Ottawa, Canada
2022
Le programme d’approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes (APSO) et de prophylaxie pré-exposition dirigé par des infirmières et infirmiers autorisés (APSO-PrEP-IA) permet aux personnes qui utilisent des drogues d’accéder à des services de prophylaxie pré-exposition offerts par du personnel infirmier dans le cadre d’un partenariat avec un programme d’APSO à Ottawa. Le programme d’APSO est mis en œuvre dans un site de consommation supervisée et un refuge pour personnes sans domicile fixe. Dans l’ensemble, 55 % des personnes à qui on a proposé la PrEP dans le cadre du programme l’ont acceptée, et 65 % de celles qui l’ont entamée ont continué de la suivre pendant au moins six mois. Le programme a montré que la prestation de la PrEP dans le cadre d’un programme d’APSO peut être un moyen efficace de rendre la PrEP plus accessible aux personnes qui utilisent des drogues.
Description du programme
Le programme APSO-PrEP-IA a consisté à intégrer un programme de PrEP dirigé par du personnel infirmier au sein d’un programme d’APSO afin de fournir un accès à la PrEP aux personnes qui font usage de drogues. Le programme APSO-PrEP-IA était le prolongement d’un programme de PrEP-IA existant, conçu en vue de faciliter l’instauration rapide de la PrEP chez toutes les personnes exposées à un risque élevé d’infection par le VIH à Ottawa. Jusqu’à présent, presque toutes les personnes qui ont bénéficié de ce programme étaient des hommes gais, bisexuels ou autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Le programme de PrEP-IA s’est associé à un programme d’APSO afin de faciliter et d’accroître l’accès à la PrEP pour les personnes qui utilisent des drogues.
Dans le cadre du programme APSO-PrEP-IA, un·e infirmier·ère de première ligne travaillant pour le programme d’APSO a contacté les personnes qui en étaient les bénéficiaires pour leur expliquer ce qu’était la PrEP et leur demander si elles étaient prêtes à la commencer. Dans l’affirmative, l’infirmier·ère du programme d’APSO entamait immédiatement les démarches d’inscription (évaluations, analyses de sang, counseling concernant la PrEP, etc.). Le formulaire d’inscription et tous les résultats des épreuves de laboratoire étaient passés en revue par l’équipe de la PrEP-IA. Si la personne était admissible à la PrEP, les ordonnances étaient envoyées aux pharmacies où les médicaments liés à l’APSO étaient délivrés. Les personnes recevaient les médicaments pour la PrEP chaque jour en même temps que leurs médicaments liés à l’APSO. Les pharmacies ont été choisies en fonction de leur facilité d’accès pour les participant·e·s au programme (c.-à-d., à proximité de leur lieu de résidence et ouvertes 16 heures par jour, 7 jours sur 7).
Résultats
Entre décembre 2020 et juin 2021, 42 personnes se sont vu proposer la PrEP dans le cadre du programme APSO-PrEP-IA et 55 % (23 personnes) l’ont acceptée et ont rempli les formalités d’inscription. Dix personnes ont refusé la PrEP (elles ne se sentaient pas concernées par le risque d’infection par le VIH ou voulaient consulter leur médecin) et neuf n’étaient pas admissibles (elles étaient déjà porteuses du VIH ou ne pouvaient pas accepter la PrEP en raison de problèmes de santé mentale).
L’âge moyen des personnes qui ont accepté la PrEP était de 36 ans, 43 % étaient des femmes (57 % des hommes), 70 % se sont déclarées comme étant blanches, 22 %, autochtones, 96 %, itinérantes, et 78 % n’avaient pas de prestataire de soins primaires.
Sur les 23 personnes qui ont accepté la PrEP, quatre (17 %) n’ont pas entamé de PrEP, quatre (17 %) l’ont interrompue et 15 (65 %) ont continué de la suivre. Parmi les 15 participant·e·s qui ont continué de suivre la PrEP, 14 ont obtenu un résultat positif au dépistage d’une infection antérieure par l’hépatite C. Dix de ces personnes ont obtenu un résultat positif au dépistage d’une infection active et huit d’entre elles ont entamé un traitement contre l’hépatite C.
Les suivis ont été effectués à un, trois et six mois, conformément aux lignes directrices canadiennes en matière de déroulement de la PrEP. Onze participant·e·s se sont présenté·e·s à tous les rendez-vous de suivi de la PrEP; pour six d’entre eux, des rendez-vous ont été repoussés et les ordonnances ont dû être prolongées. Les reports des rendez-vous de suivi étaient généralement dus à des difficultés concernant l’obtention des résultats sérologiques, par exemple lorsque les laboratoires n’étaient pas ouverts aux heures où les participant·e·s se présentaient, ou que l’accès veineux était problématique. Par conséquent, les personnes concernées ont souvent dû revenir pour obtenir leurs résultats sérologiques.
Aucun·e participant·e n’a interrompu la PrEP en raison d’une insuffisance rénale. Cinquante-cinq pour cent des patient·e·s ont rempli les conditions d’observance de la PrEP (c.-à-d. qu’ils ou elles n’ont jamais manqué trois doses consécutives ou plus de PrEP). Personne n’a obtenu de résultat positif au test de dépistage du VIH pendant sa participation au programme.
Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?
Les personnes qui utilisent des drogues sont une population ayant un accès insuffisant à la PrEP. L’approche proposée est un moyen de rendre la PrEP plus accessible à ces personnes. Bien que l’effectif de l’étude ait été de faible envergure, le programme a permis d’établir qu’en proposant la PrEP dans un centre où des services sont déjà accessibles (p. ex., un programme d’approvisionnement plus sécuritaire), on faisait en sorte que les personnes qui utilisent des drogues puissent entamer et suivre ce traitement.
L’intégration de la PrEP à un programme déjà existant de réduction des méfaits permet d’accueillir les participant·e·s dans un environnement familier où les relations entre client·e·s et prestataires sont déjà établies.
Une certaine souplesse en ce qui concerne les rendez-vous de suivi de la PrEP peut être nécessaire pour répondre aux besoins des personnes qui utilisent des drogues. Cela ne veut pas dire qu’il faut ignorer les directives concernant le suivi de la PrEP, mais plutôt qu’il faut prendre en compte et tâcher de résoudre les difficultés que peut poser la nécessité de quatre suivis par an, afin d’assurer la participation continue de cette population.
Enfin, cette approche met en évidence l’importance du dépistage de l’hépatite C et de l’orientation vers les soins puisque la majorité des personnes qui ont eu recours à la PrEP dans le cadre du programme s’avéraient porteuses du virus de l’hépatite C.
Ressources connexes
La prophylaxie pré-exposition (PrEP) – Feuillet d’information
Surmonter les obstacles à la PrEP : Modèles de programmes utilisant des contextes et fournisseurs variés.
La Clinique de PrEP Maple Leaf
Référence
Haines M, O’Byrne P. Nurse-led safer opioid supply and HIV pre-exposure prophylaxis: a novel pilot project. Therapeutic Advances in Infectious Disease. 2022;9:1-6.