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Les taux d’infections transmissibles sexuellement (ITS) sont en hausse au Canada. Entre 2008 et 2017, les taux de chlamydiose,de gonorrhée et de syphillis ont augmenté respectivement de 39 %, de 109 % et de 167 %.1,2 Les tests de dépistage des ITS sont nécessaires pour que de nouvelles infections soient dépistées, mais un sondage mené en 2018 auprès des Canadiens a révélé que 50 % des répondants n’avaient jamais passé de tels tests3. Des stratégies novatrices sont donc nécessaires pour surmonter les obstacles aux tests, notamment la stigmatisation liée aux ITS, les difficultés d’accès aux services de tests et les préoccupations en matière de vie privée et de confidentialité4. L’une de ces stratégies est l’auto-prélèvement d’échantillons à des fins d’analyses. Le présent article est un résumé d’une revue systématique concernant l’incidence de l’auto-prélèvement d’échantillons sur les résultats des tests de dépistage des ITS5.

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Qu’est-ce que l’auto-prélèvement d’échantillons aux fins des tests de dépistage des ITS?

L’auto-prélèvement, aussi appelé auto-échantillonnage, permet aux patients de prélever eux-mêmes les échantillons nécessaires aux fins d’analyses et de les envoyer à un laboratoire d’analyses6. L’auto-prélèvement peut avoir lieu dans un établissement de soins de santé, à domicile ou dans un cabinet en milieu communautaire. Il peut s’agir de prélèvements d’urine ou de frottis du rectum, du vagin, de l’urètre ou de la gorge, selon l’ITS à dépister. Les recherches ont montré que les tests effectués sur des échantillons auto-prélevés par les patients sont aussi précis que ceux effectués sur des échantillons prélevés par les fournisseurs de soins de santé, et que l’auto-prélèvement est une méthode acceptable pour ceux qui passent le test7,8.

Un exemple de services d’auto-prélèvement pour les tests de dépistage des ITS offerts au Canada est GetCheckedOnline du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique (BCCDC) offrant des tests avec auto-prélèvement d’échantillons aux fins des tests de dépistage d’ITS comme la chlamydiose et la gonorrhée.9

Quels types d’études de recherche sont inclus dans la revue systématique?

La revue systématique comprend des recherches concernant l’impact de l’auto-prélèvement sur les résultats des tests de dépistage des ITS. La revue a été effectuée afin d’éclairer les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé sur l’auto-prélèvement aux fins du dépistage des ITS pour déterminer si l’auto-prélèvement devrait être recommandé comme stratégie supplémentaire, en complément des recommandations existantes.

Onze études ont été incluses dans la revue, dont cinq essais contrôlés avec répartition aléatoire et six études d’observation. Pour qu’une étude soit incluse dans la revue, son but devait être de comparer l’auto-prélèvement avec le prélèvement effectué par un professionnel de la santé aux fins du dépistage de la chlamydiose, de la gonorrhée, de la syphilis ou de la trichomonase; ou encore de comparer l’auto-prélèvement avec l’absence de dépistage des ITS. Les études incluses devaient mesurer l’impact de l’auto-prélèvement sur un ou plusieurs des résultats suivants :

  • L’adoption des tests de dépistage des ITS
  • La fréquence des tests de dépistage des ITS
  • Les méfaits pour la société ou les événements indésirables liés au dépistage des ITS
  • La proportion de personnes ayant obtenu un résultat positif au test de dépistage d’une ITS (recherche de cas)
  • L’arrimage au traitement et aux soins chez les personnes qui ont obtenu un résultat positif au test de dépistage d’une ITS
  • Le comportement sexuel à risque

Les caractéristiques des études incluses dans la revue étaient les suivantes :

  • Date de publication entre 1998 et 2018
  • Effectif d’environ 202 000 participants
  • Déroulement aux États-Unis (six études), au Danemark (trois études) ou en Australie (deux études).
  • Tests de dépistage de la chlamydiose, de la gonorrhée et/ou de la trichomonase (aucune étude ne portait sur le test de dépistage de la syphilis)
  • Les auto-prélèvements ont eu lieu en milieu clinique (trois études) ou à domicile (huit études)
  • Les échantillons provenaient de collectes d’urine, d’un rinçage vaginal avec un soluté physiologique, ou d’auto-prélèvements par écouvillonnage de la gorge (pharyngés), du rectum, de l’urètre ou du vagin.
  • Les populations à l’étude devaient être variées, incluant la population générale, les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, les personnes vivant avec le VIH, les jeunes et les personnes qui s’injectent des drogues.

