- Certains médicaments anti-VIH réduisent le risque d’infection s’ils sont pris dans les 72 heures suivant une exposition possible
- Une équipe de recherche de Boston a étudié Biktarvy, un médicament anti-VIH, à titre de prophylaxie post-exposition (PPE)
- À titre de PPE, Biktarvy a été bien toléré et aucune transmission du VIH ne s’est produite durant cette étude
La prophylaxie post-exposition (PPE) au VIH est un élément important parmi plusieurs méthodes permettant de prévenir le VIH. Lors d’études sur des singes, on a constaté qu’une association de médicaments antiviraux réduisait le risque d’infection par le virus de l’immunodéficience simienne (VIS) si le traitement commençait dans les 72 heures suivant l’exposition à ce virus. Le VIS est un virus très semblable au VIH. En ce qui concerne les humains, les lignes directrices sur la PPE recommandent de commencer le traitement le plus tôt possible après une exposition possible au VIH, jusqu’à un maximum de 72 heures après celle-ci.
Les différents schémas thérapeutiques utilisés en PPE n’ont pas fait l’objet d’essais cliniques randomisés d’envergure. Au lieu de ceux-ci, les scientifiques optent pour des études non randomisées.
À Boston
Fenway Health est une clinique et un centre de recherche qui offre des services à la communauté LGBT de Boston depuis très longtemps. Une équipe de recherche du centre a mené une étude sur la PPE en utilisant un comprimé appelé Biktarvy. Ce dernier se prend une fois par jour et contient les trois médicaments suivants :
- bictégravir : 50 mg
- TAF (ténofovir alafénamide) : 25 mg
- FTC (emtricitabine) : 200 mg
À l’heure actuelle, Biktarvy est couramment utilisé au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé pour le traitement du VIH. Il est très efficace et généralement bien toléré.
L’équipe de recherche de Boston a inscrit 52 adultes qui croyaient avoir été exposés très récemment au VIH et qui voulaient suivre une PPE. Après un bref entretien avec un·e médecin ou un·e infirmier·ère, eces personnes ont toutes passé un test de dépistage rapide du VIH. Comme il est conçu pour détecter des anticorps contre le VIH, ce test rapide aurait permis de diagnostiquer une infection par le VIH survenue beaucoup plus tôt que dans les 72 heures précédentes. (Rappelons que le système immunitaire n’aurait pas eu le temps de produire des anticorps si l’exposition au VIH avait eu lieu si récemment.) Toute personne qui aurait pu recevoir un résultat positif au test rapide aurait été dirigée rapidement vers un service de soins pour le VIH.
Les participant·e·s, dont les tests rapides étaient négatifs, se faisaient offrir des comprimés de Biktarvy à prendre pendant les 28 jours consécutifs suivants.
Toutes les personnes inscrites ont terminé l’étude, sauf une. Tous les tests de dépistage effectués jusqu’à deux mois après l’admission des participant·e·s ont donné des résultats négatifs. Les effets secondaires de Biktarvy étaient généralement légers et peu fréquents.
L’équipe de recherche a passé en revue et comparé les données d’études qu’elle a qualifiées d’« historiques » où l’on avait évalué d’autres schémas de PPE. L’équipe a conclu que Biktarvy était mieux toléré que les régimes plus anciens.
Détails de l’étude
L’équipe de recherche a recruté des participant·e·s qui risquaient d’avoir été exposé·e·s au VIH lors d’une relation sexuelle sans condom. Les participant·e·s ont pris connaissance de l’étude par les moyens suivants :
- prestataire de soins primaires
- ligne d’information dans une clinique de prévention et de traitement du VIH
- campagne communautaire de sensibilisation en ligne et en personne
Lors de la première consultation dans le cadre de l’étude, on a effectué des prélèvements de sang aux fins de tests de VIH additionnels, de tests de dépistage du virus de l’hépatite B (VBH) et d’évaluations de la santé du foie et des reins. Notons que la PPE était fournie avant l’obtention des résultats de ces tests de sang. Les personnes dont le test de dépistage du VHB était négatif avaient l’option de se faire vacciner contre ce virus.
