Programme de traitement de l’hépatite C au Service de consommation et de traitement de Moss Park
2019
Intégration des soins de l’hépatite C dans un service de prévention des surdoses
Le Service de consommation et de traitement de Moss Park (SCTMP) a ouvert ses portes en août 2017 dans l’est du centre-ville de Toronto. Le SCTMP offre des services d’injection et de consommation supervisées, distribue du matériel de réduction des méfaits et dispense d’autres services de santé aux utilisateurs de drogues. Le SCTMP dessert plus de 100 personnes par jour, à l’heure actuelle.
En 2019, le SCTMP a inauguré un programme intégré de dépistage et de traitement de l’hépatite C, qui a été mis en œuvre pour joindre les gens qui utilisent les services du SCTMP (qu’on qualifie de membres) et s’attaquer aux obstacles qui entravent l’accès aux soins de santé traditionnels. Le programme vise à accroître l’utilisation du dépistage et des services de traitement dans un environnement sécuritaire peu contraignant, et à restreindre la perte de suivi en joignant les membres qui accèdent régulièrement aux services du SCTMP.
Pourquoi intégrer le traitement de l’hépatite C dans un service de consommation supervisée?
Le SCTMP a mis au point un programme en réponse aux utilisateurs du service qui demandaient plus de soutien pour le dépistage et le traitement de l’hépatite C. Certaines personnes avaient déjà reçu un diagnostic d’hépatite C et avaient été adressées à un programme communautaire des alentours qui offre le traitement de l’hépatite C. Plusieurs d’entre elles n’étaient toutefois pas à l’aise d’accéder à des soins dans un centre de santé, certaines en raison de mauvaises expériences avec des prestataires de soins, du fait par exemple d’une stigmatisation des personnes qui utilisent des drogues dans certains milieux de soins de santé. Les mauvaises expériences passées avec des prestataires ou des systèmes de soins de santé constituent l’obstacle majeur des soins de l’hépatite C. Les membres ont aussi commenté que la structure et l’horaire des autres programmes d’hépatite C faisaient obstacle.
Le SCTMP a élaboré le programme de l’hépatite C à l’aide d’une approche sans trop d’obstacles pour répondre aux besoins des personnes qui utilisent des drogues. Avant la mise en œuvre du programme, les personnes ont souvent dû se présenter à plusieurs rendez-vous distincts dans de multiples organismes pour recevoir une évaluation médicale, obtenir des papiers d’identité, demander une couverture d’assurance, puis recevoir une surveillance et un soutien continus. Le programme de l’hépatite C du SCTMP permet aux membres d’obtenir tous ces services en un seul endroit. Le programme a aussi été conçu pour prendre en compte l’absence de prescripteurs à l’échelle communautaire et le manque de programmes qui servent des gens qui utilisent des drogues dans un environnement exempt de préjugés et de jugement.
Comment fonctionne le programme?
Une infirmière de traitement du programme communautaire de l’hépatite C de Toronto, un programme de traitement communautaire, tient chaque semaine une clinique de trois heures au SCTMP. Durant ces visites, cette infirmière travaille avec le personnel infirmier, les travailleurs de prévention des surdoses et les travailleurs de santé communautaire, dont bon nombre ont une expérience vécue.
Durant les heures de clinique, l’infirmière d’hépatite C en consultation procède au dépistage et vérifie les patients existants en traitement dans un local du SCTMP converti en clinique. Le dépistage de l’hépatite C se fait à l’aide d’un test standard d’anticorps de l’hépatite C, suivi d’un test de charge virale d’ARN si le test d’anticorps est positif. L’infirmière prélève du sang sur place au SCTMP pour ces deux tests, le sang est acheminé à un centre de santé voisin pour être traité et confié au laboratoire d’analyse. D’autres services cliniques, notamment le soin des blessures, les tests pour les infections transmises sexuellement et par le sang, et les aiguillages sont également offerts durant les heures de clinique. Quand les résultats de l’hépatite C sont prêts, ils sont communiqués aux membres lors de la visite suivante de l’infirmière. S’il s’agit de la première fois pour un membre d’avoir un test positif d’hépatite C, des dispositions sont prises pour un nouveau test six mois après la prise de sang initiale. Ce nouveau test est obligatoire pour l’assurance publique du traitement en Ontario.
On offre aux membres qui sont prêts à commencer le traitement de l’hépatite C deux options : ils peuvent être adressés au programme de groupe communautaire de l’hépatite C de Toronto dans un centre de santé communautaire voisin, ou ils peuvent recevoir le traitement sur place au SCTMP. Des tests sont effectués avant le traitement sur l’analyse sanguine de base et les marqueurs du sang indicateurs d’une fibrose hépatique.
