Un programme pilote a fait appel à des pharmacien·ne·s pour offrir le dépistage rapide du VIH aux points de service (DPS) dans des pharmacies communautaires de Toronto et d’Ottawa. Les pharmacien·ne·s ont fourni le counseling pré-test et post-test aux personnes, puis ont orienté celles dont le DPS a donné un résultat réactif (positif) vers un test de confirmation. La majorité des participant·e·s au programme pilote étaient des hommes (81,3 %) et, de ceux-ci, 69,8 % s’identifiaient comme gais, bisexuels ou ayant des relations sexuelles avec des hommes (gbHARSAH). Le programme a permis de joindre des personnes qui se faisaient dépister pour la première fois : 18,7 % des participant·e·s de Toronto ont déclaré qu’ils/elles n’avaient jamais été dépisté·e·s pour le VIH auparavant (cette information n’est pas disponible pour le site d’Ottawa). Six résultats réactifs ont été relevés au cours de l’étude de 12 mois : cinq étaient de nouveaux diagnostics de VIH alors que l’autre correspondait à un diagnostic déjà connu.
Description du programme
Ce programme pilote a fait appel à des pharmacien·ne·s afin d’offrir le DPS pour le VIH à Toronto et à Ottawa. Les pharmacies qui ont participé au programme (une dans chaque ville) avaient une expérience du service aux communautés LGBTQ+ et de la discussion du traitement du VIH avec les gens.
C’est en vertu d’une directive médicale fournie par un·e médecin local·e que les pharmacien·ne·s ont pu offrir le dépistage du VIH, puisqu’en Ontario ce service ne fait pas partie de leur champ d’activité. Des médecins locaux·les ont également signé des protocoles d’entente afin de fournir, dans le cas des personnes dont le DPS serait réactif, un arrimage rapide à un test de confirmation et à des soins. Les pharmacien·ne·s ont reçu une formation pour effectuer le DPS pour le VIH et pour en annoncer le résultat à la personne dépistée (c.-à-d. la prestation de counseling avant et après le test et la discussion du résultat avec chaque participant·e).
Les pharmacies offraient le DPS pour le VIH à des heures programmées, soit sur rendez-vous, soit pendant les heures de consultation. Lors de son lancement, le programme a bénéficié d’une importante couverture médiatique qui incluait une démonstration de l’utilisation du DPS pour le VIH, ce qui a pu contribuer à faire connaître le programme et inciter des personnes à y participer. Les personnes souhaitant se faire dépister pouvaient le demander verbalement à un·e pharmacien·ne ou lui remettre une demande écrite. Le/la pharmacien·ne demandait à chaque personne de remplir un formulaire d’admissibilité. Les critères d’admissibilité étaient les suivants :
- avoir 18 ans ou plus
- ne pas avoir reçu auparavant un résultat positif à un dépistage du VIH, ne pas avoir été informé·e qu’on était séropositif·ve, ni prendre de médicaments anti-VIH
- ne pas prendre la prophylaxie pré-exposition (PrEP)
- accepter un bref counseling pré-test, en français ou en anglais
Si la personne était admissible, on l’invitait dans une salle privée pour le dépistage, où le/la pharmacien·ne remplissait un formulaire de commande et effectuait le counseling préalable au test. Le programme a utilisé le test INSTI de DPS des anticorps anti-VIH-1/VIH-2, qui nécessite une goutte de sang prélevée par piqûre au doigt. Le résultat était connu en quelques minutes; la durée moyenne d’un rendez-vous était de 15 à 20 minutes. Un résultat réactif (positif) au DPS du VIH n’est pas considéré comme un diagnostic définitif : tout résultat réactif devait être suivi d’un test de confirmation effectué par un laboratoire avec une prise de sang.
Aux personnes dont le DPS du VIH livrait un résultat non réactif (négatif), le/la pharmacien·ne annonçait le résultat et fournissait le counseling post-test, des ressources en matière de santé sexuelle et, au besoin ou sur demande, une orientation vers la PrEP ou d’autres services. Les personnes qui étaient dans la période fenêtre (ou fenêtre sérologique, soit les trois mois suivant une exposition possible) au moment de ce DPS étaient invitées à se présenter de nouveau après trois semaines, six semaines et trois mois pour répéter le test.
Dans le cas d’un résultat réactif au DPS, le/la pharmacien·ne mettait la personne en relation avec un·e médecin spécialiste du VIH pour un test de confirmation. Le personnel de la clinique de ce·tte médecin contactait ensuite la personne pour un rendez-vous si le résultat de son test de confirmation s’avérait positif.
Résultats
Entre le 29 novembre 2019 et le 30 novembre 2020, on a effectué 835 tests à Toronto, et entre le 6 janvier 2020 et le 25 septembre 2020, on en a effectué 141 à Ottawa, pour un total de 976 DPS du VIH. Des participant·e·s pourraient avoir reçu plus d’un test au cours de la période d’étude; chaque test est comptabilisé dans les résultats comme un test unique ou une personne distincte. Selon les formulaires de commande remplis avant le test, 908 participant·e·s (93,0 %) ont indiqué que la raison de leur test était « de routine ».
