- Pendant plus d’une décennie, une équipe de Vancouver a suivi 947 personnes séropositives qui utilisaient des drogues
- Les personnes en situation d’itinérance étaient au moins 41 % moins susceptibles de recevoir un traitement contre le VIH
- L’équipe recommande l’intégration des services de traitement du VIH et de la dépendance aux substances et des services de logement
Lorsqu’ils sont utilisés comme il se doit, les traitements contre le VIH (traitements antirétroviraux ou TAR) réduisent habituellement la quantité de VIH dans le sang. Si une bonne observance thérapeutique est maintenue au fil du temps, la quantité de VIH diminue jusqu’à un niveau tellement faible qu’elle est qualifiée couramment d’« indétectable ». Cette inhibition du VIH procure au moins deux bienfaits principaux. En premier lieu, elle permet au système immunitaire de réparer en grande partie les dommages causés par le VIH et de récupérer ainsi des forces. Pour cette raison, les scientifiques prévoient de plus en plus une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes sous TAR. En deuxième lieu, nombre d’essais cliniques bien conçus ont révélé que les personnes sous TAR qui atteignent et maintiennent une charge virale indétectable ne transmettent pas le virus à leurs partenaires sexuel·le·s.
Toutes les personnes séropositives ne sont toutefois pas en mesure d’atteindre et de maintenir une charge virale indétectable. Des études ont mis en évidence des problèmes qui compromettaient l’aptitude des gens à commencer et à suivre fidèlement un TAR, dont les suivants : marginalisation sociale, méfiance à l’égard du système de santé, maladies mentales graves, dépendances et accès inadéquat à des aliments nutritifs et à un logement stable.
Vancouver
Pour mieux comprendre les problèmes auxquels les personnes qui utilisent des drogues font face en matière de soins et de traitement du VIH, une équipe de recherche du British Columbia Centre on Substance Use et de l’Université de la Colombie-Britannique a analysé des données recueillies dans le cadre d’une étude de longue durée appelée ACCESS (AIDS Cohort to Evaluate Exposure to Survival Services). La plus récente analyse de données effectuée a porté sur les personnes recrutées pour cette étude entre 2005 et 2019. Il s’agissait dans tous les cas d’adultes vivant avec le VIH qui utilisaient des drogues.
Lors de leur admission à l’étude et tous les six mois par la suite, les participant·e·s remplissaient des questionnaires se rapportant à leur situation socioéconomique, à l’utilisation de substances, à l’accès aux soins de santé et à d’autres préoccupations connexes. L’équipe de Vancouver a consulté les bases de données du programme de traitement des dépendances aux drogues du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique afin d’incorporer des données se rapportant aux soins cliniques dans le dossier de chaque participant ou participante. Ces données incluaient les résultats de tests de laboratoire (notamment le compte de cellules CD4+ et la charge virale), ainsi que des détails concernant l’accès au traitement du VIH.
En examinant les données recueillies, l’équipe de recherche s’est intéressée particulièrement au cheminement des participant·e·s à travers les étapes successives des soins du VIH (couramment appelées cascade des soins ou continuum des soins), lesquelles sont les suivantes :
- diagnostic du VIH
- arrimage aux soins
- rétention dans les soins
- observance du TAR
- inhibition du VIH (inhibition virale)
L’équipe de recherche a constaté que 32 % des participant·e·s vivaient en situation d’itinérance au début de l’étude. Une analyse a révélé que l’itinérance ne constituait pas à elle seule un obstacle à l’arrimage aux soins. Il n’empêche que les personnes en situation d’itinérance étaient nettement moins susceptibles de suivre un TAR que les personnes logées. De plus, même si elles commençaient un TAR, les personnes vivant l’itinérance étaient moins susceptibles de poursuivre le traitement et de bénéficier ainsi d’une charge virale inhibée.
Une analyse statistique a révélé que, dans l’ensemble, les personnes en situation d’itinérance avaient 44 % moins de chances de progresser dans la cascade des soins du VIH. L’impact le plus important de l’itinérance résidait dans l’incapacité d’atteindre une charge virale indétectable. Selon l’équipe de recherche, les personnes en situation d’itinérance avaient 54 % moins de chances d’avoir une charge virale indétectable.
