- Une équipe de recherche a analysé des échantillons de sang et d’urine prélevés chez des femmes séropositives et des femmes séronégatives
- Le corps des femmes séropositives était moins susceptible de retenir la vitamine C
- La cause de la perte de vitamine C n’était pas claire, mais elle était liée à une carence en cette vitamine
La vitamine C est un nutriment important qui joue de nombreux rôles dans le corps, comme contribuer à la construction de tissus conjonctifs, à la production de composés nécessaires aux cellules cérébrales pour se transmettre des signaux et à la guérison des plaies. La vitamine C aide également à protéger les cellules contre les dommages causés par l’exposition à des molécules hyperactives appelés radicaux libres. Lorsqu’elle accomplit cette dernière fonction, la vitamine C joue le rôle d’un antioxydant.
À propos des reins
L’une des principales fonctions des reins consiste à filtrer le sang. Dans le cadre du processus de filtration, des produits de déchets sont retirés du sang et évacués dans l’urine, alors que des nutriments et d’autres matières utiles sont réabsorbés dans le sang.
Détails de l’étude
Une équipe de recherche du National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Disease (NIDDK) des États-Unis et de l’université Georgetown à Washington a effectué une analyse détaillée d’échantillons de sang et d’urine prélevés auprès de 40 femmes séropositives et de 56 femmes séronégatives en bonne santé.
Les prélèvements ont été effectués après une nuit de jeûne. L’équipe de recherche a également obtenu des dossiers médicaux et quelques renseignements sociodémographiques se rapportant aux femmes. Les participantes ont reçu l’instruction de ne pas prendre de suppléments de vitamine C pendant deux semaines avant leur consultation à la clinique de l’étude. Les prélèvements de sang et d’urine ont été effectués une seule fois.
En moyenne, les femmes séropositives étaient plus âgées (53 ans) que les femmes séronégatives (37 ans), et l’usage de tabac était plus courant chez les femmes séropositives (54 %) que chez les femmes séronégatives (4 %).
La plupart des femmes séropositives (86 %) suivaient un traitement antirétroviral (TAR), et la plupart des femmes sous TAR (91 %) avaient une charge virale inhibée (moins de 50 copies/ml). Les femmes séropositives avaient un compte de CD4+ moyen de près de 740 cellules/mm3, et la période moyenne écoulée depuis leur diagnostic de VIH était de 17 ans.
Résultats saillants
Selon l’équipe de recherche, toutes les femmes séronégatives qui avaient un faible taux de vitamine C dans le sang « n’avaient pas de vitamine C décelable » dans l’urine. Ce résultat porte à croire que les reins de ces femmes tentaient généralement de retenir la vitamine C dans leur corps.
« En revanche, presque toutes [les femmes séropositives] avaient de la vitamine C décelable dans l’urine », a déclaré l’équipe de recherche. L’équipe a pu observer cette quantité décelable de vitamine C dans l’urine de nombreuses femmes séropositives même si un grand nombre d’entre elles avaient un très faible taux de vitamine C dans le sang. La proportion de femmes séropositives présentant une carence en vitamine C se situait à 43 %, comparativement à 7 % chez les femmes séronégatives.
L’équipe de recherche a affirmé que les reins des femmes séropositives étaient plus susceptibles (73 %) de laisser fuir de la vitamine C que les organes des femmes séronégatives (14 %).
Facteurs associés à la fuite de vitamine C dans l’urine
L’équipe de recherche a effectué des analyses statistiques pour déterminer des associations éventuelles entre certains facteurs et le passage de vitamine C des reins dans l’urine. Ces associations pourront être étudiées en profondeur dans une étude plus complexe et de plus grande envergure pour les confirmer et mieux les éclairer. Des associations statistiques ont été constatées entre les facteurs suivants et la fuite de vitamine C :
- âge plus avancé
- indice de masse corporelle élevé (IMC)
- hypertension
- obésité
- inflammation du foie (présence de taux d’enzymes hépatiques élevés dans le sang)
- fonction rénale diminuée
Enjeux liés au VIH
Aucune association statistique n’a été faite entre les facteurs suivants et la fuite de vitamine C dans l’urine :
- durée de l’infection au VIH
- compte de CD4+
- charge virale
Il est toutefois possible que d’autres facteurs associés à la santé ou au VIH qui n’ont pas été mesurés aient pu contribuer au risque de fuite de vitamine C à partir des reins. Ces facteurs pourraient inclure l’ampleur de l’immunodéficience antérieure à l’amorce du TAR, les antécédents d’infections liées au sida ou encore le traitement de celles-ci par des médicaments susceptibles de nuire aux reins. Il est également possible que les femmes ayant des antécédents de charge virale élevée soient plus à risque de subir des fuites rénales que les femmes ayant une charge virale plus faible.
Enjeux liés au TAR
Fait intéressant, l’équipe de recherche n’a pas constaté de signe d’association statistique entre la fuite de vitamine C dans l’urine et le fait de suivre un TAR. On doit cependant interpréter ce résultat avec prudence, car il ne pourrait être concluant pour les raisons ci-dessous :
Toutes les participantes prenaient des analogues nucléosidiques, soit une classe de TAR incluant le ténofovir, le FTC (emtricitabine), le 3TC (lamivudine) et d’autres. Le ténofovir est offert en deux versions : la plus ancienne s’appelle le TDF (fumarate de ténofovir disoproxil) et la plus récente porte le nom de TAF (ténofovir alafénamide). Même si ces deux formulations sont généralement bien tolérées, la plus récente est considérée comme plus sécuritaire pour les reins. L’équipe n’a pourtant signalé aucune différence entre l’ampleur des fuites de vitamine C selon que les participantes prenaient le TDF ou le TAF. De toute manière, l’étude n’a porté que sur 14 femmes suivant un traitement incluant le TDF et quatre autres suivant un traitement contenant le TAF. Il s’agit d’un nombre insuffisant de personnes pour pouvoir tirer des conclusions solides.
