Cette semaine, la compagnie pharmaceutique Theratechnologies Inc. a commencé à commercialiser un nouveau médicament appelé tésamoréline (Egrifta). Ce dernier est homologué pour le traitement de l’excès de graisse abdominale chez les personnes séropositives. La tésamoréline incite l’organisme à produire de l’hormone de croissance, ce qui permet à la plupart des patients de perdre une certaine quantité de graisse abdominale.
Résumé
La tésamoréline est une petite molécule qui stimule le cerveau de sorte qu’il produit l’hormone de croissance. Cette hormone aide à réduire le volume de graisse abdominale chez certaines personnes séropositives. La tésamoréline n’a pas d’effet sur la couche de graisse située juste en dessous de la peau (graisse sous-cutanée) du visage ou dans d’autres parties du corps. Avant de prescrire la tésamoréline, Santé Canada exige que les médecins fassent effectuer une tomodensitométrie de l’abdomen pour confirmer la présence d’un excès de graisse. La tésamoréline est injectée sous la peau une fois par jour. Lors des essais cliniques, les participants qui ont perdu de la graisse abdominale dans un premier temps sous l’effet de la tésamoréline ont vu cette graisse revenir après avoir cessé de prendre le médicament. Au Canada, on s’attend à un coût mensuel de 3 000 $ par patient pour la tésamoréline.
Quelques mots au sujet de la graisse abdominale, de l’hormone de croissance et du VIH
La graisse qui s’accumule dans les profondeurs du ventre s’appelle la graisse viscérale. En général, chez les adultes, à mesure que le volume de graisse abdominale augmente, la production d’hormone de croissance diminue. Des études menées dans les années 1980 et jusqu’au milieu des années 1990 ont laissé croire que certains adultes séropositifs produisaient une quantité sous-optimale de l’hormone de croissance. Cette production réduite d’hormone de croissance entraînait des changements dans la composition du corps, soit une accumulation de graisse abdominale et une perte de tissu maigre (muscle).
À propos de la tésamoréline
La tésamoréline est une petite molécule (il s’agit d’un peptide). Ce médicament stimule l’hypophyse, une glande située dans le cerveau, afin qu’elle libère de l’hormone de croissance. L’augmentation de la production d’hormone de croissance peut faire en sorte que l’excès de graisse abdominale diminue.
Essais cliniques chez des personnes séropositives
La tésamoréline a été testée auprès de plus de 800 personnes séropositives dans le cadre d’essais cliniques rigoureusement conçus. De nombreux participants ont utilisé la tésamoréline pour une période allant de six à 12 mois. Ce traitement donnait lieu habituellement à une réduction significative de la graisse abdominale, comparativement au placebo (tésamoréline factice). On a constaté une faible augmentation de la masse musculaire chez les participants utilisant la tésamoréline, ainsi que l’absence de perte de graisse sous-cutanée. Le taux de triglycérides, une substance graisseuse se trouvant dans le sang, a diminué de façon modeste chez les personnes recevant la tésamoréline.
Lorsque les participants qui avaient précédemment utilisé la tésamoréline ont reçu le placebo à la place de cette dernière, tous les bienfaits de la tésamoréline ont disparu.
L’hormone insuline aide à réguler le taux de sucre sanguin, c’est-à-dire la glycémie. Après l’introduction d’un traitement par tésamoréline, la réponse de l’organisme à l’insuline peut changer. Lors des essais cliniques, les participants qui recevaient la tésamoréline étaient plus susceptibles de présenter une glycémie élevée parce que leur organisme devenait moins sensible aux effets de l’insuline. Toutefois, parmi les participants qui avaient utilisé la tésamoréline pendant jusqu’à un an, les problèmes de glycémie se sont généralement réglés.
Effets secondaires
Lors des essais cliniques, la tésamoréline a été très bien tolérée. Des effets secondaires courants mais temporaires se sont produits au site de l’injection de la tésamoréline et incluaient les suivants :
- rougeur
- sécheresse
- démangeaisons
- enflure
- douleur
Les autres effets secondaires incluaient les suivants :
- douleur musculaire
- douleur articulaire
Les effets secondaires peu courants incluaient les suivants :
- nausées
- vomissements
Mises en garde et précautions
1. Glycémie
Une glycémie élevée persistante peut présager l’apparition du prédiabète ou du diabète.
