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CATIE

Depuis 1996, la grande accessibilité des traitements d’association contre le VIH (couramment appelés TAR ou thérapies antirétrovirales) dans les pays et régions à revenu élevé comme le Canada, l’Australie, les États-Unis et l’Europe occidentale a un impact énorme sur la santé de nombreuses personnes vivant avec le VIH. De nos jours, les décès attribuables aux maladies liées au sida sont peu fréquents parmi les personnes qui commencent une TAR dès les stades précoces de l’infection au VIH et qui s’impliquent bien dans leurs soins et leur traitement. De plus, selon les plus récents calculs des chercheurs, l’espérance de vie de certains patients sous TAR a de fortes chances de franchir le cap des 80 ans. L’augmentation de l’espérance de vie fera l’objet d’un bulletin futur de Nouvelles CATIE.

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Bien-être émotionnel et mental

Même si la prévention des maladies liées au sida a progressé de façon très importante grâce à la TAR, il arrive de temps en temps que les personnes séropositives éprouvent des changements dans leur santé émotionnelle et mentale. Les sentiments d’inquiétude et de dépression sont particulièrement courants. Les raisons possibles de ces problèmes sont nombreuses, et les études ont révélé que les événements suivants avaient parfois tendance à déclencher ou à accélérer l’apparition de la dépression chez les personnes :

Événements stressants

  • stigmatisation et discrimination persistantes
  • décès d’un proche
  • isolement social

VIH

  • Les cellules du système immunitaire qui sont infectées par le VIH peuvent voyager au cerveau et y libérer des protéines virales et des signaux chimiques qui perturbent le fonctionnement des cellules cérébrales. La TAR atténue largement ces problèmes.

Autres problèmes liés à la santé

  • maladie cardiovasculaire grave – la réduction de l’écoulement de sang riche en oxygène et en nutriments vers le cerveau peut nuire à cet organe vital; certains survivants de crises cardiaques et d’AVC éprouvent des problèmes d’ordre émotionnel à la suite de ces événements
  • diabète de type 2
  • taux d’hormones anormaux – hormones thyroïdiennes, déficience en testostérone (chez l’homme)
  • co-infections – y compris le virus de l’hépatite C et, dans certains cas rares, la syphilis
  • Pendant la phase de transition vers la ménopause et pendant la ménopause pour les femmes

Événements liés aux médicaments

Les médecins ont déterminé que certains médicaments pouvaient, dans des cas très rares, jouer un rôle dans l’apparition de la dépression. Voici quelques classes de médicaments couramment utilisées qui pourraient avoir un tel effet :

  • médicaments pour le traitement de l’hypertension
  • médicaments pour abaisser le taux de cholestérol
  • médicaments pour le traitement des arythmies cardiaques
  • corticostéroïdes
  • analgésiques sur ordonnance
  • médicaments pour prévenir les crises de nature épileptique

Il est important de se rappeler que la majorité des médicaments appartenant aux catégories ci-dessus ne causent pas de dépression chez la vaste majorité de patients qui les reçoivent.

  • Certaines personnes vivant avec le VIH utilisent le médicament éfavirenz (vendu sous les noms de Sustiva et de Stocrin et présent dans la co-formulation à doses fixes Atripla); ce médicament est associé à des changements d’humeur. Dans la majorité des cas, les changements en question sont temporaires. L’interféron (médicament utilisé pour le traitement de l’hépatite C) peut causer une gamme d’effets, dont l’anxiété, l’irritabilité et la dépression.

Comportement

  • manque de sommeil et/ou d’exercice
  • consommation de drogues/alcool

Environnement

  • changements de saison, particulièrement la réduction de la lumière du jour

Nutrition

  • carences en plusieurs nutriments, dont la protéine, les vitamines B, le magnésium, le zinc et peut-être les acides gras essentiels

Ceux-là ne sont que quelques facteurs qui ont été associés à un risque accru de dépression lors de certaines études. Il est important que les problèmes de santé mentale et émotionnelle soient reconnus et traités sans tarder car ils peuvent compromettre la qualité de vie et nuire à la santé générale de la personne.

Voici plusieurs approches que les professionnels de la santé peuvent recommander et/ou prescrire aux personnes séropositives pour les aider à faire face à leurs problèmes de santé mentale et émotionnelle :

  • analyses de sang en laboratoire pour détecter la présence des conditions mentionnées ci-dessus
  • counseling régulier
  • augmentation du niveau d’exercice physique
  • méditation, yoga, tai-chi et autres exercices de relaxation
  • médicaments – anxiolytiques, antidépresseurs

Étude espagnole

Des chercheurs de Barcelone ont étudié l’impact d’une thérapie cognitivo-comportementale sur la qualité de vie et la santé émotionnelle, mentale et immunologique de personnes vivant avec le VIH. L’équipe de recherche a constaté qu’une thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (TCBPC) améliorait rapidement et significativement la santé émotionnelle des participants. Chose intrigante, il semble que la TCBPC ait également fait augmenter le compte de cellules CD4+ des patients.

