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Colombie-Britannique
Atira Women’s Resource Society (AWRS)
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En quoi consiste le programme?

SisterSpace est un site de prévention des surdoses (SPS) réservé aux femmes dans le Downtown Eastside (DTES) de Vancouver. Il a ouvert ses portes en mai 2017 et permet aux femmes de consommer des drogues en présence de travailleuses formées à l’intervention en cas de surdose. Les femmes transgenres, les femmes genderqueer et les personnes non binaires s’identifiant en bonne partie comme féminines peuvent utiliser ses services.

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SisterSpace est géré par l’Atira Women’s Resource Society (AWRS), avec le soutien financier ou en personnel de la Vancouver Coastal Health, de la ville de Vancouver, de B.C. Housing, du B.C. Women’s Hospital et de l’Autorité provinciale des Services de santé. L’AWRS est un organisme sans but lucratif qui se consacre à la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Elle offre un logement sûr et supervisé aux femmes et enfants affectés par la violence, de même que des services de soutien communautaire et des initiatives d’éducation et d’emploi.

Raison d'être du programme

Le SPS SisterSpace a été créé en réponse à la crise des surdoses qui sévit en Colombie-Britannique. Les sites de prévention des surdoses constituent l’une des principales stratégies utilisées pour faire face à cette crise et prévenir les décès par surdose.

De nombreuses femmes du DTES ont de multiples identités stigmatisées et marginalisées (p. ex., travail du sexe, sans-abrisme). La nécessité d’un SPS réservé aux femmes s’est révélée dans des conversations avec des clientes de l’AWRS et dans des récits d’autres organismes communautaires œuvrant pour des femmes du DTES. Des femmes ont signalé qu’en raison d’obstacles à l’accès aux services de réduction des méfaits (p. ex., harcèlement et violence fondés sur le genre, stigmatisation), certaines décidaient de ne pas utiliser du tout les services.

C’est devant ce besoin que SisterSpace a été développé, comme un espace sûr où les femmes peuvent accéder à des services de prévention des surdoses. Le fait de savoir que les femmes ont tendance à être plus relationnelles a influencé la conception du local, notamment sa disposition initiale et son ambiance. L’AWRS a également cherché des exemples d’autres modèles de SPS pour femmes afin d’éclairer le développement du service, mais les informations étaient limitées.

Le site a été ouvert rapidement, en pleine crise des surdoses. Une évaluation de développement a eu lieu au cours des trois premiers mois du programme afin d’informer le fonctionnement du site et ses politiques. À partir de cette évaluation, des changements ont été apportés (par exemple, on a prolongé et ajusté les heures d’ouverture pour mieux répondre aux besoins des clientes).

L’élaboration et la mise en œuvre du programme sont guidées par un cadre sensible au genre, qui reconnaît l’influence de ce facteur dans le développement de programme, et par des principes sensibles aux traumatismes, tenant compte du fait que l’accessibilité d’un programme est influencée par les expériences de traumatisme chez l’utilisatrice.

Mise en œuvre du programme

SisterSpace est rattaché à une résidence réservée aux femmes, gérée par l’AWRS, mais les services du site de prévention des surdoses sont accessibles à l’ensemble des femmes de la communauté. Le site peut accueillir jusqu’à 15 utilisatrices en même temps et est ouvert 18 heures par jour (de 18 h à midi le lendemain), sept jours sur sept. Le site comprend une pièce principale où les femmes peuvent consommer des substances, une cuisine, un bureau d’infirmière et une salle de bain.

SisterSpace offre un milieu sûr et aidant où les femmes peuvent consommer des drogues (par injection, inhalation ou voie orale – mais fumer n’est permis qu’à l’extérieur) en présence de paires aidantes qui ont reçu une formation pour répondre aux surdoses. Le programme est promu par le bouche-à-oreille. De plus, des dépliants et des affiches ont été distribués aux autres SPS et aux programmes réservés aux femmes du DTES (p. ex., organismes fournissant des services aux femmes qui exercent le travail du sexe dans la rue). Peu après l’inauguration des lieux, une journée portes ouvertes y a réuni des membres de la communauté, les paires aidantes de SisterSpace et des utilisatrices potentielles des services.

