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CATIE

Comme nous l’avons mentionné dans le bulletin précédent de Nouvelles-CATIE, certains des médicaments anti-VIH les plus vieux sont associés à la lipoatrophie, et plus particulièrement à des changements dans l’apparence du visage. (Notons que la plupart des médicaments anti-VIH utilisés aujourd’hui ne semblent pas causer ce problème.) Pour certaines personnes aux prises avec une lipoatrophie du visage, les produits de comblement (ou de remplissage) sont une option. Un de ces produits, le Bio Alcamid (polyalkylimide), est considéré comme un implant permanent. À en croire des rapports publiés depuis quelques années, ce produit serait associé à un risque inattendu de complications chez les personnes recevant ce genre de traitement.

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À propos du Bio Alcamid

Le Bio Alcamid, qui ressemble à du tissu adipeux, se compose à 96 % d’eau et à 4 % de gel de polyalkylimide. Le produit est injecté directement sous la peau. À la suite de la chirurgie, l’organisme enveloppe le produit d’une capsule de collagène. Ce processus d’encapsulation est censé limiter l’exposition de l’organisme au Bio Alcamid et empêcher l’implant de se déplacer. Selon des médecins néerlandais, les rapports préliminaires sur le Bio Alcamid le décrivaient comme un produit « sûr » et affirmaient que le risque de complications et d’infection était « rare », soit d’environ 0,06 %.

Pays-Bas — une étude d’envergure

Depuis plusieurs années, des taux de complications plus élevés que prévus ont été rapportés en lien avec le Bio Alcamid. Des membres de la Dutch Society of Cosmetic Medicine ont mené une enquête auprès des chirurgiens plasticiens du pays pour mieux connaître les problèmes associés au Bio Alcamid. L’équipe a appris que 3 196 patients avaient reçu 4 738 traitements utilisant ce produit. Sur ces 3 196 patients, près de 5 % ont présenté des complications que l’on peut regrouper dans les catégories générales suivantes :

  • Inflammation – Problème le plus fréquent, l’inflammation se produisait des années après l’implantation et « surtout à la suite de chirurgies sur le visage, notamment des interventions dentaires », notaient les chercheurs néerlandais. De plus, l’inflammation associée à l’implant se produisait à la suite d’infections survenant dans la tête et le cou. Toutefois, chez près de 50 % des patients, aucune cause d’infection ne pouvait être décelée.
  • Accumulation – Dans certains cas, le Bio Alcamid semblait s’accumuler dans une région, « typiquement des années après [l’implantation] », affirmaient les médecins.
  • Durcissement de la capsule – Selon les médecins, le durcissement de la capsule de collagène enveloppant l’implant causait « généralement un défigurement visible et angoissant chez les patients. » Aucune cause évidente n’a été trouvée pour expliquer ce problème.
  • Migration – Dans certains cas, l’implant se déplaçait vers une autre partie du visage. Ce problème s’observait le plus souvent dans les joues.
  • Chez les personnes séropositives – Les chercheurs néerlandais ont recueilli des données auprès d’un sous-groupe de 270 patients séropositifs qui avaient reçu des implants de Bio Alcamid. De façon générale, les complications observées chez les PVVIH ressemblaient à celles observées chez les personnes séronégatives, même si les complications étaient légèrement plus fréquentes chez les PVVIH (6 %) que chez les personnes séronégatives (5 %).

Idéalement, les produits de comblement utilisés à des fins de chirurgie reconstructive devraient être les « plus sécuritaires possible », affirment les chercheurs néerlandais. Or, dans l’opinion de ceux-ci, les taux de complications associés au Bio Alcamid sont « trop élevés ». De plus, ces médecins font valoir que leur analyse du rapport risques-avantages du Bio Alcamid prend en compte « les risques pour la santé associés à l’inflammation et les difficultés posées par le traitement des complications défigurantes ». La Dutch Society of Cosmetic Medicine conseille désormais à ses membres de ne pas se servir du Bio Alcamid.

Écosse — des opinions changeantes

Dans un premier temps, nombre de chirurgiens plasticiens d’Édimbourg avaient une opinion favorable du Bio Alcamid en raison des résultats à court terme qu’ils observaient. Cependant, ces médecins constatent maintenant un taux élevé de complications associées aux implants de Bio Alcamid. Certains patients ont même eu besoin de subir une antibiothérapie intraveineuse, un drainage chirurgical et d’autres interventions réparatrices pour se rétablir des complications de ce produit. Les chirurgiens écossais affirment que le Bio Alcamid « pourrait causer des problèmes importants à long terme et [que] son usage devrait être limité ou cessé définitivement. »

Israël — complications inattendues

Des médecins du Department of Plastic and Reconstructive Surgery de la Sackler School of Medicine de l’Université de Tel Aviv ont également constaté des complications inattendues associées à l’usage du Bio Alcamid chez 14 personnes séronégatives. Selon ces médecins, des complications sérieuses se seraient produites chez des patients « sans [antécédents de] traumatismes ou de [chirurgies] oraux ». Selon l’hypothèse des médecins israéliens, il est possible que le Bio Alcamid exerce sur les tissus environnants des effets qui les rendent susceptibles à l’infection.