On encourageait les participant·e·s qui présentaient des effets secondaires gênants à communiquer avec le personnel de l’étude pour en discuter. Les participant·e·s retournaient à la clinique deux semaines après la première consultation et de nouveau quatre semaines après celle-ci. Trois mois après la première visite à la clinique, les participant·e·s se faisaient proposer un test de dépistage du VIH.
À la fin de l’étude, l’équipe de recherche a comparé les données d’études antérieures qui avaient utilisé divers schémas de PPE, dont les suivants :
- AZT + un inhibiteur de la protéase
- raltégravir (Isentress) + TDF + FTC
- Genvoya : comprimé contenant elvitégravir + cobicistat + TDF + FTC
Les participant·e·s ont commencé l’étude entre août 2018 et mars 2020. Leur profil moyen était le suivant :
- âge : 37 ans (fourchette d’âge de 21 à 71 ans)
- 49 hommes, deux femmes et un homme transgenre; la plupart des hommes étaient gais ou bisexuels
- principaux groupes ethnoraciaux : Blanc·he·s – 77 %; personnes multiraciales – 12 %; Hispaniques – 12 % (la somme des pourcentages n’est pas 100 parce que certaines catégories se chevauchaient)
- 56 % des participant·e·s ont fait état de plus d’une exposition potentielle récente au VIH
Effets secondaires
Les effets secondaires courants étaient les suivants :
- nausées ou vomissements : 15 %
- fatigue : 10 %
- diarrhées ou selles molles : 8 %
Ces symptômes étaient habituellement légers et temporaires. Une personne s’est toutefois retirée prématurément de l’étude à cause d’une fatigue excessive.
28 jours de PPE
Selon l’équipe de recherche, 90 % des participant·e·s ont suivi le traitement PPE de 28 jours jusqu’au bout. Les 10 % restants ont coupé le contact avec la clinique.
À retenir
Les résultats de cette étude sont encourageants. Espérons que ses résultats seront confirmés par une étude future menée auprès d’une cohorte plus nombreuse et plus diverse. L’équipe de recherche a également affirmé que les schémas thérapeutiques suivants s’étaient révélés sûrs et efficaces pour la PPE au VIH dans le cadre d’autres études :
- dolutégravir (Tivicay) en association avec TDF + 3TC
- dolutégravir en association avec TDF + FTC
L’équipe a toutefois souligné que les traitements ci-dessus nécessitaient la prise de deux comprimés tous les jours.
Il importe de se rappeler que la PPE a été conçue à titre de mesure d’urgence. Pour les personnes s’exposant potentiellement au VIH de façon régulière, il serait prudent de parler à un·e professionnel·le de la santé pour connaître les options permettant de minimiser les risques d’infection, telle la prophylaxie préexposition (PrEP) au VIH.
Approbation des plaquettes alvéolées de Biktarvy au Canada
Parmi les autres nouvelles à souligner, mentionnons que Santé Canada a approuvé l’emballage en plaquettes alvéolées pour Biktarvy. Grâce à ce dernier, les patient·e·s pourront faire plus facilement le suivi de leurs doses.
—Sean R. Hosein
Ressources
Les technologies de dépistage du VIH - CATIE
PPE : Prévention du VIH après une exposition potentielle – CATIE
Questions fréquentes sur la PrEP – CATIE
La PPE dans la poche : une approche de prévention novatrice pour les cas d’exposition peu fréquentes au VIH – Nouvelles CATIE
Lignes directrices canadiennes sur les prophylaxies pré-exposition et post-exposition non professionnelle au VIH – Groupe de travail sur la prévention biomédicale du Réseau canadien pour les essais VIH des IRSC
RÉFÉRENCES :
- Mayer KH, Gelman M, Holmes J et al. Safety and tolerability of once-daily co-formulated bictegravir, emtricitabine, and tenofovir alafenamide for post-exposure prophylaxis after sexual exposure. JAIDS. 2022; sous presse.
- Irvine C, Egan KJ, Shubber Z et al. Efficacy of HIV postexposure prophylaxis: Systematic review and meta-analysis of nonhuman primate studies. Clinical Infectious Diseases. 2015 Jun 1;60 Supplement 3:S165-9.
- Santé Canada. Supplément à une présentation de drogue nouvelle : Biktarvy. Avis de conformité. 2 novembre 2021.