Pour le traitement de l’hépatite C sur place, les membres reçoivent une évaluation médicale et des prescriptions durant un rendez-vous sur les lieux avec un prescripteur. Les membres choisissent le mode de distribution des médicaments qui leur convient le mieux (distribution quotidienne ou hebdomadaire dans une pharmacie, ou quotidienne ou hebdomadaire au SCTMP). Le personnel du SCTMP et l’infirmière du traitement vérifient les personnes en traitement au moins une fois par semaine, préférablement en personne quand ils arrivent au service. Toutes les analyses sanguines de surveillance ou de suivi, y compris la fibrose hépatique, se font sur place.
Le SCTMP a mis le programme en œuvre sans financement additionnel et par conséquent, il repose lourdement sur les ressources existantes. Pour les membres qui reçoivent leurs médicaments au SCTMP, les pharmacies communautaires distribuent les médicaments aux infirmières du SCTMP qui supervisent l’administration quotidienne ou hebdomadaire du traitement de l’hépatite C aux membres. Le personnel du SCTMP offre également aux membres des consultations et le soutien des pairs avant et pendant le traitement. Étant donné que bien des membres sont des visiteurs réguliers du SCTMP, le personnel a noué des relations de soutien avec eux. Les employés sont en mesure de suivre et de détecter facilement tout besoin ou obstacle durant le dépistage et le traitement, d’effectuer activement la gestion de cas et d’obtenir de l’infirmière des conseils sur la façon d’aborder les problèmes.
Une tâche significative était de programmer les ordinateurs pour permettre aux travailleurs d’accéder aux dossiers médicaux, de commander et d’imprimer des tests en laboratoire et de rédiger des prescriptions sur les lieux. Les logiciels informatiques et les liens aux réseaux étaient importants pour soutenir les services cliniques complets sur place.
Quelles sont les réalisations et les futures orientations?
Dans les six premiers mois, 32 personnes se sont soumises à un dépistage grâce au programme de l’hépatite C du SCTMP. En utilisant le SCTMP comme lieu de rencontre, toutes les 32 personnes sauf une qui ont fait le test en ont reçu les résultats. Le personnel du programme communautaire de l’hépatite C de Toronto craignait au départ qu’il ne soit difficile d’effectuer un suivi auprès des membres du SCTMP, car beaucoup d’entre eux n’ont pas d’adresse fixe ou de numéro de téléphone. Cependant, l’effectif des membres du SCTMP est relativement constant, et le suivi s’est avéré efficace parce que les membres ont tendance à visiter le service régulièrement et que le personnel tâche de maintenir des relations de soutien.
Parmi les membres qui se sont soumis à des analyses sanguines, 13 ont eu des résultats positifs pour l’hépatite C. Depuis juin 2019, un prescripteur est sur les lieux et a été en mesure de commencer le traitement pour cinq personnes, tandis que deux autres personnes attendent un dépistage de suivi pour confirmer la présence d’une infection chronique. Un certain nombre d’autres membres ont exprimé leur intérêt à commencer le traitement et en sont à divers stades du protocole de traitement.
À l’avenir, le programme cherche à accroître l’adhésion des membres à un mentorat entre pairs et l’aspect de la navigation de la santé du programme, ce qui pourrait conduire à ce que les membres du SCTMP ayant terminé le traitement puissent accompagner et soutenir d’autres membres qui reçoivent des soins d’hépatite C, et les aider à obtenir des services de santé nécessaires qui ne sont pas liés à leur traitement d’hépatite C.
Le SCTMP cherche également à multiplier les services de dépistage sur place, notamment par la mise en œuvre du dépistage de l’ARN au point de service, dans une capacité de recherche. Le programme pourrait ainsi offrir aux membres un diagnostic plus rapide de l’hépatite C et leur permettre d’amorcer le traitement plus tôt. Des tests additionnels, comme le dépistage du VIH au point de service, seront aussi effectués sur place.
Étant donné le réseau étroit d’utilisateurs fréquents des services de consommation supervisée, un modèle de soins communautaire est efficace dans ce contexte. Selon l’infirmière de traitement de l’hépatite C « la clé du succès a été de maximiser la force existante des connexions et des ressources communautaires, et de suivre les commentaires des membres pour élaborer et exécuter ce service ».
Personne-ressource
Bernadette Lettner
Infirmière de traitement de l’hépatite C, programme communautaire de l’hépatite C de Toronto
blettner@srchc.com
416-302-5675