- Des chercheurs de la Colombie-Britannique ont analysé les échantillons d’urine de 669 personnes qui utilisaient des drogues
- 15 % des participants avaient été exposés à l’opioïde extrêmement puissant fentanyl
- Les taux d’exposition au fentanyl étaient les plus élevés parmi les personnes qui s’injectaient des drogues
Depuis plusieurs années, le nombre de décès attribuables aux surdoses d’opioïdes ne cesse d’augmenter au Canada et aux États-Unis. Au Canada, la hausse de la mortalité a été signalée en premier en Colombie-Britannique, puis le problème s’est étendu à l’Alberta voisine et ensuite à d’autres parties du pays. La Colombie-Britannique continue d’être aux prises avec ce que l’on décrit comme une épidémie de surdoses d’opioïdes, dont un grand nombre sont causées par l’exposition à l’opioïde extrêmement puissant fentanyl. Comme cette drogue est souvent mélangée à d’autres substances comme l’héroïne, la cocaïne et la méthamphétamine, les personnes qui consomment régulièrement celles-ci courent un risque plus élevé de faire une surdose à cause du fentanyl.
Il est important de découvrir dans quelle mesure les personnes qui utilisent des drogues sont exposées au fentanyl afin que les interventions visant la prévention des surdoses et le traitement des dépendances puissent être améliorées. Des chercheurs du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique et des universités de Vancouver ont collaboré à une étude pour évaluer l’exposition au fentanyl parmi les personnes qui utilisent des drogues. Les chercheurs se sont fiés à une méthode bien validée pour leur recherche, soit l’analyse d’échantillons d’urine recueillis auprès de 669 personnes.
Les tests de dépistage de drogues ont révélé qu’environ 15 % des participants avaient été exposés au fentanyl. Cependant, parmi les personnes qui s’injectaient des drogues, les chercheurs ont constaté un taux d’exposition au fentanyl de près de 20 %. De plus, les personnes dont les tests ont révélé la présence de fentanyl avaient d’autres drogues dans leur corps aussi; il s’agissait le plus fréquemment de la morphine/l’héroïne, de l’amphétamine/méthamphétamine et de la cocaïne.
Étant donné le taux relativement élevé d’exposition au fentanyl parmi les personnes qui s’injectaient des drogues, les chercheurs de Vancouver ont affirmé qu’ « Il existe un besoin urgent de concevoir et d’élargir la portée des interventions afin de réduire le risque de surdose ».
Détails de l’étude
Les chercheurs ont utilisé les données recueillies lors des trois études par observation suivantes menées auprès de personnes qui s’injectaient des drogues :
- VIDUS : Vancouver Injection Drug Users Study
- ACCESS : AIDS Care Cohort to Evaluate Exposure to Survival Services
- ARYS : At-Risk Youth Study
Ces études se déroulent depuis de nombreuses années. Tous les six mois, les participants remplissent des questionnaires sur une variété de sujets liés aux études en question, y compris la consommation de drogues. En juin 2016, les chercheurs ont ajouté un test d’urine sophistiqué servant au dépistage de drogues; ce test peut détecter simultanément de nombreuses substances en aussi peu que cinq minutes. Selon les chercheurs, dans la communauté scientifique, on « croit couramment » que ce test de dépistage peut détecter une exposition au fentanyl qui s’est produite jusqu’à trois jours auparavant. Les substances que le test peut détecter incluent les suivantes :
- fentanyl
- morphine/héroïne
- méthadone
- buprénorphine
- oxycodone
- amphétamine/méthamphétamine
- benzodiazépine
- tétrahydrocannabinol
Aux fins de l’analyse en question, les chercheurs se sont concentrés sur les participants qui ont dévoilé avoir consommé des drogues au cours des six mois précédents.
Voici un profil moyen concis des participants au moment de leur admission à l’étude :
- âge : 47 ans
- 63 % d’hommes, 37 % de femmes
- 55 % étaient de race blanche (aucun détail n’a été fourni au sujet de la composition ethnoculturelle du reste de la cohorte)
- 67 % s’injectaient des drogues
- 33 % disaient utiliser des stimulants (cocaïne, méthamphétamine, ecstasy) mais pas d’opioïdes
Cette étude s’est déroulée entre juin et octobre 2016.
