- Une équipe nord-américaine a analysé des données se rapportant à la santé de plus de 67 000 personnes vivant avec le VIH
- Les personnes atteintes d’anémie (faible taux d’hémoglobine dans le sang) étaient plus à risque de mourir
- L’équipe recommande le dépistage de l’anémie et la détermination de la cause si elle est présente
Captage d’oxygène
Le corps contient une protéine riche en fer appelée hémoglobine. Cette protéine s’attache à l’oxygène absorbé par les poumons afin de le transporter aux tissus. L’hémoglobine absorbe ensuite un déchet appelé dioxyde de carbone et le transporte aux poumons pour être exhalé. S’ils manquent d’oxygène, les organes ne fonctionnent pas correctement et peuvent subir des dommages. Les personnes touchées risquent également de se fatiguer plus facilement. Ces problèmes surviennent lorsque le taux d’hémoglobine est insuffisant, c’est-à-dire en cas d’anémie. Une anémie prolongée peut être signe que la santé de la personne atteinte se détériore.
Avant l’arrivée des traitements efficaces contre le VIH (traitements antirétroviraux ou TAR), l’anémie était un problème relativement courant chez les personnes séropositives. Comme il n’existait alors aucun traitement efficace contre le VIH, il arrivait que l’anémie s’aggrave de sorte à causer une dégradation de la qualité de vie et de la santé. À cette époque-là, l’anémie était associée à une réduction de l’espérance de vie des personnes séropositives.
Amérique du Nord
Depuis 1996, la grande accessibilité du TAR a donné lieu à une baisse énorme de la mortalité due au sida en Amérique du Nord et dans d’autres régions du monde. Le TAR est tellement puissant que les études indiquent de plus en plus que de nombreuses personnes sous traitement connaîtront une espérance de vie quasi normale.
Une équipe de recherche travaillant au Canada et aux États-Unis a récemment analysé des données se rapportant à la santé de plus de 67 000 personnes vivant avec le VIH. Elle s’est concentrée sur l’anémie et son lien avec la survie afin de déterminer si cette maladie était encore un problème pour les personnes séropositives au 21e siècle.
L’équipe de recherche a analysé des données recueillies entre 2007 et 2016. Dans l’ensemble, elle a constaté un lien entre la gravité croissante de l’anémie et un risque accru de décès. Les hommes atteints d’anémie semblaient plus à risque de mourir que les femmes atteintes de celle-ci. Qui plus est, dans cette étude, l’anémie pouvait survenir jusqu’à quatre ans avant la mort de la personne touchée.
Détails de l’étude
L’équipe de recherche a analysé des données se rapportant à 67 228 personnes séropositives, dont chacune suivait un TAR. Les participant·e·s avaient le profil moyen suivant lors de leur admission à l’étude :
- 88 % d’hommes; 12 % de femmes
- âge : 51 ans
- principaux groupes ethnoraciaux : 46 % de Blanc·he·s, 41 % de Noir·e·s
- compte de CD4+ : 517 cellules/mm3; 11 % avaient 200 cellules CD4+/mm3 ou moins
- charge virale indétectable chez la plupart (moins de 50 copies/ml)
- principales comorbidités : hypertension – 40 %; infection par le virus de le l’hépatite C – 19 %; diabète de type 2 – 14 %; insuffisance rénale chronique – 10 %
- antécédents de sida – 25 %
Les participant·e·s sont resté·e·s dans l’étude pendant près de quatre ans en moyenne.
Résultats
Quatre-vingts pour cent des participant·e·s n’avaient pas d’anémie. Voici la répartition des cas d’anémie chez les autres en fonction de sa gravité :
- anémie légère : 14 %
- anémie modérée : 6 %
- anémie grave : 0,2 %
Âge, sexe et comorbidités
L’équipe de recherche a constaté que l’anémie était moins courante chez les jeunes que chez les personnes plus âgées, comme suit :
- 18 à 39 ans : 14 %
- 70 ans et plus : 39 %
Les femmes étaient plus susceptibles d’être atteintes d’anémie que les hommes (31 % contre 18 %).