L’auto-prélèvement d’échantillons à tester est-il une stratégie efficace pour le dépistage des ITS?

La revue a révélé que les données probantes appuient l’utilisation de l’auto-prélèvement comme stratégie visant à faciliter le dépistage des ITS. Cette conclusion a été tirée de l’examen de l’impact de l’auto-prélèvement sur l’adoption des tests de dépistage des ITS et sur la proportion de personnes dont le test de dépistage d’une ITS s’est révélé positif. La revue visait également à trouver des études évaluant l’impact de l’auto-prélèvement sur les résultats suivants : fréquence des tests de dépistage des ITS; méfaits pour la société ou événements indésirables liés au dépistage des ITS; arrimage au traitement et aux soins chez les personnes ayant obtenu un résultat positif pour une ITS; comportement sexuel à risque. En revanche, aucune étude portant sur ces résultats n’a été relevée.

Adoption des tests de dépistage des ITS

Huit études ont examiné l’impact de l’auto-prélèvement sur l’adoption du dépistage des ITS, y compris les cinq essais contrôlés avec répartition aléatoire et trois des études observationnelles.

Une méta-analyse fondée sur les résultats des cinq essais contrôlés avec répartition aléatoire a révélé que les participants étaient trois fois plus susceptibles de passer un test de dépistage d’une ITS par auto-prélèvement d’échantillons que par prélèvement chez un fournisseur de soins de santé. Cette association était plus forte chez les hommes (sept fois plus probable) que chez les femmes (trois fois plus probable) ayant opté pour l’auto-prélèvement. Les études d’observation ont également révélé une association positive entre l’auto-prélèvement et l’adoption des tests.

Proportion de personnes ayant obtenu un résultat positif au test de dépistage d’une ITS (recherche de cas)

Neuf études ont examiné l’impact de l’auto-prélèvement sur la proportion de personnes ayant obtenu un résultat positif au test de dépistage d’une ITS, autrement dit la probabilité d’obtenir un test positif. Quatre études étaient des essais contrôlés avec répartition aléatoire et cinq étaient des études d’observation.

Une méta-analyse des essais contrôlés avec répartition aléatoire a révélé que l’auto-prélèvement était moins susceptible de donner lieu à un résultat positif que le prélèvement par des fournisseurs de soins de santé parmi les personnes testées. Les études d’observation n’ont révélé aucune différence entre les deux méthodes de prélèvement pour ce qui est de la recherche de cas.

Quels sont les points à retenir de la revue pour les fournisseurs de services?

Les données probantes issues de cette revue systématique appuient le recours à l’auto-prélèvement d’échantillons comme stratégie facilitant les tests de dépistage des ITS. Cette revue a examiné l’impact de l’auto-prélèvement d’échantillons à tester sur les résultats des tests de dépistage des ITS en comparant l’auto-prélèvement avec le prélèvement effectué par des fournisseurs de soins de santé. Elle a montré que l’auto-prélèvement d’échantillons favorisait l’adoption des tests de dépistage des ITS, notamment chez les hommes comparativement aux femmes.

Il est important de noter quelques caractéristiques de cette revue systématique :

  • La revue est fondée sur 11 études et a fourni des données probantes appuyant seulement deux des six résultats d’intérêt (à savoir l’adoption du test et les taux de résultats positifs), et uniquement pour les tests de dépistage de la chlamydiose, de la gonorrhée et/ou de la trichomonase (aucune étude ne portait sur le test de dépistage de la syphilis).
  • Des recherches futures pourraient fournir des données probantes à l’appui d’autres résultats, comme l’impact de l’auto-prélèvement sur la fréquence des tests.
  • La revue a porté sur un large éventail de populations, et a évalué l’adoption des tests selon le sexe sans comparer les résultats selon d’autres caractéristiques démographiques ou sociales. D’autres recherches pourraient aider à déterminer s’il existe d’autres différences quant à l’auto-prélèvement au sein des populations.

Qu’est-ce qu’une revue systématique?