Comme plusieurs autres équipes de chirurgiens plasticiens, les médecins israéliens ont trouvé qu’il n’était pas facile d’enlever les implants de Bio Alcamid qui étaient en place depuis longtemps. Pour atténuer les complications liées au Bio Alcamid, une approche consiste typiquement à effectuer des incisions dans le visage afin de drainer et d’enlever les tissus et la matière infectés. Cette approche risque toutefois de laisser des cicatrices permanentes. Les médecins israéliens semblent avoir mis au point un mini-système d’irrigation qui faciliterait l’enlèvement des implants de Bio Alcamid.

Canada — complications inattendues à long terme

Des spécialistes des maladies infectieuses du Toronto General Hospital tentent avec difficulté d’aider les patients séropositifs présentant des complications infectieuses liées aux implants de Bio Alcamid. D’autres médecins canadiens comptent aussi publier des rapports sur leurs expériences des complications du Bio Alcamid.

Mise en garde contre les produits de remplissage permanents

Les complications observées chez les patients traités par Bio Alcamid pourraient aussi se produire avec d’autres produits de comblement considérés comme des implants permanents. L’évaluation de la sûreté de ces produits peut être difficile parce que la réglementation de ces produits varie d’un pays à l’autre.

L’International Committee for Quality Assurance, Medical Technologies and Devices in Plastic Surgery (IQUAM) a fait la déclaration importante suivante dans un de ses rapports :

Tous les produits de comblement des tissus mous sont associés à des risques d’infection et de formation de granulomes, lesquels peuvent causer un défigurement majeur. Le risque d’infection dépend de plusieurs facteurs, y compris les suivants :

  • la nature du produit de comblement
  • la quantité de produit utilisée
  • la profondeur de l’injection
  • la région du corps où l’injection est effectuée

Selon les chirurgiens plasticiens ayant évalué le rapport de l’IQUAM, le risque de complications ne peut jamais être écarté, même si les produits sont implantés par des chirurgiens très compétents.

Autre affirmation de l’IQUAM :

« Il existe entre les produits commerciaux de comblement des tissus mous des différences biochimiques et biophysiques substantielles, ainsi que des variations en ce qui a trait à la pureté… Les études chimiques sur les nouveaux produits de comblement des tissus mous effectuées par les fabricants sont largement insuffisantes pour prévoir l’incidence de réactions d’apparition tardive. »

Peut-être le point le plus important soulevé par l’IQUAM est-il le suivant :

« La plupart des produits de comblement des tissus mous [permanents] n’ont pas résisté à l’épreuve du temps et devraient donc être considérés comme expérimentaux. »

Compte tenu de toutes ces informations, nous encourageons les PVVIH qui se sont fait implanter des produits de comblement permanents et qui se préoccupent des complications possibles à parler à leur médecin et, si nécessaire, à se faire adresser à un chirurgien plasticien d’expérience.

Déclarations

Comme nous l’avons déjà mentionné, la Dutch Society of Cosmetic Medicine conseille désormais à ses membres de ne pas utiliser le Bio Alcamid. La Société suisse de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique a quant à elle interdit l’usage de produits de comblement des tissus mous permanents. De plus, le secrétaire de l’International Confederation for Plastic, Reconstructive and Aesthetic Surgery (IPRAS) a émis un avertissement au sujet des complications susceptibles de survenir à la suite de l’usage de produits de comblement permanents pour le visage.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Pur Medical Corporation. Bio Alcamid receives Health Canada Approval! Press release. 14 April 2006.
  2. Schelke LW, van den Elzen HJ, Canninga M, et al. Complications after treatment with polyalkylimide. Dermatologic Surgery. 2009 Oct;35 Suppl 2:1625-8.
  3. Nelson L, Stewart KJ. Early and late complications of Polyalkylamide gel (Bio-Alcamid)(R). Journal of Plastic, Reconstructive & Aesthetic Surgery. 2010; in press.
  4. Antoniou T, Raboud JM, Kovacs C, et al. Long-term efficacy and safety of polyalkylimide gel for the treatment of HIV-associated lipoatrophy. AIDS Care. 2009 Oct;21(10):1247-52.
  5. Karim RB, de Lint CA, van Galen SR, et al. Long-term effect of polyalkylimide gel injections on severity of facial lipoatrophy and quality of life of HIV-positive patients. Aesthetic Plastic Surgery. 2008 Nov;32(6):873-8.
  6. Goldan O, Georgiou I, Grabov-Nardini G, et al. Early and late complications after a nonabsorbable hydrogel polymer injection: a series of 14 patients and novel management. Dermatologic Surgery. 2007 Dec;33 Suppl 2:S199-206.
  7. van Dam D, van der Lei B, Cromheecke M. Statements on the safety of permanent soft tissue fillers in Europe. Aesthetic Plastic Surgery. 2009 Jul;33(4):479-81.
  8. Nadarajah J, et al. Infectious complications of Bio Alcamid soft tissue endoprosthesis treatment of HIV-associated facial lipoatrophy. In: Programs and abstracts of the 12th International Workshop on Adverse Drug Reactions and Co-morbidities in HIV, 4–6 November 2010, London, UK. Abstract.