Résultats
Le fentanyl a été décelé dans l’échantillon d’urine de 15 % des participants, dans les proportions suivantes :
- 20 % des personnes qui s’injectaient des drogues
- 4 % qui consommaient des drogues mais sans les injecter
Les chercheurs ont trouvé que tous les participants dont les tests ont révélé la présence de fentanyl avaient également d’autres drogues dans leur corps, dont les plus courantes étaient les suivantes :
- morphine/héroïne : 89 %
- amphétamine/méthamphétamine : 75 %
- cocaïne : 72 %
Les personnes dont les tests ont détecté du fentanyl étaient plus susceptibles d’avoir les caractéristiques suivantes :
- sexe féminin
- âge plus jeune
- injection de drogues au cours des six mois précédents
- surdose de drogue au cours des six mois précédents
Parmi les personnes qui s’injectaient des drogues, 56 % ont dévoilé avoir utilisé de la méthadone comme traitement de substitution aux opioïdes au cours des six mois précédents. Cependant, seulement 5 % d’entre elles avaient utilisé un traitement de substitution aux opioïdes fondé sur la combinaison buprénorphine + naloxone pendant la même période.
Les chercheurs ont trouvé que les participants dont les tests ont détecté de la marijuana étaient moins susceptibles de recevoir un résultat positif pour le fentanyl.
Points à retenir
Dans la présente étude, les personnes dont les tests de dépistage de drogues ont détecté du fentanyl avaient également d’autres drogues dans leur corps, y compris des combinaisons d’opioïdes et de stimulants.
Selon les chercheurs, « le taux relativement élevé d’exposition au fentanyl parmi les personnes qui s’injectent des drogues est préoccupant. Des efforts ciblés sont nécessaires pour prévenir les surdoses dans cette population. En particulier, nos résultats portent à croire que les jeunes personnes qui s’injectent des drogues courent un risque plus élevé d’être exposées au fentanyl. Cela concorde avec le rapport du Service du coroner de la Colombie-Britannique qui a révélé que les personnes âgées de 30 à 39 ans affichaient le plus haut taux de mortalité par surdose de drogues ».
Il importe de souligner que cet article parle d’une étude par observation transversale. Selon les chercheurs, les études de ce genre ne peuvent déterminer « si les opioïdes ou les stimulants sont à l’origine de l’exposition au fentanyl ». Les chercheurs ont toutefois souligné que les personnes qui utilisaient à la fois des opioïdes et des stimulants « figuraient parmi les personnes les plus vulnérables à l’exposition au fentanyl ».
Étant donné la hausse de la mortalité par surdose de drogues, les chercheurs réclament « la mise sur pied urgente d’une variété de stratégies de traitement et de réduction des méfaits, y compris une gamme d’approches thérapeutiques utilisant des agonistes opioïdes sous forme orale et injectable ».
Il vaut la peine de noter que, dans cette étude menée en 2016, les chercheurs ont trouvé que le fentanyl a été détecté par les tests de dépistage chez 20 % des personnes qui s’injectaient des drogues. Comme les décès par surdose d’opioïdes continuent de se produire, il est probable qu’une analyse plus récente trouverait un taux plus élevé d’exposition au fentanyl. Un bulletin futur de Nouvelles CATIE explorera cette question.
Ressources
Mise à jour sur la recherche : Les sites d’injection supervisée au Canada : passé, présent et futur — Point de mire sur la prévention
Recommandations de pratiques exemplaires pour les programmes canadiens de réduction des méfaits — CATIE
Vers un service d'injection supervisée - Rapport de l'étude de faisabilité sur l'implantation d'une offre régionale de services d'injection supervisée à Montréal — Agence de la santé et des services sociaux de Montréal
Implementing Supervised Injection Services – L'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Hayashi K, Milloy MJ, Lysyshyn M, et al. Substance use patterns associated with recent exposure to fentanyl among people who inject drugs in Vancouver, Canada: A cross-sectional urine toxicology screening study. Drug and Alcohol Dependence. 2018 Feb 1;183:1-6.
- Reddon H, Pettes T, Wood E, et al. Incidence and predictors of mental health disorder diagnoses among people who inject drugs in a Canadian setting. Drug and Alcohol Review. 2018; in press.
- Fischer B, Vojtila L, Rehm J. The ‘fentanyl epidemic’ in Canada – Some cautionary observations focusing on opioid-related mortality. Preventive Medicine. 2018 Feb;107:109-113.
- Strathdee SA, Beyrer C. Threading the needle – How to stop the HIV outbreak in rural Indiana. New England Journal of Medicine. 2015 Jul 30;373(5):397-9.