- Des chercheurs ont étudié le taux de survie des Canadiens coinfectés par le VIH et l’hépatite C.
- Le nombre de décès en lien avec la cirrhose a commencé à diminuer en 2013 grâce aux nouveaux traitements contre l’hépatite C.
- La surdose a maintenant pris la place de la cirrhose en tant que première cause de décès pour ce groupe.
Le virus de l’hépatite C (VHC) infecte le foie et peut causer une infection et une inflammation chroniques de cet organe vital. Avec le temps, le tissu hépatique sain est remplacé par du tissu cicatriciel inutile. C’est ce qu’on appelle la fibrose. Si elle n’est pas traitée, l’infection chronique par le VHC mène à ce que le foie soit complètement cicatriciel (une condition appelée cirrhose). Les gens vivant avec une cirrhose sont à risque accru de souffrir de plusieurs complications, comme de la fatigue sévère, des hémorragies internes, des infections abdominales récurrentes et graves, et des difficultés à penser clairement. Enfin, cela peut causer l’insuffisance hépatique et la mort.
Au cours des cinq dernières années, des traitements oraux hautement efficaces et bien tolérés contre le VHC ont été homologués au Canada et dans d’autres pays à revenus élevés. Dans des essais cliniques, ces médicaments — appelés antiviraux à action directe (AAD) — ont entraîné des taux de guérison de plus de 95 %.
Des chercheurs de partout au Canada ont collaboré à une étude d’observation prospective appelée Canadian Co-Infection Cohort (code nommé CTN222). Dans cette étude, les chercheurs ont surveillé la santé des personnes coinfectées par le VIH et le VHC.
Au cours de la dernière analyse tirée de cette étude, les chercheurs ont examiné des tendances concernant la santé et la survie entre deux périodes : de 2003 à 2012 et de 2013 à 2017. L’étude a rapporté les résultats de 1634 personnes.
Les chercheurs ont découvert qu’au début de l’étude, les complications liées à la cirrhose étaient fréquentes. Cependant, dans la dernière partie de l’étude, lorsque les AAD sont devenus disponibles, le nombre de décès dus aux complications liées à la cirrhose avait diminué. De 2013 à 2017, la surdose de drogue a été la principale cause de décès chez les personnes âgées de 20 à 49 ans. Parmi les personnes âgées de 50 à 80 ans, les décès dus aux complications liées au tabagisme étaient prédominants.
Les chercheurs ont souligné des manières d’améliorer la survie des gens vivant avec le VHC ou qui ont été traités pour le VHC.
Détails de l’étude
Les chercheurs ont analysé des données provenant de 1634 personnes coinfectées. Comme les personnes qui ont participé à l’étude au cours de la deuxième période (2013 à 2017) sont plus représentatives des personnes coinfectées aujourd’hui, le profil moyen de ces personnes lors de leur entrée dans l’étude était le suivant :
- 72 % d’hommes, 28 % de femmes;
- Autochtones — 24 % (les détails sur la composition ethnoraciale du reste des participants n’ont pas été publiés dans ce rapport, mais il est probable qu’une majorité soit d’origine caucasienne);
- 80 % avaient des antécédents de consommation de drogues par injection et environ le tiers s’injectaient ces drogues dans le présent;
- 90 % des participants avaient déjà fumé et 72 % étaient des fumeurs actuels;
- Compte de CD4 + — 450 cellules/mm3;
- Charge virale du VIH — 90 % avaient une charge virale inférieure à 50 copies/ml;
- Durée d’infection par le VHC — 20 ans.
Résultats
Au cours des deux périodes étudiées (de 2003 à 2017), 273 personnes sont décédées (17 %). Avant leur décès, environ 20 % de ces personnes avaient cessé leurs soins médicaux.
Par rapport aux personnes qui ont survécu, celles qui sont décédées avaient généralement en commun les facteurs suivants :
- Âge entre 43 et 53 ans;
- Infection par le VHC depuis plus longtemps;
- Degré de fibrose significatif ou historique de symptômes de cirrhose;
- Nombre de cellules CD4+ inférieur (environ 330 cellules/mm3);
- Faibles chances d’avoir une charge virale de VIH supprimée;
- Consommation de drogues par injection;
- Consommation de tabac.
Causes de décès
Les causes de décès courantes, en ordre décroissant, étaient :
- Surdose de drogue;
- Complications liées à la cirrhose (également appelée insuffisance hépatique en phase terminale [IHPT]);
- Complications liées au tabagisme comme des crises cardiaques, des pneumonies, des cancers du poumon et de la gorge;
- Infections graves;
- Suicide/traumatisme/accidents.