Caractéristiques démographiques
Le formulaire de commande a permis de recueillir des informations sur la race au sujet de 971 participant·e·s :
- 352 personnes (36,3 %) ont déclaré être blanches
- 205 personnes (21,1 %) ont déclaré être sud-asiatiques
- 122 personnes (12,6 %) ont déclaré être noires
- 8 personnes (0,8 %) se sont identifiées à la catégorie « autres », qui incluait l’ethnicité mixte
Par ailleurs, 794 personnes (81,3 %) se sont identifiées comme des hommes et 173 (17,7 %) comme des femmes (trans et cisgenres). Des individus qui se sont identifiés comme des hommes, 554 (69,8 %) ont déclaré être des gbHARSAH.
Résultats des dépistages
Sur les 976 tests effectués, 895 (91,7 %) étaient non réactifs et en dehors de la période fenêtre; 75 (7,7 %) étaient non réactifs et dans la période fenêtre; et 6 (0,6 %) étaient réactifs. Bien que les résultats de l’arrimage à des soins n’aient pas été pris en compte dans le cadre de cette étude, on sait que les six personnes qui ont obtenu un résultat réactif ont été orientées avec succès vers un test de confirmation quelques jours après avoir reçu leur résultat. Cinq des six personnes ayant obtenu un résultat réactif au DPS ont ensuite reçu une confirmation de nouveau diagnostic, et étaient des gbHARSAH; l’autre personne avait un diagnostic connu.
Au site de Toronto, 156 participant·e·s (18,7 %) ont déclaré qu’il s’agissait de leur premier dépistage du VIH. De ces personnes, 33 étaient des femmes (19,0 % des femmes), 39 étaient des hommes hétérosexuels (16,7 % des hommes hétérosexuels), 32 étaient des gbHARSAH (5,8 % des gbHARSAH) et neuf étaient des personnes d’origine africaine, caraïbéenne et noire (ACN) (6,7 % des personnes ACN). Trente-six personnes (4,3 %) n’avaient pas d’antécédents connus de dépistage (le nombre de personnes n’ayant pas d’antécédents connus de dépistage parmi les personnes ACN et les personnes nées dans un pays où le VIH est endémique était trop faible pour être déclaré).
Raisons du dépistage, satisfaction et coûts
Au total, 265 réponses au sondage post-test étaient disponibles. Ces résultats ont montré que 96,3 % des personnes interrogées étaient satisfaites de leur expérience du DPS du VIH en pharmacie. Les raisons pour lesquelles ces personnes ont choisi le DPS du VIH en pharmacie sont les suivantes :
- désir de connaître immédiatement le résultat (71,0 %)
- confiance à l’égard des pharmacien·ne·s (52,8 %)
- emplacement pratique de la pharmacie par rapport au domicile ou au lieu de travail de la personne (41,9 %)
- horaire pratique pour la personne (40,7 %)
- discrétion/confidentialité du dépistage en pharmacie (32,2 %)
La plupart des participant·e·s ont déclaré qu’ils/elles seraient prêt·e·s à payer entre 10 et 25 dollars pour un DPS du VIH en pharmacie. Les pharmacies participantes ont pour leur part estimé que les frais de service pourraient se situer entre 25 et 30 dollars par test, couvrant le temps du pharmacien ou de la pharmacienne (environ 15 minutes par test), les fournitures et les produits de nettoyage, l’équipement de protection individuelle (EPI) et le matériel promotionnel.
Quelles sont les implications pour les prestataires de services?
Cette étude montre que la prestation du dépistage du VIH aux points de service en pharmacie est une approche faisable et acceptable en matière de dépistage du VIH. Elle montre également que les pharmacien·ne·s peuvent jouer un rôle important dans la prestation de services de dépistage du VIH, ce qui fait écho à d’autres études qui ont examiné la prestation de services de DPS du VIH dans d’autres régions du Canada (p. ex. l’étude APPROACH).
La prestation du dépistage aux points de service en pharmacie est plus pratique et plus accessible pour les client·e·s, comme l’indique l’étude. Elle élargit l’éventail des lieux de dépistage et peut permettre aux prestataires de services de joindre un plus grand nombre de personnes. Le programme a réussi à joindre des personnes qui se faisaient dépister pour la première fois, des femmes pour la plupart, ce qui indique que cette approche peut être efficace pour engager cette population dans la cascade des soins liés au VIH. Le programme a également permis de joindre les populations les plus touchées par le VIH (p. ex. les gbHARSAH et les personnes ACN) et d’offrir une méthode de dépistage de routine du VIH dans la communauté, ce qui a été associé à des niveaux élevés de satisfaction des participant·e·s.
Ressources connexes
Le dépistage du VIH aux points de service par des pharmaciens – sommaire de données
Le processus de dépistage du VIH – feuillet d’information
Les technologies de dépistage du VIH – feuillet d’information
Référence
Winkelman S, Inamdar G, Kesler M et al. Pharmacist-delivered HIV point-of-care testing in Ontario: Lessons learned from the GetaTest pilot. Revue des Pharmaciens du Canada. 2022;155(6):309-14.