Besoins fondamentaux
L’équipe de recherche de Vancouver a avancé les hypothèses suivantes pour expliquer ses résultats :
« Il se peut que les obstacles quotidiens qu’il faut surmonter pour satisfaire ses besoins fondamentaux quant à la survie, tel le logement, aient préséance sur d’autres besoins liés à la santé, telle l’obtention de soins pour le VIH. Pour générer des revenus nécessaires à la survie, il est possible que les personnes itinérantes soient plus susceptibles de faire des activités comme le travail du sexe et [la vente de drogues]. La criminalisation de ces activités ainsi que la stigmatisation combinée du VIH et de l’utilisation de substances se sont révélées des obstacles aux soins du VIH et à l’accès au TAR ».
L’équipe de recherche a ajouté que « les personnes itinérantes ont tendance à présenter plus de comorbidités psychiatriques et à utiliser des substances de manière plus intensive, deux facteurs qui peuvent limiter les interactions avec les services de santé ».
Chose importante, l’équipe de recherche a soulevé que « même après avoir obtenu des soins pour le VIH et un TAR, le manque d’un endroit sécuritaire pour entreposer ses médicaments et l’absence d’espace privé [pour les prendre] peuvent compromettre l’observance du TAR ».
Itinérance récente ou de plus longue durée
Selon l’équipe de recherche, les personnes qui étaient en situation d’itinérance depuis récemment demeuraient généralement capables de progresser dans la cascade des soins du VIH. Cependant, les personnes qui n’avaient pas de logement depuis plus longtemps étaient moins susceptibles de progresser dans le continuum des soins. L’équipe de recherche donne à penser que l’impact de l’itinérance « pourrait être plus important chez les personnes ayant accumulé plus d’expositions aux difficultés et aux méfaits associés à l’insécurité matérielle, à la précarité du logement et aux situations d’hébergement provisoire ». Une étude antérieure menée par la même équipe avait révélé que la probabilité d’atteindre une charge virale indétectable diminuait plus la durée de l’itinérance était longue.
Solutions possibles
L’équipe de recherche a fait plusieurs suggestions que les organismes communautaires et les gouvernements devraient explorer. Elle a affirmé que la priorité devrait être accordée d’abord à des « services centrés sur le logement ». De tels services « fourniraient un logement permanent et subventionné aux personnes éprouvant des problèmes de santé sans qu’un traitement préalable [pour atteindre] la sobriété soit exigé ».
L’équipe a également suggéré l’offre de services de navigation pour aider les patient·e·s à obtenir l’accès à un logement et à des soins pour le VIH, l’utilisation de substances et les problèmes de santé mentale.
Selon l’équipe de recherche, des études antérieures ont permis de constater que les services d’intervention de rue « qui offrent le counseling en matière de VIH, la gestion des cas, l’accès facile aux soins et au traitement des maladies mentales et de la dépendance aux substances » ont réussi à augmenter la probabilité de l’atteinte d’une charge virale indétectable chez des personnes séropositives qui utilisaient des drogues.
Même si elle n’est pas mentionnée par cette équipe de recherche, une étude antérieure a permis de constater que le TAR à longue durée d’action et l’offre de services de soutien exhaustifs ont réussi à aider un grand nombre de personnes à surmonter de nombreux problèmes et à atteindre une charge virale indétectable.
En l’absence de politiques et de programmes visant la résolution des problèmes structuraux auxquels font face les personnes qui utilisent des drogues, tel le manque de logements, le Canada, les États-Unis et d’autres pays auront de la difficulté à aider toutes les personnes vivant avec le VIH à connaître tous les bienfaits du TAR.
—Sean R. Hosein
Ressources
Une étude confirme l’efficacité du traitement injectable à longue durée d’action du VIH malgré des obstacles à l’observance thérapeutique – Nouvelles CATIE
Les bases de la réduction des méfaits : trousse pour prestataires de services — CATIE
Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique
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