Souhaitez-vous recevoir nos publications directement dans votre boîte de réception?

CATIE

Les données de plusieurs études par observation portent à croire que le risque accru de crise cardiaque que courent les personnes séropositives pourrait résulter de l’usage de médicaments anti-VIH spécifiques ou encore de classes entières de médicaments anti-VIH. Il faut toutefois souligner que les études par observation, quelle qu’en soit l’envergure, ne peuvent jamais fournir de réponse définitive aux questions de la recherche. En 2006, les résultats d’un essai clinique rigoureusement conçu dénommé SMART ont révélé que l’utilisation continue d’une combinaison de médicaments anti-VIH puissants (couramment appelée thérapie antirétrovirale ou TAR) donnait lieu à une réduction du risque de mortalité et de crise cardiaque, comparativement à l’interruption de la TAR.

Recevez Nouvelles CATIE dans votre boîte de réception :

Dans ses commentaires à propos de ces études et d’autres, Line Rasmussen, M.D., Ph.D. (Hôpital universitaire Odense, Danemark),  a déclaré que « les mécanismes à l’origine de l’association entre le VIH et le risque de [crise cardiaque] semblent reposer sur une combinaison complexe de facteurs connus et inconnus ». Du moins, cela semblait être le cas jusqu’à maintenant.

Impact énorme du tabagisme

En général, le tabagisme figure parmi les plus importants facteurs de risque de maladies cardiovasculaires et de crise cardiaque au sein de la population séronégative. Comme les sondages révèlent que les personnes séropositives ont tendance à afficher un taux élevé de tabagisme (habituellement deux à trois fois plus élevé que chez les personnes séronégatives), il est très probable que la cigarette contribue de façon importante à la détérioration de la santé, y compris la crise cardiaque, et à la réduction de la qualité de vie des personnes séropositives.

En 2013, une étude danoise menée auprès de personnes séropositives a révélé que le tabagisme était lié à un risque de mortalité au moins quatre fois plus élevé, ainsi qu’à un risque plus de cinq fois plus élevé de mourir de causes non liées au VIH. La même étude a permis de constater que, parmi les utilisateurs de la TAR, le tabagisme avait un plus grand impact que le VIH quant à la réduction de l’espérance de vie.

Tabagisme et crise cardiaque

Désireux d’approfondir ces résultats, les chercheurs danois ont effectué des analyses de données additionnelles dans le but de mieux comprendre l’impact du tabagisme sur la santé cardiovasculaire des personnes séropositives.

L’équipe danoise a constaté que les personnes séropositives qui n’avaient jamais fumé ne couraient aucun risque accru de crise cardiaque comparativement aux personnes séronégatives qui n’avaient jamais fumé. En revanche, parmi les personnes séropositives qui fumaient, le risque de crise cardiaque était environ trois fois plus élevé que chez les fumeurs séronégatifs. Selon les estimations des chercheurs danois, si les personnes séropositives inscrites à leur étude arrêtaient de fumer, il serait possible de prévenir au moins 40 % des crises cardiaques. Nous dressons une liste de ressources sur la cessation du tabagisme à la fin de ce bulletin de Nouvelles CATIE.

Détails de l’étude

Les chercheurs danois ont créé une étude sous le nom de Danish HIV Cohort pour laquelle ils ont recruté plusieurs milliers de personnes séropositives dont ils suivent la santé depuis de nombreuses années. L’équipe a comparé des données recueillies auprès de 3 251 personnes séropositives et 13 004 personnes séronégatives. Les données se rapportant à chaque personne séropositive ont été comparées à celles obtenues auprès de quatre personnes séronégatives d’âge semblable et du même sexe.

Il est important de souligner qu’aucun des participants ne s’injectait de drogues (nous reviendrons plus loin sur ce point).

Le Danemark possède de nombreuses bases de données de grande qualité que l’équipe de recherche a consultées pour confirmer les cas déclarés de crise cardiaque, d’hospitalisation et de décès. Les chercheurs se sont concentrés sur la période entre le 1er janvier 1999 et le 1er avril 2013.

Tabagisme

Les chercheurs ont classé les participants comme fumeurs s’ils révélaient fumer du tabac au moins une fois par semaine. Ils ont ensuite réparti les participants en différentes catégories de tabagisme, comme suit :

Séropositifs

  • n’ayant jamais fumé : 34 %
  • anciens fumeurs : 19 %
  • fumeurs actuels : 47 %

Séronégatifs

  • n’ayant jamais fumé : 46 %
  • anciens fumeurs : 34 %
  • fumeurs actuels : 20 %

Les participants séropositifs avaient le profil moyen suivant au moment de leur admission à l’étude :

  • âge : 45 ans
  • 79 % d’hommes, 21 % de femmes

Résultats

Au cours de l’étude, des crises cardiaques sont survenues comme suit selon le statut VIH des participants :

  • personnes séropositives : 3 % ont eu une crise cardiaque
  • personnes séronégatives : 1 % a eu une crise cardiaque

À en juger par les seuls résultats mentionnés ci-dessus, il semblerait que l’infection au VIH augmente considérablement le risque de crise cardiaque. Or les chercheurs ont ensuite tenu compte du tabagisme, une approche que les autres bases de données et études par observation n’ont pas toujours adoptée.