Les décès causés par des complications liées au sida étaient rares; seulement environ 2 % de ce type de décès s’est produit.
Il est à noter que, malgré un examen approfondi des documents, les chercheurs n’ont pas été en mesure de déterminer la cause du décès chez 20 % des participants.
Tendances
Lors de la comparaison des deux périodes de l’étude (de 2003 à 2012 et de 2013 à 2017), les chercheurs ont remarqué certaines tendances :
- Les taux de mortalité sont restés stables chez les personnes âgées de 20 à 49 ans, mais ont diminué chez les personnes âgées de 50 à 80 ans.
- Dans l’ensemble, les décès dus aux complications de la cirrhose ont diminué, en particulier chez les personnes âgées de 50 à 80 ans. Ces complications n’étaient plus la principale cause de décès.
- Bien que le nombre de décès dus aux complications liées au tabagisme ait généralement diminué, ce sont les causes liées au tabagisme qui ont représenté le plus grand nombre de décès chez les personnes âgées de 50 à 80 ans.
- Parmi les personnes âgées de 20 à 49 ans, les décès par surdose ont quelque peu diminué. Toutefois, la surdose reste la principale cause de décès dans ce groupe d’âge.
Point particulier : la cirrhose
Les chercheurs ont déclaré que la diminution des décès résultant de complications liées à la cirrhose est probablement due aux facteurs suivants :
- L’expansion du traitement du VHC après 2013 (lorsque les DAA ont commencé à être disponibles);
- La disponibilité plus récente d’AAD hautement efficaces;
- La priorisation par les médecins et les infirmières du traitement des personnes présentant un degré important de fibrose du foie.
Les chercheurs ont déclaré que les personnes vivant avec une cirrhose et guéries du VHC nécessiteraient une surveillance continue, leur risque de cancer du foie demeurant élevé.
Dans l’étude, presque tous les décès liés aux complications de la cirrhose sont survenus chez des personnes que les AAD ne pouvaient pas guérir.
Réduire les cas de décès par surdose
Bien qu’une épidémie de décès dus aux opioïdes soit en cours en Amérique du Nord, le nombre de décès dus à une surdose de drogue chez les personnes âgées de 20 à 49 ans participant à l’étude a diminué. Selon les chercheurs, cette diminution suggère « qu’une amélioration des liens entre les services de réduction des méfaits et de leur accès pourrait se produire en même temps que le traitement du VIH et du VHC ».
Dans une autre étude, les mêmes chercheurs ont découvert qu’une fois guéries du VHC, environ 10 % des personnes qui s’injectaient auparavant des drogues semblent cesser de le faire. Les chercheurs ont déclaré que cette réduction implique que « le traitement peut comporter des avantages indirects liés à l’accès aux programmes de réduction des méfaits ». Cependant, de tels programmes doivent être maintenus après le traitement pour réduire la réinfection et les méfaits de l’injection de drogue ».
Tabagisme
La proportion de gens qui fumaient au cours de la présente étude était extrêmement élevée. Les chercheurs ont constaté une réduction globale des décès liés au tabagisme au cours de l’étude. Ils proposent que cela s’explique en partie par « l’engagement prolongé dans les soins, avec la promotion de la santé et la disponibilité de services de sevrage tabagique qui y sont associés ».
Problèmes importants
Les chercheurs ont déclaré qu’outre la nécessité d’un « accès universel au traitement contre le VHC », les investisseurs devaient également s’intéresser à d’autres problèmes, notamment :
- L’accès aux services de réduction des méfaits;
- Les programmes de distribution d’opioïdes réglementés;
- Les centres de traitement de la toxicomanie;
- L’accès facile à la naloxone;
- Les programmes d’hébergement solidaires.
Les chercheurs ont également déclaré que « le fait de fournir un traitement anti-VHC seul tout en négligeant de tenir compte simultanément des déterminants sociaux de la santé ne contribuera guère à améliorer l’état de santé de la majorité des personnes vivant avec un VHC chronique, comme [une étude antérieure de la même équipe] l’a démontré ».
— Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Kronfli N, Bhatnagar SR, Hull MW, et al. Trends in cause-specific mortality in HIV-Hepatitis C co-infection following hepatitis C treatment scale-up. AIDS. 2019; in press.
- Tyndall M. Misplaced advocacy: What does better hepatitis C treatment really mean? CMAJ. 2015 Oct 20;187(15):1111-2.