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CATIE

L'infection au VIH est associée depuis toujours à des changements touchant le poids et la forme corporelle. Au début des années 1980, alors que cette infection était nouvelle et n'avait pas encore de nom officiel, on l'appelait la « maladie de la maigreur » (slim disease) dans certaines parties de l'Afrique australe à cause de son impact dévastateur sur le poids et l'apparence des personnes atteintes. Les raisons pour lesquelles l'infection au VIH peut avoir cet effet sont nombreuses et incluent les suivantes :

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  • L'infection au VIH peut endommager le revêtement du tractus intestinal et compromettre sa capacité d'absorber les nutriments de la nourriture. Au fil du temps, cette complication peut occasionner une perte de poids involontaire que l'on appelle couramment le dépérissement ou la cachexie.
  • Le VIH peut faire en sorte que l'organisme réduit sa production de l'hormone testostérone, autant chez la femme que chez l'homme. Cela peut affaiblir les muscles et causer des pertes de tissus musculaires.
  • En présence de l'infection au VIH, l'organisme risque ne pas répondre de façon appropriée aux effets d'une autre hormone, soit l'hormone de croissance. Dans certains cas, la production de l'hormone de croissance devient plus faible que la normale, ce qui peut compromettre la force musculaire et l'entretien des muscles.
  • L'organisme — et plus particulièrement les intestins — devient plus sujet aux infections, à l'inflammation et à la diarrhée, soit autant de causes de la perte de poids.

Une fois qu'un traitement anti-VIH puissant (couramment appelé multithérapie ou TAR) a commencé, on constate habituellement une prise de poids. Chez certaines personnes, du moins initialement, le poids additionnel apparaît principalement sous forme de graisse, et la multithérapie est souvent pointée du doigt comme cause potentielle de ce problème. À l'époque qui a précédé l'introduction de la multithérapie, les médecins qui étudiaient les changements de poids chez les personnes séropositives constataient qu'il était possible de favoriser une prise pondérale par une intervention nutritionnelle intensive (et en traitant les infections sous-jacentes), mais le poids accumulé semblait être principalement de la graisse. Cela était peut-être attribuable aux dysfonctions hormonales sous-jacentes causées par le VIH — déficience en testostérone et/ou en hormone de croissance — ou à l'inflammation causée par la nature chronique de l'infection au VIH.

Émergence du syndrome de lipodystrophie lié au VIH

Vers le milieu et la fin des années 1990, soit l'époque où la multithérapie a vu le jour, de nombreux patients et médecins se sont aperçus d'une collection étrange de signes et symptômes affectant la forme corporelle et l'apparence du visage. Ces changements semblaient être causés par la diminution de la couche de graisse située directement sous la peau (graisse sous-cutanée) et se produisaient particulièrement dans les régions suivantes du corps :

  • les joues et les tempes
  • les bras et les jambes
  • les fesses

On appelle cette perte de graisse la lipoatrophie.

Chez certains patients, des dépôts de graisse apparaissaient dans l'abdomen et, chez les femmes, dans les seins. On observait moins souvent une accumulation de graisse sur l'arrière des épaules et la nuque; on surnommait couramment celle-ci la « bosse de bison ». On appelle l'accumulation de graisse dans certaines régions du corps la lipohypertrophie. Les modifications de la forme corporelle, et plus particulièrement la perte de graisse, ont été liées à l'exposition aux analogues nucléosidiques suivants :

  • d4T (Zerit, stavudine)
  • AZT (zidovudine, Retrovir et dans le Combivir et le Trizivir)

À l'époque actuelle, les analogues nucléosidiques couramment utilisés pour le traitement initial du VIH sont les suivants :

  • Kivexa – formulation à dosages fixes de deux médicaments : abacavir (Ziagen) et 3TC (lamivudine)
  • Truvada – formulation à dosages fixes de deux médicaments : ténofovir (Viread) et FTC (emtricitabine)

Ces médicaments ne causent pas de perte de graisse dans le visage ou d'autres parties du corps. En fait, des études ont permis de constater une faible augmentation de la graisse sous-cutanée lorsque l'abacavir ou le ténofovir était utilisé à la place du d4T ou de l'AZT.

Changements internes

Les changements décrits ci-dessus se rapportent à la morphologie (forme du corps). Soulignons qu'il se produit aussi des changements métaboliques à l'intérieur du corps qui sont révélés dans les résultats des tests sanguins, notamment l'augmentation des taux de lipides comme le mauvais cholestérol (LDL-C) et les triglycérides, et l'augmentation du taux de sucre sanguin (glycémie) et de l'hormone insuline. Celle-ci est produite par le pancréas et aide les cellules à absorber le sucre présent dans le sang. Toutefois, les cellules risquent à la longue de devenir moins sensibles aux effets de l'insuline et de requérir des quantités de plus en plus importantes de cette hormone pour maîtriser la glycémie; lorsque cela se produit, on parle d'insulinorésistance. Faute de traitement, l'insulinorésistance peut s'aggraver et évoluer en diabète de type 2.