La répartition des crises cardiaques parmi les personnes séropositives (comparativement aux personnes séronégatives) était la suivante :

  • n'ayant jamais fumé : aucun risque accru
  • anciens fumeurs : risque de crise cardiaque environ deux fois plus élevé
  • fumeurs actuels : risque de crise cardiaque environ trois fois plus élevé

Rôle du tabagisme et de la cessation

Dans l’ensemble, l’équipe danoise a constaté que parmi les personnes séropositives qu'elle classait comme « ayant déjà fumé » (cette catégorie inclut à la fois les fumeurs anciens ou actuels), le tabagisme a joué un rôle dans 72 % des crises cardiaques.

Par contraste, notons que le tabagisme a joué un rôle dans 24 % des crises cardiaques subies par des personnes séronégatives.

Selon les estimations des chercheurs, si les fumeurs actuels séropositifs parvenaient à arrêter de fumer, alors plus de 40 % des crises cardiaques chez cette population « pourraient potentiellement être évitées ».

Personnes qui utilisent des drogues

Les chercheurs danois ont affirmé ceci : « Comme presque toutes les personnes séropositives ayant des antécédents [d’injection de drogues] étaient des fumeurs et différaient considérablement en ce qui a trait aux comportements à risque et à la prévalence de comorbidités, nous avons exclu ces personnes [de la présente analyse] pour éviter la confusion ».

Cette déclaration met en évidence les mauvaises perspectives de santé des personnes qui s’injectent des drogues. De plus, elle souligne la nécessité pour les organismes de santé et de services sociaux de prendre contact avec les personnes qui s’injectent des drogues (que celles-ci soient injectées ou prises d’autres façons) afin que leurs besoins en matière de traitement de la dépendance et des problèmes de santé mentale et émotionnelle puissent être évalués et comblés. De cette manière, les personnes qui s’injectent des drogues pourront recevoir de l’aide pour stabiliser leur santé, surmonter graduellement la dépendance (y compris celle à la nicotine) et profiter finalement de tous les bienfaits de la TAR pour la survie.

Reconnaissance méritée

Cette équipe de chercheurs danoise mérite des félicitations pour avoir découvert un lien clair entre le tabagisme et la crise cardiaque chez les personnes séropositives. Ses résultats pourront être utilisés pour renforcer les programmes de cessation du tabagisme et la recherche connexe.

Points clés

  • Les personnes séropositives étaient deux fois plus susceptibles de fumer que les personnes séronégatives. Ce résultat est intéressant, et la recherche à ce sujet doit être approfondie afin que les chercheurs et les médecins comprennent mieux les raisons de cette prévalence plus élevée de tabagisme. Espérons que leurs idées faciliteront les programmes de prévention et de cessation du tabagisme destinés aux personnes séropositives.
  • Les personnes séropositives qui ne fumaient pas ne couraient aucun risque accru de crise cardiaque comparativement aux non-fumeurs séronégatifs.
  • Les fumeurs séropositifs couraient un risque de crise cardiaque trois fois plus élevé que celui des fumeurs séronégatifs.
  • L’équipe de recherche a estimé que le tabagisme avait joué un rôle dans près de 75 % des crises cardiaques subies par les personnes séropositives.
  • Les chercheurs ont également estimé que si tous les fumeurs séropositifs inscrits à l’étude parvenaient à arrêter de fumer, alors au moins 40 % des crises cardiaques pourraient être évitées.
  • Les études doivent tenir compte du tabagisme lorsqu’elles analysent les risques cardiovasculaires chez les personnes vivant avec le VIH.

Ressources

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Gill MJ, Costagliola D. Myocardial infarction in HIV-infected persons: Time to focus on the silent elephant in the room? Clinical Infectious Diseases. 2015; in press.
  2. Rasmussen LD, Helleberg M, May M, et al. Myocardial infarction among Danish HIV-infected individuals: Population attributable fractions associated with smoking. Clinical Infectious Diseases. 2015; in press.
  3. Lohse N, Hansen AB, Pedersen G, et al. Survival of persons with and without HIV infection in Denmark, 1995-2005. Annals of Internal Medicine. 2007 Jan 16;146(2):87-95.
  4. Samji H, Cescon A, Hogg RS, et al. Closing the gap: increases in life expectancy among treated HIV-positive individuals in the United States and Canada. PLoS One. 2013 Dec 18;8(12):e81355.
  5. May MT, Gompels M, Delpech V, et al. Impact on life expectancy of HIV-1 positive individuals of CD4+ cell count and viral load response to antiretroviral therapy. AIDS. 2014 May 15;28(8):1193-202.
  6. Lohse N, Gerstoft J, Kronborg G, et al. Comorbidity acquired before HIV diagnosis and mortality in persons infected and uninfected with HIV: a Danish population-based cohort study. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2011 Aug 1;57(4):334-9.