À propos de la thérapie basée sur la pleine conscience

Selon le psychologue canadien Scott Bishop, Ph.D., la thérapie basée sur la pleine conscience a été « adaptée de pratiques traditionnelles de méditation de pleine conscience » d’origine bouddhiste. Elle a été conçue dans un premier temps pour réduire la détresse psychologique chez les personnes s’étant remises d’une dépression afin de prévenir les rechutes.

Lors d’une thérapie basée sur la pleine conscience, explique le Dr Bishop, le thérapeute apprend au participant à devenir plus conscient de ses « pensées et sentiments et à modifier ses rapports avec eux. La pleine conscience permet au participant de prendre du recul par rapport à ses pensées et sentiments dans les situations stressantes, au lieu de se lancer dans l’inquiétude anxieuse et d’autres schémas cognitifs négatifs qui risqueraient autrement d’intensifier un cycle de réactivité au stress et d’aggraver sa détresse émotionnelle ».

Durant une thérapie basée sur la pleine conscience, les participants apprennent une variété de pratiques de méditation, dont la méditation assise et en marchant, le balayage corporel en position allongée et le yoga. Pour de nombreuses pratiques, le participant commence par focaliser son attention sur sa respiration. Lorsque son attention commence à vagabonder, le participant est encouragé à accepter et à reconnaître ses pensées et sentiments et à rediriger son attention sur sa respiration. Au fur et à mesure que le cours progresse, le participant apprend à explorer plus directement les sensations, les sentiments et les pensées pénibles.

Typiquement, la thérapie basée sur la pleine conscience consiste en huit à 10 séances hebdomadaires durant lesquelles le participant effectue une pratique de méditation guidée. On lui explique les effets qu’exercent le stress et les émotions sur l’esprit et le corps et lui apprend à faire face aux situations stressantes en utilisant la pleine conscience. Le participant maintient aussi sa pratique de méditation à la maison en utilisant des CD comme guide; il doit s’attendre à une heure de pratique et de devoirs à domicile chaque jour.

Selon le Dr Bishop, la thérapie basée sur la pleine conscience enseigne au participant à « aborder les situations avec réflexion, acceptation, contemplation et une attitude chaleureuse; elle est caractérisée par l’ouverture d’esprit et une tendance vers l’introspection curieuse ».

Détails de l’étude

Lors de l’étude espagnole, les chercheurs ont tenu des cours de TCBPC pendant huit semaines à raison de 2,5 heures par semaine. Les CD fournis aux participants contenaient de l’information sur les exercices de pleine conscience, la méditation et le yoga.

Les chercheurs ont analysé des échantillons de sang prélevés chez les participants et utilisé des questionnaires précédemment validés pour évaluer leur santé émotionnelle et mentale.

Au total, 40 participants séropositifs ont été choisis au hasard pour faire partie des groupes suivants :

  • groupe faisant l’objet de l’intervention – 20 personnes suivant une TCBPC
  • groupe témoin – 20 personnes recevant des soins médicaux réguliers mais aucune TCBPC

Les participants ont été suivis jusqu’à 20 semaines.

Le profil moyen des participants au début de l’étude était le suivant :

  • âge – 49 ans
  • sexe – 51 % d’hommes, 49 % de femmes
  • statut par rapport à l’emploi – 21 % étaient sans emploi, 28 % avaient un emploi et 51 % étaient à la retraite
  • comportements à risque à l’égard du VIH – les participants faisaient partie de trois groupes dans des proportions plus ou moins égales : hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH), personnes qui s’injectent des drogues et hétérosexuels
  • durée de l’infection au VIH – 20 ans
  • durée de la TAR – 15 ans
  • compte de CD4+ actuel – 523 cellules/mm3
  • proportion ayant une charge virale de moins de 20 copies/ml (limite de quantification inférieure du test utilisé dans cette étude) – 97 %

Résultats — rétablissement des participants souffrant de dépression

Au début de l’étude, les chercheurs ont constaté qu’environ 80 % des participants avaient des symptômes de dépression. Au cours de l’étude, les taux de dépression ont considérablement baissé parmi les participants suivant la TCBPC; à la 20e semaine de l’étude, seulement 20 % des participants de ce groupe éprouvaient encore des symptômes de dépression. De plus, à ce stade de l’étude, l’intensité des symptômes résiduels de dépression des participants a été qualifiée de « minime » par les chercheurs.

En revanche, les taux et l’intensité de la dépression demeuraient relativement élevés chez les participants n’ayant pas suivi de TCBPC.

Résultats — rétablissement des participants souffrant d’anxiété

Les chercheurs ont constaté que les taux d’anxiété ont considérablement baissé chez les participants recevant la TCBPC mais pas chez les membres du groupe témoin. À la 20e semaine, les symptômes d’anxiété continuaient d’être faibles chez les participants du groupe recevant la TCBPC.