La tésamoréline peut causer des anomalies quant à la capacité de l’organisme à maintenir une glycémie stable et normale. Theratechnologies a fait les recommandations suivantes :
- Avant d’instaurer le traitement par tésamoréline, les médecins devraient soumettre leurs patients à un dépistage de prédiabète et de diabète.
- Durant le traitement par tésamoréline, une surveillance régulière de la glycémie est nécessaire pour s’assurer que les patients ne présentent pas de prédiabète ou de diabète.
- Les médecins doivent faire preuve de prudence si leurs patients recevant la tésamoréline présentent un prédiabète ou un diabète, car comme le souligne Theratechnologies : « Le diabète est un facteur de risque connu de maladies cardiovasculaires ».
2. Risque de cancer
La tésamoréline stimule la production de l’hormone de croissance et d’une autre hormone appelée facteur de croissance 1 analogue à l’insuline. Ces hormones peuvent faciliter la croissance de certaines tumeurs. Bien qu’il n’existe aucun rapport publié faisant état d’une augmentation du risque de cancer parmi les utilisateurs de la tésamoréline, Theratechnologies fait les recommandations suivantes :
- Les patients atteints d’un cancer récemment diagnostiqué ou récurrent ne devraient pas utiliser la tésamoréline.
- Il est essentiel que tout cancer préexistant soit inactif et que son traitement soit terminé avant de commencer le traitement par tésamoréline.
- Pour les patients ayant des antécédents de cancers traités et stables, « on ne devrait introduire la tésamoréline qu’après avoir évalué rigoureusement les bienfaits potentiels du traitement par rapport au risque de réactivation du [cancer] sous-jacent ».
3. Femmes
On a observé que la tésamoréline nuisait aux fœtus de rats enceintes. Par conséquent, elle ne devrait pas être utilisée par les femmes enceintes ou celles envisageant une grossesse.
4. Système immunitaire
Lors des essais cliniques, environ 4 % des participants qui recevaient la tésamoréline ont eu des réactions d’hypersensibilité d’ordre cutané (la peau), telles que les suivantes :
- démangeaisons
- rougeur
- rougeur de la face et du cou (bouffées vasomotrices)
- éruption cutanée
Si de telles réactions se produisent, qu’elles soient confirmées ou soupçonnées, Theratechnologies conseille aux patients de cesser l’usage du médicament et de chercher immédiatement un secours médical.
Lors des essais cliniques, environ 50 % des participants recevant la tésamoréline ont présenté des anticorps qui s’attaquaient à ce médicament. De tels anticorps sont apparus chez plus de 80 % des personnes ayant eu des réactions d’hypersensibilité. Toutefois, la présence de ces anticorps n'a pas affecté l'efficacité de la tésamoréline.
Des expériences menées sur des rats et chez des humains ont révélé que la tésamoréline n’affaiblissait pas le système immunitaire.
5. Accumulation de liquide
À mesure que la tésamoréline stimule la libération de l’hormone de croissance, une accumulation de liquide peut parfois se produire, causant une enflure des tissus, des douleurs articulaires et le syndrome du canal carpien dans les poignets. Les effets secondaires de ce genre sont d’ordinaire temporaires ou se résorbent après l’arrêt du traitement.
6. Populations spécifiques
La tésamoréline n’a pas été étudiée auprès des populations suivantes :
- personnes de moins de 18 ans
- personnes de plus de 65 ans
- personnes souffrant de lésions ou de dysfonction hépatiques
- personnes souffrant de lésions ou de dysfonction rénales
Interactions médicamenteuses
La tésamoréline ne semble pas influencer l’activité ou la concentration des médicaments utilisés pour le traitement du VIH.