L’équipe de recherche a affirmé que « l’anémie était significativement plus courante chez les personnes séropositives [présentant n’importe laquelle des comorbidités suivantes] » :
- infection par le virus de l’hépatite B ou C
- diabète de type 2
- hypertension
- insuffisance rénale chronique
- antécédent d’une maladie liée au sida
Survie
Selon l’équipe de recherche, 5 638 personnes sont décédées au cours de l’étude. Les décès étaient plus nombreux parmi les personnes atteintes d’anémie (74 %) que chez les personnes sans anémie (26 %).
L’équipe a également constaté que le risque de décès augmentait en fonction de la gravité de l’anémie. La répartition suivante indique la proportion de personnes décédées dans l’année suivant le diagnostic de l’anémie en fonction de la gravité de celle-ci :
- anémie légère : 3 % des personnes atteintes sont décédées
- anémie modérée : 14 %
- anémie grave : 28 %
Anémie persistante
Selon l’équipe de recherche, les personnes qui sont décédées durant l’étude avaient un taux décroissant d’hémoglobine pendant quatre ans avant leur décès. Le déclin de l’hémoglobine était considérablement plus important chez les hommes que chez les femmes.
Plus l’anémie était grave, plus le risque de décès augmentait. Voici les précisions de l’équipe de recherche à ce sujet :
Hommes
- anémie légère : augmentation de quatre fois du risque de décès
- anémie modérée : augmentation de 15 fois du risque de décès
- anémie grave : augmentation de 38 fois du risque de décès
Femmes
- anémie légère : augmentation de deux fois du risque de décès
- anémie modérée : augmentation de sept fois du risque de décès
- anémie grave : augmentation de 16 fois du risque de décès
À retenir
L’équipe de recherche a constaté que l’anémie et la gravité croissante de l’anémie étaient liées à une réduction de la survie. Les mesures de l’hémoglobine s’expriment en grammes par décilitre (g/dl). Selon l’équipe de recherche, chaque baisse annuelle de 1 g/dl du taux d’hémoglobine correspondait à une augmentation significative du risque de décès.
Aucun lien n’a été observé entre les changements dans la charge virale en VIH et l’apparition de l’anémie.
Selon l’équipe de recherche, « il est probable que les jeunes femmes affichent une prévalence plus élevée d’anémie à cause des pertes de sang survenant lors des menstruations, lesquelles entraînent typiquement une déficience en fer, phénomène qui s’atténue après la ménopause. En revanche, chez les hommes, l’anémie n’est liée à [aucun cycle mensuel], mais reflète vraisemblablement un problème sous-jacent ».
Notons que les causes de l’anémie n’ont pas été précisées, et l’équipe de recherche n’avait pas de données concernant les causes de décès. Elle n’en savait rien non plus sur les facteurs suivants, lesquels auraient pu jouer un rôle dans l’apparition de l’anémie et les décès :
- usage de drogues
- consommation excessive d’alcool
- situation socioéconomique
- évènements traumatisants
- alimentation et nutrition
Il importe de signaler ces facteurs, car, même si le TAR aide largement à guérir l’organisme des dommages immunologiques causés par le VIH, il ne peut rien contre les problèmes mentionnés dans la liste ci-dessus.
Comme l’anémie était associée à un risque accru de décès dans cette étude, l’équipe de recherche a affirmé qu’un diagnostic d’anémie « devrait inciter les clinicien·ne·s à déterminer la cause sous-jacente, surtout si l’anémie est modérée ou pire ou encore si elle [est en train de s’aggraver] ». De plus, elle laisse entendre que le dépistage de l’anémie est un élément important du suivi de la santé des personnes séropositives. Si une anémie est diagnostiquée, l’équipe de recherche encourage les clinicien·ne·s à en déterminer la cause.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Lang R, Coburn SB, Gill MJ et al. The association of anemia with survival among people with HIV following antiretroviral initiation in the NA-ACCORD 2007 to 2016. JAIDS. 2024;97(4):334-343.