- 30 % des femmes séropositives canadiennes font l’objet d’un dépistage tardif du cancer du col utérin
- On recommande un test Pap annuel aux femmes séropositives canadiennes
- Lorsque le professionnel de la santé est un homme, le dépistage est moins courant
Le virus du papillome humain (VPH) est une infection transmissible sexuellement courante. Certaines souches du VPH causent des verrues anogénitales. D’autres souches peuvent provoquer la croissance de cellules anormales et, dans certains cas, celles-ci se transforment en cancer, notamment en cancer du col de l’utérus. En 1993, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis ont ajouté le cancer du col invasif à leur liste de cancers définissant le sida.
Traitement du VIH
L’observance du traitement du VIH (TAR) aide à améliorer et à maintenir la santé du système immunitaire. Le TAR a un tel impact que les chercheurs s’attendent de plus en plus à ce que de nombreux utilisateurs du TAR aient une espérance de vie quasi normale. Le TAR ne peut toutefois éliminer le risque que des changements anormaux aient lieu dans les cellules du col utérin à cause de l’infection au VPH. Par conséquent, le dépistage du cancer du col de l’utérus devrait faire partie des interventions régulières visant le maintien de la santé. Les lignes directrices canadiennes recommandent un frottis cervicovaginal (test Pap) annuel pour les femmes vivant avec le VIH.
Accent sur le dépistage du cancer du col utérin
Les chercheurs affiliés à l’Étude sur la santé sexuelle et reproductive des femmes vivant avec le VIH au Canada (CHIWOS) recueillent et analysent des données se rapportant à la santé de plus de 1 400 femmes séropositives. L’équipe CHIWOS produit des rapports utiles dans le but d’améliorer les soins et la santé des femmes vivant avec le VIH. Une analyse récente effectuée par l’équipe CHIWOS a porté spécifiquement sur le dépistage du cancer du col utérin. Les chercheurs ont constaté des retards modérés, voire longs, dans le dépistage du cancer du col touchant près de 30 % des femmes séropositives. Les chercheurs ont affirmé que des « efforts additionnels sont nécessaires pour mieux sensibiliser les femmes et les professionnels de la santé aux recommandations se rapportant au dépistage du cancer du col utérin, et plus particulièrement pour les femmes sexuellement inactives, celles dont l’immunité est supprimée et celles dont les soins du VIH sont prodigués par un homme ».
Détails de l’étude
Même si l’étude CHIWOS a recruté 1 422 femmes séropositives, les chercheurs ont concentré la présente analyse sur les données recueillies auprès de 1 189 femmes. Ces dernières avaient le profil moyen suivant au moment de leur admission à l’étude :
- âge : 42 ans
- principaux groupes ethnoraciaux : Blanches – 40 %; Africaines, Caribéennes ou Noires – 31 %; Autochtones – 22 %
- répartition des participantes selon la province : Colombie-Britannique – 291 femmes; Ontario – 604 femmes; Québec – 294 femmes
- TAR en cours : 83 %
- charge virale inférieure à 50 copies/ml : 73 %
L’étude a porté principalement sur des questions se rapportant au test Pap. Notons que les participantes avaient été interrogées plusieurs années auparavant, lors de leur admission à l’étude CHIWOS.
Résultats
Après l’admission des femmes séropositives à l’étude CHIWOS, les chercheurs ont constaté ce qui suit :
- 69 % avaient passé un test Pap moins d’un an auparavant
- 18 % avaient passé un test Pap entre un et trois ans auparavant
- 14 % avaient passé un test Pap au moins trois ans auparavant ou pas du tout
(Remarque : La somme des chiffres n’est pas 100 parce qu’ils ont été arrondis.)
Retards de dépistage
Les chercheurs ont constaté qu’un « retard modéré » (entre un et trois ans depuis le test Pap précédent) était probable chez les femmes vivant dans les situations suivantes :
- elles vivaient en Ontario
- leur professionnel de la santé était un homme
Les chercheurs ont constaté qu’un « retard de longue durée » (trois ans ou plus) était probable chez les femmes vivant dans les situations suivantes :
- elles vivaient en Ontario ou au Québec
- elles étaient inactives sur le plan sexuel
- elles avaient un compte de CD4+ qualifié d’« inconnu ou inférieur à 200 cellules/mm3 »
- elles avaient un homme comme professionnel de la santé
Explication des retards
Les chercheurs ont demandé aux femmes si « un médecin ou une infirmière avait déjà discuté avec elles de la nécessité de se soumettre à un frottis de Pap régulier ». Un total de 306 femmes (26 %) ont répondu non.