Rapport de San Francisco

Des médecins dans cette ville ont récemment signalé une découverte rare et étrange, soit quatre hommes séropositifs atteints de cutis verticis gyrata (CVG), une affection apparemment inoffensive mais défigurante du cuir chevelu. Dans les cas de CVG, la peau de la tête devient surélevée dans certains endroits et s'enfonce dans d'autres, créant ainsi crêtes et sillons. Ce qui semble distinguer le rapport de San Francisco est le fait que ce problème n'avait pas été observé auparavant chez des personnes séropositives. Tous les hommes vivaient avec l'infection au VIH et le syndrome de lipodystrophie lié au VIH depuis longtemps avant l'apparition de CGV. De façon générale, l'origine de CGV chez les hommes est inconnue, mais certains médecins soupçonnent des perturbations hormonales de jouer un rôle.

Détails des cas

Points clés :

  • les quatre hommes avaient entre 50 et 61 ans
  • ils vivaient avec le VIH depuis 13 à 30 ans
  • leur compte de CD4+ le plus récent allait de 400 à 560 cellules
  • leur charge virale était inférieure à 50 copies/ml
  • selon les médecins, les participants étaient en surpoids ou obèses

Ces patients avaient utilisé de nombreux médicaments anti-VIH provenant de différentes classes, ce qui est typique des personnes traitées sur une période de nombreuses années. Les médecins ont remarqué que tous les patients avaient été exposés aux analogues de la thymidine suivants (ceux-ci sont des analogues nucléosidiques associés au syndrome de lipodystrophie lié au VIH) :

  • d4T – utilisé par deux patients
  • AZT – utilisé par trois patients

Tous les patients présentaient des signes de lipoatrophie faciale et avaient le ventre gonflé. Deux patients avaient des dépôts de graisse sur les épaules et la nuque.

Après l'apparition de CVG, deux patients ont suivi une thérapie de remplacement de la testostérone pendant une période allant jusqu'à deux ans,  et un troisième a reçu l'hormone de croissance pendant moins d'un an. Les patients n'ont dévoilé aucun autre usage de stéroïdes anabolisants.

Retour dans le passé

Lorsque interrogés par les médecins, trois patients se rappelaient avoir remarqué les signes initiaux de CVG environ une décennie plus tôt, soit l'apparition de crêtes sur le cuir chevelu. Chez le quatrième patient, les crêtes sont apparues deux ans auparavant. Dans tous les cas, les patients ne se sont aperçus de la présence de crêtes sur leur cuir chevelu qu'après l'apparition du syndrome de lipodystrophie. Les massages n'ont pas réussi à faire disparaître les crêtes.

Y aurait-il un lien avec le sucre sanguin et l'insuline?

Dans la majorité des cas, les analyses de sang effectuées en laboratoire ont révélé des taux normaux de cholestérol, d'enzymes hépatiques, de protéine, de testostérone, d'estrogène et de thyréostimuline (TSH). Les médecins ont toutefois découvert que tous les patients avaient un taux de glucose (sucre) relativement élevé dans le sang; chez trois d'entre eux, la glycémie frôlait les niveaux prédiabétiques ou même plus, et celle d'un patient était comparable à la glycémie des diabétiques. Toutes les mesures de la glycémie ont été effectuées pendant que les patients étaient à jeun. De plus, les taux de l'hormone insuline dans le sang (échantillon prélevé lorsque les patients étaient à jeun) étaient plus élevés que la limite supérieure de la normale chez trois patients.

Quelles mesures ont été prises?

La chirurgie est l'approche standard pour traiter le CVG chez les personnes séronégatives. Toutefois, la chirurgie comporte des risques d'infection aux sites des incisions, surtout pour les personnes vivant avec le VIH. Le médecin d'un patient a choisi une autre option, soit l'injection d'une substance appelée acide poly-L-lactique (PLA, Sculptra, NewFill) dans le cuir chevelu. Cette technique est d'usage courant dans la chirurgie plastique car, une fois injecté dans la peau, le PLA peut déclencher la formation de collagène et aider à combler les sillons. Après plusieurs injections administrées à cinq semaines d'intervalle, les sillons du patient sont devenus moins profonds, sans complications apparentes. Le PLA a tendance à se dégrader dans les deux ans suivant l'implantation, alors il peut être nécessaire de répéter les injections.

Cause difficile à cerner

Le CVG est relativement rare chez les humains, et seulement 500 cas avaient été signalés avant l'année 2003. Les raisons des quatre cas de CVG chez ces adultes séropositifs sont inconnues, mais il est possible qu'une combinaison de facteurs — perturbations de l'insuline et d'autres hormones potentiellement attribuables au syndrome de lipodystrophie lié au VIH ou encore des facteurs génétiques inconnus — ait joué un rôle. Aucun cas antérieur de CVG ne semble avoir été documenté dans la littérature médicale de langue anglaise.

Maintenant que le rapport des médecins de San Francisco a été publié, espérons que les médecins qui suivent des personnes séropositives seront plus vigilants et resteront à l'affût de signes de CVG afin que l'on puisse mener d'autres recherches sur cette affection étrange.

Ressource :

Les variations du poids corporel et les modifications de la forme corporelle tiré du Guide pratique des effets secondaires des médicaments anti-VIH

—Sean R. Hosein

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