Depuis une décennie, on fait état de l’apparition de complications liées au vieillissement chez des personnes séropositives à un âge plus précoce que celui auquel on s’attend à observer de tels problèmes. Partout dans le monde, des chercheurs étudient les problèmes liés à l’âge et essaient d’en trouver les causes chez les personnes séropositives. Une équipe d’Amsterdam a établi une large cohorte appelée AGEhIV qui est constituée de personnes séropositives et séronégatives d’âge et de comportements à risque semblables.
La plus récente analyse de l’étude AGEhIV a porté sur l’amincissement des os. Un léger amincissement des os s’appelle l’ostéopénie, alors qu’un amincissement osseux plus grave s’appelle l’ostéoporose. Lorsque les os sont minces, le risque de fracture augmente lors des chutes et des accidents.
Selon les chercheurs responsables de l’étude AGEhIV, l’ostéoporose était significativement plus courante chez les personnes séropositives que chez les personnes séronégatives. Lorsqu’elle a tenu compte de plusieurs facteurs liés aux antécédents médicaux et aux comportements des hommes, l’équipe n’a constaté aucun lien spécifique entre le VIH et les pertes osseuses. Elle a toutefois fait état d’une association importante entre celles-ci et le tabagisme et l’insuffisance pondérale. De plus, chose étonnante, les jeunes HARSAH inscrits à cette étude étaient plus à risque d’avoir des os plus minces que la normale, peu importe s’ils avaient l’infection au VIH ou pas.
Détails de l’étude
La perte de densité minérale des os (DMO) peut se produire pour de nombreuses raisons.
Pour mieux comprendre les causes possibles de la baisse de la DMO, les chercheurs d’Amsterdam ont comparé des données de santé se rapportant aux deux groupes suivants :
- 581 personnes séropositives
- 520 personnes séronégatives
(Si ces chiffres diffèrent quelque peu de ceux inclus dans le bulletin précédent de Nouvelles CATIE traitant de la base de données AGEhIV, c’est parce que le présent article traite des participants pour lesquels on disposait de mesures de la densité osseuse à des fins d’analyse.)
L’une des forces importantes de la cohorte AGEhIV tient au fait que les participants venaient de la même région géographique et avaient des profils sociaux, économiques et comportementaux semblables.
Tous les participants figurant dans cette analyse ont subi des examens radiographiques de faible dose appelés DEXA (absorptiométrie à rayons X en double énergie). De plus, les chercheurs ont mené des entretiens détaillés auprès des participants et effectué des prélèvements de sang à des fins d’analyses approfondies.
Les participants étaient majoritairement des hommes (86 %), dont 72 % d’hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH). La majorité (95 %) des hommes séropositifs suivait une TAR et avait conséquemment une faible charge virale et un compte de CD4+ d’environ 565 cellules/mm3.
Les données utilisées aux fins de l’analyse de la santé osseuse ont été recueillies entre 2010 et 2012.
Résultats
Les examens DEXA ont révélé que 13 % des personnes séropositives avaient une densité osseuse réduite dans la hanche, l’articulation de la hanche et la colonne vertébrale, comparativement à 8 % des participants séronégatifs. Cette différence est significative du point de vue statistique.
Lorsque les chercheurs ont tenu compte de plusieurs facteurs de risque d’amincissement osseux, l’infection au VIH elle-même n’était pas liée à une baisse de la DMO. En revanche, les facteurs de risque suivants ont été associés à une réduction de la DMO :
- tabagisme (ce comportement avait une incidence particulière sur la densité osseuse de la colonne vertébrale et de l’articulation de la hanche)
- insuffisance pondérale
- antécédents de symptômes de l’infection au VIH, dont le sida
Il n’est pas clair par quel mécanisme précis l’insuffisance pondérale aurait influencé la DMO des hommes inscrits à cette étude. Selon l’hypothèse des chercheurs néerlandais, certains des hommes en question auraient connu une perte de poids grave à un moment donné dans le passé à cause d’infections potentiellement mortelles couramment associées au sida. Le traitement des infections liées au sida, surtout celles touchant les poumons, le cerveau et d’autres systèmes organiques majeurs, repose en partie sur une classe de médicaments appelés corticostéroïdes. Ces médicaments aident à supprimer l’inflammation parfois dangereuse qui peut être déclenchée par les infections liées au sida. Même si ces médicaments peuvent contribuer à sauver la vie des personnes atteintes de telles infections, les médecins savent maintenant qu’ils peuvent également causer l’amincissement des os.
Aspects de la TAR
La présente étude ne comptait pas suffisamment de participants pour pouvoir évaluer l’impact de médicaments anti-VIH particuliers sur la santé osseuse. De plus, comme l’allocation des régimes anti-VIH ne s’est pas faite de façon randomisée, il est impossible de tirer des conclusions solides à partir des données de l’étude AGEhIV quant à l’impact de la TAR sur la santé des os.
DMO et HARSAH
Les chercheurs néerlandais ont constaté que la densité minérale osseuse était « étonnamment faible » chez les jeunes HARSAH, sans égard à leur statut VIH. Voici leur hypothèse à ce sujet :
« Nous sommes d’avis que les HARSAH plus jeunes de cette cohorte avaient peut-être un profil historique différent en ce qui concerne la participation aux sports actifs, l’alimentation et l’usage de stéroïdes anabolisants et de drogues, comparativement aux HARSAH plus âgés, et il est possible que ces activités aient précédé l’âge auquel [la densité minérale osseuse] atteint son pic. »
D’autres études ont fait état d’une baisse de la DMO chez des HARSAH séropositifs et séronégatifs de San Francisco et d’Amsterdam. Cela laisse croire que le problème de l’amincissement osseux a commencé avant que certains HARSAH aient contracté le VIH.
Mise en contexte
Les résultats de la présente étude sont le fruit d’une analyse transversale. Ce genre d’étude ne peut prouver de lien de cause à effet. Il reste que les résultats de cette étude sont comparables à ceux d’autres essais. De plus, la présente étude néerlandaise a une force majeure, à savoir que les participants séronégatifs utilisés à titre de comparaison avaient des caractéristiques très semblables à celles des participants séropositifs.
Le casse-tête
Les résultats de cette étude néerlandaise sur la baisse de la DMO, tant chez de jeunes HARSAH séronégatifs que séropositifs, sont intrigants. Combinés aux données d’autres études, ils portent à croire que certains HARSAH courent le risque d’avoir une faible DMO. Il faudra mener d’autres recherches auprès de HARSAH séronégatifs pour mieux comprendre ce résultat.
Recommandations en matière de soins
Les chercheurs néerlandais signalent aux médecins soignant des HARSAH séropositifs que ces derniers pourraient être « particulièrement sujets à l’ostéoporose/ostéopénie » après l’introduction d’une TAR. En effet, une baisse rapide de la DMO à la suite de l’amorce de la TAR a été observée lors de plusieurs études. Cependant, la DMO se stabilisait ensuite après plusieurs années. L’équipe néerlandaise recommande qu’un « traitement de soutien [aux os] » associant du calcium et de la vitamine D3 soit envisagé pour les HARSAH qui commencent une TAR. Lors d’un essai clinique randomisé, contrôlé contre placebo, présenté dans le cadre de la 21e Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI 2014), les participants qui commençaient une TAR et qui recevaient 4 000 UI/jour de vitamine D3 et 1 000 mg/jour de calcium ont connu une réduction de 50 % de l’amincissement osseux, comparativement aux participants à la même étude qui n’ont pas reçu de traitement de soutien nutritionnel.
Ressource
Santé des os – TraitementSida 189
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
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