Résultats — stress perçu et qualité de vie

Tout comme les symptômes d’anxiété et de dépression, les chercheurs ont constaté que les taux de stress perçu étaient élevés parmi les participants au début de l’étude. Les taux de stress perçu n’ont chuté considérablement qu’à la semaine 8 et ne se maintenaient ainsi à la semaine 20 que chez les participants recevant la TCBPC.

Les évaluations de la qualité de vie liée à la santé indiquaient une amélioration importante et significative parmi les participants suivant la TCBPC mais pas chez les participants du groupe témoin.

Résultats — charge virale et compte de CD4+

On n’a constaté aucun changement significatif dans la charge virale au cours de cette étude. Toutefois, les chercheurs ont remarqué que le compte de CD4+ des participants du groupe TCBPC a augmenté, passant de 555 cellules/mm3 au début de l’étude à 614 cellules/mm3 à la semaine 8 et à 681 cellules/mm3 à la semaine 20. Bien que cette augmentation ne soit pas significative du point de vue statistique, il est important de souligner que le compte de CD4+ est resté stable dans le groupe témoin.

Les participants n’ont pas changé de TAR au cours de l’étude. De plus, aucun changement significatif ne s’est produit quant aux habitudes alimentaires et tabagiques des participants.

Vue d’ensemble

Les chercheurs espagnols ont trouvé que la TCBPC réduisait considérablement les symptômes de dépression et d’anxiété. De plus, la qualité de vie liée à la santé s’est améliorée dans ce groupe. Notons aussi que ces effets se sont maintenus après la fin des séances de TCBPC. Ces résultats sont comparables aux rapports provenant d’études sur la TCBPC menées auprès de personnes séropositives et séronégatives.

Qu’est-ce qui aurait pu causer l’augmentation des comptes de cellules CD4+?

Les changements dans le compte de CD4+ des participants sous TCBPC étaient inattendus. Aucun participant n’a changé de TAR au cours de l’étude, et la proportion ayant une charge virale inférieure à 20 copies est restée stable. Si des changements de ce genre avaient eu lieu, ils auraient pu avoir un impact sur le compte de CD4+.

En guise d’explication possible de l’augmentation des comptes de CD4+, l’équipe espagnole se réfère aux résultats d’études antérieures menées aux États-Unis. Lors de celles-ci, les exercices de pleine conscience ont été associés à une baisse des taux sanguins de protéines liées à l’inflammation. En voici des exemples :

  • interleukine-6 (IL-6)
  • D-dimère
  • protéine C-réactive de haute sensibilité (hsCRP)

Selon l’hypothèse des chercheurs espagnols, l’amélioration de la santé émotionnelle des participants sous TCBPC aurait entraîné une réduction des taux de substances inflammatoires, ce qui, à son tour, aurait contribué à l’augmentation des comptes de CD4+. Cette idée doit être prouvée par une étude conçue spécifiquement pour évaluer l’impact de la TCBPC sur les protéines inflammatoires et les comptes de CD4+.

Vers l’avenir

Les résultats de cette étude sont très intéressants et confirment que l’entraînement aux exercices de pleine conscience et leur pratique régulière sont efficaces pour atténuer la dépression et l’anxiété chez certaines personnes vivant avec le VIH. Étant donné le nombre relativement faible de participants à l’étude espagnole, on ne peut être certain que les approches fondées sur la pleine conscience seraient efficaces chez toutes les personnes séropositives souffrant de dépression ou d’anxiété. Il reste que ces approches sont extrêmement prometteuses et ont le potentiel d’améliorer la qualité de vie et de soulager la détresse émotionnelle lorsqu’elles sont pratiquées sous supervision médicale.

À propos de la pleine conscience et du VIH

Une étude de plus grande envergure et de plus longue durée est nécessaire pour explorer et renforcer les résultats intrigants de cette étude indiquant une augmentation des comptes de CD4+. Soulignons aussi qu’il vaut mieux utiliser les approches de santé fondées sur la pleine conscience en combinaison avec la TAR chez les personnes vivant avec le VIH.

Connexion entre le cerveau et le système immunitaire

Le cerveau et le système immunitaire sont directement et indirectement connectés chez l’humain. Cependant, le mécanisme précis de cette connexion et les moyens de la manipuler avec succès ne sont pas bien compris. Grâce à des projets de recherche comme cette étude espagnole, les chercheurs font des progrès dans leur apprentissage des moyens de manipuler le cerveau  pour soulager la dépression et l’anxiété. D’autres expériences seront nécessaires pour mieux comprendre et manipuler la connexion entre le système immunitaire et le cerveau des personnes vivant avec le VIH et d’autres affections chroniques.

Ressources

Le VIH et le bien-être émotionnel

Demandez aux experts : L'anxiété – Vision positive

La réduction du stress par la pleine conscience chez l’homme séropositif – résultats d’un essai clinique randomisé

Association canadienne pour la santé mentale

—Sean R. Hosein

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