Parmi les femmes dont le dernier frottis de Pap remontait à au moins trois ans, 57 % ont répondu non.
Parmi les femmes qui n’avaient jamais passé de frottis de Pap, 73 % ont répondu non.
Voici les raisons courantes données pour ne pas avoir fait de frottis de Pap au cours de la dernière année :
- procrastination : 47 %
- test perçu comme non nécessaire : 38 %
- intervention désagréable : 20 %
- jamais mentionné par mon professionnel de la santé : 19 %
- peur : 14 %
Cette dernière raison incluait la peur des éventualités suivantes :
- douleur
- gêne
- dévoilement du VIH
- découverte d’un problème
Communication problématique
Les chercheurs ont fait la déclaration suivante : « Comme on l’a déjà signalé au sujet de la population générale, les professionnels ont un rôle crucial à jouer pour se conformer aux recommandations sur le dépistage du cancer du col utérin, et nos résultats soulignent l’importance de mieux communiquer la nécessité du dépistage du cancer du col utérin aux femmes vivant avec le VIH ».
Sexe des professionnels de la santé
En ce qui concerne les raisons pour lesquelles le fait d’avoir un homme comme professionnel de la santé pourrait retarder le dépistage du cancer du col utérin, les chercheurs ont avancé les explications possibles suivantes :
- les professionnels de la santé de sexe masculin pourraient prioriser des enjeux différents
- certaines femmes pourraient se sentir « mal à l’aise qu’un homme leur fasse passer un examen gynécologique »
Solutions
Les chercheurs ont ajouté ceci : « Dans les situations où il est problématique de faire un frottis de Pap, que ce soit pour le professionnel ou la patiente, les solutions éventuelles pourraient inclure » les suivantes :
- organisation du cabinet/horaire
- rappels systématiques
- collaboration avec une infirmière, une collègue, une médecin de famille ou une gynécologue pour faire le dépistage du cancer du col utérin ou encore l’offre de l’autoprélèvement comme moyen de faire le test de dépistage du VPH
Importance continue de l’éducation
Comme nous l’avons déjà mentionné, les chercheurs ont trouvé que les femmes sexuellement inactives étaient plus susceptibles de faire l’objet d’un dépistage tardif du cancer du col utérin. Selon les chercheurs, lorsque vient le moment d’éduquer les femmes sur le risque de cancer du col de l’utérus, les professionnels de la santé « ont besoin de préciser que le risque persiste même si la femme n’est pas active sexuellement parce qu’il peut s’écouler quelques décennies entre l’infection initiale par le VPH et l’apparition d’un cancer du col utérin ».
À retenir
La présente étude a été réalisée à l’aide de données recueillies auprès de chaque femme à un moment précis dans le temps. On appelle cette sorte de recherche une étude transversale, et cette méthode est utile pour découvrir des associations statistiques. Ces associations doivent cependant être examinées dans le cadre d’études conçues de façon différente, telles les études longitudinales. Malgré le fait qu’il s’agit ici d’une étude transversale, les données CHIWOS sont uniques et importantes pour les femmes séropositives et constituent une excellente base pour des recherches futures.
Ressources
Les femmes de CHIWOS – Vision positive
Une étude canadienne examine pourquoi certaines femmes ne restent pas dans la cascade des soins du VIH – Nouvelles CATIE
Comparaison des tendances de consommation de substances parmi les femmes du Canada – Nouvelles CATIE
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
de Pokomandy A, Burchell AN, Salters K, et al. Cervical cancer screening among women living with HIV: a cross-sectional study using the baseline questionnaire data from the Canadian HIV Women’s Sexual and Reproductive Health Cohort Study (CHIWOS). CMAJ Open. 2019 Apr 12;7(2):E217-E226.