L’équipe n’a pas constaté de différences entre le risque de fuites rénales chez les femmes utilisant différentes classes de TAR, dont les inhibiteurs de l’intégrase, les inhibiteurs de la protéase et d’autres. Notons toutefois que l’étude n’avait pas été conçue pour évaluer de telles différences.
Il importe de souligner que certaines cellules des reins constituent des cibles de choix pour l’infection par le VIH. Si le VIH n’est pas traité, le risque de lésions rénales augmente considérablement. Dans l’ensemble, les bienfaits du TAR, à savoir l’inhibition du VIH, l’amélioration de la santé et la restauration d’une espérance de vie quasi normale, l’emportent sur le risque d’effets secondaires. De plus, il est possible que les fuites rénales de vitamine C n’aient pas été causées par le TAR. Notons à ce propos que de nombreuses participantes présentant des fuites rénales éprouvaient des problèmes métaboliques, notamment le surpoids ou l’obésité et l’hypertension. Tous ces problèmes peuvent nuire à la santé des reins. Il est également possible que certaines personnes aient subi des lésions rénales avant de commencer le TAR.
Notons que, dans cette étude, le groupe séropositif comptait plus de participantes noires (84 %) que le groupe séronégatif (48 %). Le processus de recrutement ne s’est pas déroulé de façon aléatoire, et la proportion de participantes noires a été influencée par trois facteurs : quelles personnes ont reçu de l’information sur l’étude, quelles personnes ont choisi de se proposer comme volontaires et quelles personnes répondaient aux critères d’inclusion? Quoi qu’il en soit, il est important qu’une étude future cherche à déterminer si les personnes séropositives noires risquent davantage de subir des fuites de vitamine C dans l’urine.
Lésions rénales et d’autres études
Une étude menée à New York a porté sur 173 884 personnes hospitalisées, dont 4 718 avaient le VIH. Sur ces dernières, 2 532 (53,7 %) avaient une charge virale inhibée et 2 186 (46,3 %), une charge virale non inhibée. Selon l’équipe de recherche en question, « comparativement aux personnes séronégatives, les personnes séropositives, que leur charge virale soit inhibée ou pas, étaient plus à risque de présenter une insuffisance rénale aiguë (IRA) et des lésions rénales nécessitant [la dialyse] ». Et d’ajouter l’équipe : « L’ampleur du risque d’IRA dans tous les groupes d’âge de personnes atteintes du VIH était semblable à ce que l’on observait chez des personnes séronégatives âgées. Ainsi, le VIH est un facteur de risque indépendant d’IRA chez les patient·e·s hospitalisé·e·s, et ce, sans égard à l’inhibition virologique ».
Une autre étude américaine menée auprès de 33 998 personnes séropositives a permis de constater que les femmes étaient 61 % plus susceptibles que les hommes de présenter une insuffisance rénale chronique, mais les raisons ne sont pas claires.
Les résultats de ces deux études américaines donnent à penser que les lésions rénales sont un problème pour les personnes vivant avec le VIH. La première révèle que les personnes séropositives, que leur charge virale soit inhibée ou pas, courent le risque de présenter une insuffisance rénale aiguë. La deuxième révèle que les femmes séropositives sont plus à risque de présenter une insuffisance rénale chronique.
Ces deux études étaient de relativement grande envergure et soulignent toutes deux que la santé rénale est une préoccupation pour les personnes séropositives.
À l’avenir
Même si les résultats de l’étude menée au NIDDK sont intéressants, il importe de noter que les échantillons de sang et d’urine ont été prélevés à un seul moment dans le temps. L’équipe de recherche a besoin de confirmer ses résultats auprès d’une cohorte plus nombreuse de personnes séropositives représentant les deux sexes et une variété de groupes ethnoculturels. Une population suffisante sera nécessaire pour mieux éclairer les facteurs susceptibles de nuire aux reins et d’entraîner une fuite de vitamine C. Au minimum, toute étude exhaustive future devra viser ce qui suit :
- inclusion de personnes utilisant différents schémas thérapeutiques contre le VIH
- inclusion de données sur l’usage d’autres médicaments prescrits ou en vente libre
- inclusion de personnes éprouvant des problèmes cardiométaboliques ou pas
- évaluations pour déterminer l’usage d’alcool et de drogues
- dépistages géniques pour déterminer les risques éventuels de maladies rénales
- données détaillées se rapportant à l’alimentation
- inclusion de personnes atteintes de co-infections virales (telle l’hépatite B ou C)
- données se rapportant aux taux d’inflammation
La collecte de données sur l’éducation, le revenu et l’insécurité alimentaire éventuelle sera également nécessaire.
Comme toutes les études bien conçues de grande envergure, une telle étude exhaustive coûtera cher, et la recherche de fonds et la mise sur pied prendront du temps.
Cette équipe de recherche souhaite également étudier le risque de fuites rénales de vitamine C chez des personnes atteintes du virus de l’hépatite B (notons que le ténofovir agit contre ce virus aussi), ainsi que chez des personnes séronégatives utilisant le ténofovir dans le cadre d’une prophylaxie pré-exposition (PrEP).
Lorsque ses résultats globaux concernant les fuites rénales de vitamine C seront confirmés, l’équipe de recherche pourra mettre à l’épreuve différentes interventions, dont la supplémentation en vitamine C, pour déterminer si elles pourront rétablir des taux de vitamine C normaux dans le sang.
—Sean R. Hosein
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