement incarcérées

Selon l’équipe de recherche, les personnes qui sont incarcérées, ou qui l’ont été, courent un plus grand risque de contracter l’infection au VHC que la personne moyenne vivant au Canada qui n’a aucune expérience du système carcéral. Des programmes centrés sur l’offre d’un dépistage de routine volontaire et l’arrimage aux soins des personnes recevant un résultat positif ont été « mis sur pied avec succès dans des prisons fédérales, mais, à ce jour, les prisons provinciales ont tardé à adopter des services de dépistage, de traitement et de réduction des méfaits. Or, des modèles utilisés pour dépister la COVID-19 pourraient être adaptés efficacement au VHC. Le fait de combattre le VHC dans les prisons exerce des effets positifs sur la transmission communautaire du VHC et devrait être une priorité ».

Hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes

« Une tendance à la hausse des cas de VHC a été rapportée parmi les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, une sous-population qui se trouve également dans d’autres populations prioritaires. L’intégration de services de dépistage du VHC volontaire et d’options en matière d’arrimage aux soins et au traitement dans d’autres services de santé sexuelle, telle la prophylaxie pré-exposition au VIH, pourrait être une façon efficace de dépister l’infection au VHC chez cette population. »

Venir en aide aux personnes exclues du système de santé ordinaire

« Certaines populations prioritaires, telles les personnes ayant une expérience du système carcéral et les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, contribuent de façon moins importante à la prévalence du VHC au Canada; elles sont toutefois souvent exclues du système de santé ordinaire et font face à plus de stigmatisation. Ainsi, tout effort visant l’élimination du VHC devrait se concentrer sur ces groupes et toutes les populations prioritaires, étant donné qu’ils portent une part disproportionnée du fardeau du VHC ou éprouvent de la difficulté à obtenir des soins et des services liés au VHC. L’inclusion de toutes les populations prioritaires dans les stratégies provinciales de lutte contre le VHC aiderait à mettre en lumière ces sous-populations. Cependant, sur les 10 provinces étudiées, seules deux d’entre elles (Alberta et Île-du-Prince-Édouard) ont rédigé un document détaillant leur stratégie d’élimination du VHC ».

Un défi à relever

L’équipe de recherche a affirmé que « retourner aux taux de traitement [du VHC] pré-pandémiques sera un défi de taille, car cela nécessitera la formation de nouveau personnel, parce que de nombreuses cliniques communautaires ont fermé pendant plusieurs mois et nombre de membres de leur équipe occupent désormais d’autres emplois. En ce qui concerne le diagnostic du VHC, les taux de dépistage hebdomadaires et les taux de premier diagnostic en Colombie-Britannique ont tous deux baissé initialement, mais sont remontés jusqu’aux niveaux d’avant la pandémie, alors que les données ontariennes révèlent un déclin coïncidant avec chaque vague de la COVID-19, suivi d’une remontée n’ayant pourtant jamais atteint les taux de dépistage pré-pandémiques. Idéalement, la capacité de dépistage largement élargie utilisée par la santé publique pour combattre la COVID-19 pourrait servir à améliorer le dépistage du VHC partout au pays. Comme la trajectoire future des taux de diagnostic et de traitement est inconnue, notre analyse a pris en considération les statu quo pré-pandémiques et post-pandémiques pour expliquer cette incertitude ».

L’équipe de recherche a également affirmé que « les conséquences de la pandémie de COVID-19 s’étendent au-delà des variables prises en compte dans notre étude de modélisation. La tendance favorisant la prestation de soins par télémédecine, laquelle s’est intensifiée pendant la pandémie, peut simplifier les soins pour le VHC, par contre nous devons continuer de défendre les intérêts des personnes pour qui les soins de santé numériques sont inaccessibles ».

À l’avenir

La pandémie de COVID-19 a eu une incidence sur l’accès aux services visant la prévention, les soins et le traitement de nombreuses maladies, y compris l’hépatite C. Cette étude canadienne souligne la nécessité de renforcer d’urgence la lutte contre le VHC. En formulant des recommandations, cette équipe de recherche a ouvert la voie aux provinces canadiennes afin qu’elles puissent se rapprocher de l’atteinte des cibles de l’OMS de 2030.

—Sean R. Hosein

Ressources

Dépistage et diagnostic de l’hépatite CCATIE

Modèle directeur pour guider les efforts d’élimination de l’hépatite C au CanadaRéseau Canadien sur l’Hépatite C

Action Hépatites Canada

Hépatite COrganisation mondiale de la Santé

RÉFÉRENCES :

  1. Feld JJ, Klein MB, Rahal Y et al. Timing of elimination of hepatitis C virus in Canada’s provinces. Canadian Liver Journal. November 2022;5(4):493-506.
  2. Pedrana A, Munari S, Stoové M et al. The phases of hepatitis C elimination: achieving WHO elimination targets. Lancet Gastroenterology and Hepatology. 2021 Jan;6(1):6-8.
  3. Maringe C, Spicer J, Morris M et al. The impact of the COVID-19 pandemic on cancer deaths due to delays in diagnosis in England, UK: a national, population-based, modelling study. Lancet Oncology. 2020 Aug;21(8):1023-1034. 
  4. Anonymous. Too long to wait: the impact of COVID-19 on elective surgery. Lancet Rheumatology. 2021 Feb;3(2):e83.