Une revue systématique est une importante méthode de recherche documentaire servant à éclairer les programmes fondés sur des données probantes. Une revue systématique est un résumé critique des données probantes disponibles sur un sujet précis. Elle utilise un processus rigoureux de recherche de toutes les études liées à une question de recherche précise. Elle permet ensuite d’évaluer la qualité des études pertinentes et de résumer leurs résultats afin de relever et de présenter les principales observations et limites des études. Si les études d’une revue systématique contiennent des données numériques, ces données peuvent être combinées de façons stratégiques de manière à pouvoir calculer des estimations sommaires (« données regroupées »). La combinaison de données pour produire des estimations groupées peut fournir une meilleure vue d’ensemble du sujet à l’étude. Le processus de regroupement des estimations issues de différentes études est appelé méta-analyse.

 

Références

  1. Agence de la santé publique du Canada. Maladies à déclaration obligatoire en direct. Ottawa : Agence de la santé publique du Canada, 2019. Disponible à l’adresse : https://maladies.canada.ca/declaration-obligatoire/
  2. Gouvernement du Canada. Cas de syphilis infectieuse signalés au Canada de 2009 à 2018. Relevé des maladies transmissibles au Canada 7 novembre 2019;45-11. Disponible à l’adresse : https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/rapports-publications/releve-maladies-transmissibles-canada-rmtc/numero-mensuel/2019-45/numero-11-7-novembre-2019/article-5-rapport-syphilis-infectieuse-canada-2009-2018.html
  3. Les associés de recherche EKOS Inc. Sensibilisation, connaissances et attitudes des Canadiens à l’égard des infections transmissibles sexuellement et par le sang : Rapport sur les résultats 2018. Ottawa : Agence de la santé publique du Canada, 2018. Disponible à l’adresse : http://epe.lac-bac.gc.ca/100/200/301/pwgsc-tpsgc/por-ef/public_health_agency_canada/2018/056-17-f/rapport.pdf
  4. Agence de la santé publique du Canada. Réduction des répercussions sur la santé des infections transmissibles sexuellement et par le sang au Canada d’ici 2030 : un cadre d’action pancanadien sur les ITSS. Ottawa : Agence de la santé publique du Canada, 2018. Disponible à l’adresse : https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/documents/services/infectious-diseases/sexual-health-sexually-transmitted-infections/reports-publications/sexually-transmitted-blood-borne-infections-action-framework/sexually-transmitted-blood-borne-infections-action-framework.pdf
  5. Ogale Y, Yeh PT, Kennedy CE, et al. Self-collection of samples as an additional approach to deliver testing services for sexually transmitted infections: a systematic review and meta-analysis. BMJ Global Health. 2019;4(2):e001349. Disponible à l’adresse : https://gh.bmj.com/content/4/2/e001349
  6. Organisation mondiale de la Santé. Lignes directrices consolidées sur les interventions d’autoprise en charge en matière de santé : Santé sexuelle et reproductive et droits connexes. Genève : Organisation mondiale de la santé, 2009. Disponible à l’adresse : https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/325721/WHO-RHR-19.14-fre.pdf?ua=1
  7. Paudyal P, Llewellyn C, Lau J, et al. Obtaining self-samples to diagnose curable sexually transmitted infections: a systematic review of patients’ experiences. PLOS ONE. 2015 Apr 24;10(4):e0124310. Disponible à l’adresse : https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0124310
  8. Yared N, Horvath K, Fashanu O, et al. Optimizing screening for sexually transmitted infections in men using self-collected swabs: a systematic review. Sexually Transmitted Diseases. 2018;45(5):294–300. Disponible à l’adresse : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5889342/
  9. Gilbert M, Haag D, Hottes TS, et al. Get checked… where? The development of a comprehensive, integrated Internet-based testing program for sexually transmitted and blood-borne infections in British Columbia, Canada. JMIR Research Protocols. 2016;5(3):e186. Disponible à l’adresse : https://www.researchprotocols.org/2016/3/e186/

 

À propos de l’auteur

Erica Lee est gestionnaire, Contenu du site Web et évaluation chez CATIE. Depuis l’obtention de sa maîtrise en sciences de l’information, Erica a travaillé dans le domaine des bibliothèques de la santé, soutenant les besoins en information des fournisseurs de services de première ligne et les utilisateurs de services. Avant de se joindre à CATIE, Erica était la bibliothécaire de l’organisme AIDS Committee of Toronto (ACT).