Rappelons toutefois que la tésamoréline augmente bel et bien la production de l’hormone de croissance et pourrait stimuler l’activité des enzymes du foie qui dégradent les médicaments suivants :
- corticostéroïdes
- estrogène et testostérone
- médicaments anticonvulsivants
- cyclosporine (Neoral, Sandimmune)
Selon Theratechnologies, les médecins auront peut-être besoin d’effectuer des tests sanguins pour s’assurer que les taux de ces médicaments se situent dans la gamme de valeurs escomptées chez les patients recevant la tésamoréline.
Avant de commencer à prendre la tésamoréline
Parlez à votre médecin et à votre pharmacien si vous avez maintenant ou avez déjà eu l’un des problèmes de santé suivants :
- cancer
- problèmes de glycémie, y compris le prédiabète et le diabète
- problèmes rénaux
- problèmes hépatiques
Posologie, utilisation et efficacité
La dose habituelle de tésamoréline est de 2 mg par jour pour les adultes séropositifs déjà traités (pour le VIH) dont le tour de taille correspond aux critères suivants :
- hommes ayant un tour de taille de 95 cm ou plus
- femmes ayant un tour de taille de 94 cm ou plus
Par ailleurs, avant de prescrire la tésamoréline, Santé Canada demande aux médecins de faire faire une tomodensitométrie afin de confirmer que leurs patients ont un excès de graisse abdominale. La tomodensitométrie devrait établir que le volume de graisse viscérale est supérieur à 130 cm2.
De plus, avant d’utiliser la tésamoréline, les patients devraient avoir essayé de perdre de la graisse viscérale par le biais de modifications alimentaires et de l’exercice.
Toutes les personnes séropositives ne répondent pas nécessairement au traitement par tésamoréline. Selon Theratechnologies, une réduction de 1 cm du tour de taille après six mois de traitement quotidien « devrait être considérée comme la réduction minimale acceptable pour qualifier de satisfaisante la réponse [au traitement par tésamoréline] ».
Il est important que la tésamoréline soit réfrigérée à une température entre 2°C et 8°C et qu’elle soit protégée de l’exposition à la lumière.
La tésamoréline est offerte sous forme de poudre et doit être mélangée avec de l’eau stérile pour reconstituer le médicament.
La tésamoréline se vend en boîtes contenant les éléments suivants pour un mois de traitement :
- 30 fioles contenant 2 mg de tésamoréline
- 30 fioles d’eau stérile pour l’injection
- 30 seringues et aiguilles
Theratechnologies a préparé des brochures et des vidéos pour aider les patients à apprendre à préparer et à s’injecter la tésamoréline. On peut communiquer avec la compagnie (voir la section sur l’accès ci-dessous) pour obtenir ce matériel.
Avant d’utiliser la tésamoréline, revoyez les instructions sur la préparation du médicament pour l’injection avec votre professionnel de la santé. Exercez-vous à préparer le médicament sous la surveillance de votre médecin, infirmier ou pharmacien.
Accès
La tésamoréline est homologuée au Canada, mais elle ne figure pas sur les listes de médicaments assurés fédérale, provinciales et territoriales. Ainsi, il est probable que la plupart des personnes qui recevront la tésamoréline y auront accès grâce à un régime d’assurance médicaments privé. On s’attend à un coût mensuel de 3 000 $ par patient. Comme la plupart des assureurs privés ne paient pas le coût intégral des médicaments, les patients devront régler la différence sous forme de co-paiement.
Theratechnologies a créé un programme de soutien aux patients sous le nom d’Egrifta Support. Les patients peuvent appeler une ligne sans frais pour obtenir de l’assistance avec ce qui suit :
- navigation de leur régime d’assurance privé
- assistance avec les co-paiements
- conseils sur l’utilisation de la tésamoréline
- soutien et outils éducatifs sur la préparation et l’injection de la tésamoréline
- appels de soutien de suivi
Les gens peuvent contacter Egrifta Support au 1.844.788.1933
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Theratechnologies. Egrifta. Monographie de produit. 26 mars 2015. Disponible à l’adresse : http://theratech.ca/fr/content/canada
- Stanley TL, Grinspoon SK. Effects of growth hormone-releasing hormone on visceral fat, metabolic, and cardiovascular indices in human studies. Growth Hormone and IGF Research. 2015 Apr;25(2):59-65.