En plus d’offrir aux femmes un espace pour la consommation de drogues en présence d’intervenantes formées à la réponse aux surdoses, SisterSpace propose une variété d’autres services :

  • Il est possible d’être orientée vers d’autres programmes et services, y compris les refuges d’urgence et le logement. Les paires aidantes peuvent également orienter les clientes vers d’autres soutiens et services communautaires connexes (p. ex., aide juridique, programmes de naloxone à emporter, services de counseling).
  • Les clientes peuvent être orientées vers des services médicaux tels que les soins dentaires et les programmes de traitement de la toxicomanie et de désintoxication; cela inclut la prise de rendez-vous médicaux personnels.
  • On fournit du matériel d’injection plus sécuritaire (seringues, eau stérile, réchauds, garrots, tampons alcoolisés, sachets de vitamine C, etc.), du matériel d’inhalation plus sécuritaire (pipes, embouts buccaux, grilles et bâtons poussoirs) ainsi que des condoms et des lubrifiants.
  • Une infirmière praticienne offre des services de soins de santé trois matins par semaine (p. ex., accès à un approvisionnement sûr, y compris la rédaction d’ordonnances; soins des plaies et des abcès; tests Pap annuels).
  • On offre des collations (p. ex., fruits et biscuits), du thé, du café et de l’eau (plusieurs femmes, à leur arrivée, sont déshydratées).
  • Les clientes peuvent utiliser un téléphone pour des appels locaux.
  • On tente d’assurer un suivi auprès des femmes qui cessent d’utiliser le programme; un rapport de personne disparue est déposé si nécessaire.
  • Les rapports sur les mauvais clients (c’est-à-dire les expériences de violence vécues par des femmes lors du travail du sexe) sont partagés. SisterSpace affiche sur un babillard les rapports sur les mauvais clients; et, grâce à une collaboration avec d’autres organismes pour les femmes du DTES, un soutien est fourni afin d’aider les femmes à remplir un formulaire de signalement de mauvais client.
  • Du soutien social est fourni en offrant un environnement qui permet à la fois une interaction sociale légère et des discussions sur des sujets délicats. Les femmes ont également la possibilité de recevoir le soutien d’autres clientes ainsi que de paires aidantes.
  • Un appareil de détection du fentanyl est accessible occasionnellement.

On a meublé et décoré la salle principale du SPS de manière à créer l’ambiance d’un salon (avec des plantes et des peintures aux murs) où les femmes peuvent se sentir accueillies et à l’aise. L’une des principales différences entre SisterSpace et les autres SPS réside dans la possibilité de déplacer le mobilier, pour permettre aux femmes de l’utiliser en groupe si elles le souhaitent. Des fauteuils individuels, séparés par des paravents, sont également offerts pour celles qui préfèrent consommer seules.

Au départ, le programme n’était pas doté de directives spécifiques sur le comportement des femmes, car on souhaitait que le site soit aussi accessible que possible pour toutes. Par la suite, les paires aidantes ont établi des lignes de conduite, en raison de comportements perturbateurs qu’on observait parfois. Ces consignes sont affichées au mur et les femmes qui utilisent le SPS sont désormais invitées à :

  • s’enregistrer à leur arrivée
  • limiter le temps qu’elles passent au SPS (30 minutes, si possible)
  • fumer dehors
  • nettoyer l’espace après usage et mettre leur matériel aux rebuts
  • capuchonner leur aiguille si elles se déplacent dans le local
  • ne pas déballer leurs sacs lors de leur visite au site et ne pas laisser d’objets lorsqu’elles quittent les lieux, car SisterSpace ne dispose pas d’espace d’entreposage.

Ces directives ne sont toutefois pas appliquées de façon stricte : leur non-respect n’entraîne aucune conséquence. Elles visent à encourager les clientes à faire preuve de considération envers les autres et envers l’espace (par exemple, à limiter le temps qu’elles passent sur le site, surtout s’il est très fréquenté).

Des paires aidantes assurent le fonctionnement de SisterSpace 18 heures par jour (à l’heure actuelle, en raison d’adaptations liées à la pandémie de COVID-19, on n’y trouve qu’une travailleuse à la fois). Par ailleurs, une gestionnaire de programme est employée à plein temps et une infirmière praticienne est présente trois matins par semaine.

Paires aidantes

Les paires aidantes sont des employées rémunérées. Il s’agit de femmes qui ont un vécu actuel ou passé de consommation de substances. Plusieurs ont des expériences en commun avec les clientes de SisterSpace, notamment des difficultés d’accès au système de santé, le sans-abrisme et le traitement de la toxicomanie. Ces expériences partagées permettent aux paires aidantes de développer avec les clientes des relations de confiance et exemptes de jugements.

