Des chercheurs aux États-Unis ont collaboré à une étude sur les problèmes d’audition chez les personnes séronégatives et les personnes séropositives. Ils ont constaté que certaines personnes séropositives étaient plus susceptibles d’avoir de la difficulté à entendre les sons de haute fréquence (aigus) ainsi que les sons de basse fréquence (graves). Aucun lien n’a été trouvé entre la prise de médicaments anti-VIH et la baisse de l’audition. Nous parlons plus loin des implications de cette étude dans ce bulletin de Nouvelles CATIE.
Détails de l’étude
Les chercheurs ont recruté 396 adultes pour cette étude. La répartition était la suivante :
Hommes
- 117 séropositifs
- 145 séronégatifs
Femmes
- 105 séropositives
- 29 séronégatives
Les participants avaient le profil moyen suivant :
- âge : 50 ans
- durée du traitement du VIH : 17 ans
- compte de CD4+ : 577 cellules/mm3
- compte de CD8+ : 865 cellules/mm3
- charge virale en VIH : 50 copies/ml
Les participants ont passé un examen des oreilles, ainsi que des évaluations sophistiquées de leur capacité d’entendre les sons. Le personnel de l’étude les a également interrogés au sujet de leur audition et de leurs antécédents médicaux, notamment en ce qui concerne la présence de diabète et de perturbations des taux d’hormones thyroïdiennes, car ces derniers peuvent nuire à l’ouïe.
Les chercheurs ont comparé les évaluations de l’audition en fonction du sexe des participants, c’est-à-dire que les hommes séropositifs ont été comparés aux hommes séronégatifs.
Résultats
Dans l’ensemble, l’équipe de chercheurs a constaté que les personnes séropositives présentaient un certain degré de perte auditive comparativement aux personnes séronégatives ayant un profil semblable sur les plans de l’âge, du sexe, de la race et de l’exposition au bruit (sur le lieu de travail ou lors des loisirs).
Spécifiquement, en ce qui concerne les fréquences aiguës, les personnes séropositives avaient tendance à avoir une « sensibilité auditive plus faible », soit un déficit de 18 % de la sensibilité auditive comparativement aux personnes séronégatives. En ce qui concerne les fréquences graves, l’acuité auditive des personnes séropositives était près de 12 % plus faible que celle des personnes séronégatives. Ces différences sont significatives du point de vue statistique, c’est-à-dire non attribuables au seul hasard.
Absence de liens
L’équipe de l’étude n’a trouvé aucun lien entre les pertes auditives et les facteurs suivants :
- compte de cellules CD4+ ou CD8+
- charge virale en VIH
- antécédents de sida
- plusieurs années d’exposition aux médicaments anti-VIH, quel que soit le groupe
Pourquoi le VIH?
Les études précédentes avaient généralement révélé un certain degré de perte auditive parmi les personnes séropositives. Comme les responsables de la présente étude ne comprennent pas précisément pourquoi l’infection au VIH serait associée à une baisse de l’audition, on peut s’attendre à la tenue d’autres études à l’avenir pour explorer ce lien.
À ne pas oublier : la syphilis
Les chercheurs américains n’ont pas mentionné le statut des participants par rapport à la syphilis. Or cette maladie pourrait avoir de l’importance. Dans un rapport antérieur, des médecins de Toronto avaient signalé au moins huit cas d’anomalies des oreilles chez des personnes séropositives, y compris des acouphènes (bourdonnement dans les oreilles), des pertes auditives et des étourdissements (rappelons que l’oreille interne aide à réguler l’équilibre). Dans tous les cas en question, les médecins ont posé un diagnostic de syphilis, voire de neurosyphilis dans la moitié des cas. Les patients ont été traités par des régimes intensifs et prolongés de pénicilline, ce qui a permis d’éliminer les acouphènes dans tous les cas. Quatre patients ont également fait état d’une amélioration de leur audition.
Points clés
- Cette étude raisonnablement bien conçue a permis de constater des différences significatives entre l’audition des personnes séropositives et des personnes séronégatives.
- Les participants étaient d’âge moyen, et les chercheurs ne s’attendaient pas à constater une baisse de l’audition des fréquences graves chez une telle population.
- En théorie, une perte d’acuité auditive pourrait compromettre la capacité de certaines personnes séropositives à comprendre les mots et à communiquer efficacement. Cette théorie doit toutefois être mise à l’épreuve dans une autre étude.
- Les personnes qui éprouvent des problèmes d’audition et/ou d’équilibre devraient se faire évaluer par un médecin.
À propos de la perte auditive
La perte auditive a de nombreuses causes possibles. Toute modification de l’audition qui nuit à la qualité de vie d’une personne ou qui l’empêche de travailler ou d’accomplir ses activités quotidiennes devrait être signalée à un médecin afin qu’elle soit évaluée.
Selon la clinique Mayo, les symptômes d’une perte auditive peuvent comprendre les suivants :
- difficulté à suivre une conversation, particulièrement au milieu d’une foule où il y a des bruits de fond
- les propos des autres et les sons peuvent sembler étouffés
- nécessité d’augmenter le son de la télé, de la radio, du lecteur MP3 ou de tout autre dispositif audio
- on demande aux autres de parler plus lentement, plus clairement et plus fort
- difficulté à entendre les consonnes
- on se retire des conversations
- on évite certaines situations sociales à cause de la difficulté à comprendre les autres quand ils parlent
Dans les cas où la perte auditive ne peut être corrigée, les médecins peuvent prescrire un appareil auditif.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Torre P 3rd, Hoffman HJ, Springer G, et al. Hearing loss among HIV-seropositive and HIV-seronegative men and women. JAMA Otolaryngology—Head & Neck Surgery. 2015; in press.
- Cohen BE, Durstenfeld A, Roehm PC. Viral causes of hearing loss: a review for hearing health professionals. Trends in Hearing. 2014;18;1-17.
- Mishra S, Walmsley SL, Loutfy MR, et al. Otosyphilis in HIV-coinfected individuals: a case series from Toronto, Canada. AIDS Patient Care and STDs. 2008 Mar;22(3):213-9.