Les paires aidantes suivent une formation rémunérée avant de travailler chez SisterSpace. La formation traite de sujets tels que la réponse à une surdose (p. ex., administrer de la naloxone, ou de l’oxygène), l’intervention non violente en cas de crise et la certification en premiers soins. De plus, une formation continue aborde des thèmes tels que l’approche anti-oppression et la décolonisation, selon les ressources disponibles et les besoins.

Les paires aidantes se relaient à intervalle de deux à six heures et participent à des réunions d’équipe hebdomadaires avec la gestionnaire du programme. Ces réunions servent à discuter des défis, à répondre aux questions et à l’échange d’information entre les paires aidantes et la gestionnaire du programme. Des réunions semestrielles sont organisées par des intervenantes externes; et un soutien individuel est accessible au besoin auprès de ressources comme le programme de counseling « Stopping the Violence » de l’AWRS. Les membres du personnel ont régulièrement l’occasion de débreffer entre elles; un espace est prévu à cette fin, en particulier à la suite d’un incident critique.

Ressources requises

  • Un espace sûr et muni d’un éclairage approprié et de fauteuils
  • Des fournitures de réduction des méfaits, y compris du matériel d’injection (p. ex., seringues, eau stérile, réchauds, garrots, tampons alcoolisés et sachets de vitamine C), des condoms, du lubrifiant et des trousses d’inhalation plus sécuritaire (p. ex., pipes, embouts buccaux, filtres et bâtons poussoirs)
  • De l’oxygène pour répondre aux surdoses
  • De la naloxone pour répondre aux surdoses
  • Des paires aidantes
  • Une gestionnaire de programme
  • Une infirmière praticienne
  • Des liens avec des organismes communautaires de santé et de services sociaux pour les aiguillages vers des services spécialisés.

Défis

  • La tâche des paires aidantes est exigeante; il est arrivé que des femmes embauchées à ce poste démissionnent ou s’absentent de leur quart de travail. La ponctualité était également un défi.
  • Il est difficile de joindre des femmes socialement isolées et qui ont un risque accru de décès par surdose. Des efforts pour joindre les femmes dans des chambres d’hôtel à occupation simple pourraient aider à surmonter ce problème.

Évaluation du programme

Une évaluation de développement du SPS SisterSpace a été réalisée pendant ses trois premiers mois de fonctionnement afin de guider la mise en œuvre du programme. On a collecté des données quantitatives et qualitatives, notamment par des enquêtes auprès des utilisatrices du programme, un groupe de discussion avec les paires aidantes, l’observation d’activités (p. ex., réunions et formations du personnel) et l’examen des carnets de bord des paires aidantes.

Au cours des trois premiers mois, 115 femmes ont eu recours à SisterSpace, pour un total de 1 073 visites. Parmi celles qui ont déclaré leur âge (89 %), 69 % avaient entre 30 et 49 ans. Lors de ces visites, les femmes se sont procuré des fournitures de réduction des méfaits environ 250 fois.

L’évaluation a révélé que :

  • SisterSpace est un programme sûr et accessible pour les femmes très marginalisées et mal desservies.
  • Le modèle des paires aidantes est essentiel à la capacité de SisterSpace de fournir un espace sûr.
  • Les services intégrés permettent d’accroître l’impact du programme.

Les femmes ont affirmé qu’elles se sentaient en sécurité au SisterSpace. Les paires aidantes considèrent que leur travail au SisterSpace est important et elles sont fières des contributions qu’elles y apportent.

Une étude (en anglais) distincte sur SisterSpace, basée sur un travail ethnographique de terrain et des interviews approfondies auprès de 45 clientes, de mai 2017 à juin 2018, a montré que :

  • SisterSpace offre un espace exempt de certaines formes de stigmatisation et de discrimination, de violence genrée et sociale ainsi que de méfaits liés à la drogue, y compris la surdose. 
  • SisterSpace permet aux personnes de se sentir en sécurité.

Leçons tirées

  • Les heures d’ouverture initiales du programme étaient de 6 h à midi et de 18 h à minuit. Toutefois, en raison de la demande et des besoins exprimés par les clientes, on a prolongé les heures d’ouverture à 18 heures par jour, sept jours par semaine, pour que les services soient toujours disponibles.
  • Il importe d’investir dans les compétences et le bien-être des paires aidantes, car le succès du programme dépend d’elles. Il est essentiel de répondre aux enjeux qui les touchent, notamment l’épuisement professionnel et le stress.

Matériel du programme

Coordonnées

Janice Abbott, P.-D.G.
Atira Women’s Resource Society
101 E Cordova St
Vancouver, C.-B.  V6A 1K7
janice_abbott@atira.bc.ca