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CATIE
  • Des chercheurs brossent le tableau du trouble de consommation d’opioïdes en Colombie-Britannique
  • Sur 55 000 personnes souffrant d’un trouble de consommation d’opioïdes, 71 % ont suivi un traitement de substitution
  • Après un an, seulement 16 % ont continué de recevoir des soins pour le trouble de consommation d’opioïdes

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Des analyses du genre « cascade des soins » ont été effectuées relativement à plusieurs affections médicales afin de déterminer à quelle étape du continuum allant du diagnostic au traitement (et dans certains cas à la guérison) les patients échappent au suivi ou s’enlisent dans leur progression vers une meilleure santé. Ce genre d’analyse peut révéler des obstacles à la progression des patients d’un bout à l’autre du système. Lorsqu’on reconnaît des obstacles dans le continuum des soins, on peut y porter plus d’attention et concevoir des interventions susceptibles d’aider les patients à passer à la prochaine étape des soins. On a utilisé des analyses de la cascade des soins avec succès pour mieux comprendre les obstacles à l’amélioration de la santé des personnes vivant avec le VIH, l’infection au virus de l’hépatite C (VHC) et le diabète.

Des chercheurs en Colombie-Britannique utilisent maintenant le cadre de la cascade des soins pour examiner les enjeux relatifs au diagnostic et au traitement du trouble de consommation d’opioïdes (TCO). Ce travail est important parce que l’analyse a révélé que la majorité des décès liés aux opioïdes survenus depuis plusieurs années au Canada et aux États-Unis étaient attribuables à l’exposition involontaire au fentanyl ou à des composés chimiques apparentés. En venant en aide aux personnes souffrant de TCO, on peut les diriger vers des initiatives de réduction des méfaits (y compris la distribution d’aiguilles et de seringues neuves et d’autre matériel propre servant à la consommation de drogues, le soutien par les pairs et les sites d’injection supervisée), ou encore vers un traitement de substitution aux opioïdes (TSO) lorsque cela est approprié. Ces efforts peuvent aider à sauver des vies et à réduire les risques d’infection par des microbes transmissibles par le sang comme le VIH et le VHC pour les personnes aux prises avec un TCO.

Accent sur le trouble de consommation d’opioïdes

Le terme trouble de consommation d’opioïdes fusionne ou remplace des catégories de diagnostic plus anciennes liées à la consommation de substances, telles que « abus » et « dépendance ». Selon une équipe de chercheurs du Canada, d’Australie, d’Angleterre et des États-Unis qui étudient et aident les personnes faisant un usage problématique de substances, « la probabilité d’un TCO à la suite de la consommation d’opioïdes est élevée par rapport à d’autres drogues. Certains individus sont très vulnérables au TCO à la suite de la consommation d’opioïdes, alors que d’autres ne progressent pas jusque-là… ».

Même s’il existe diverses façons de catégoriser le TCO, l’équipe internationale a affirmé ceci : « Les facteurs critiques en matière de TCO sont les suivants : les gens persistent à utiliser des opioïdes malgré les problèmes additionnels d’ordre physique, mental, social ou [autre] qui résultent de leur consommation; la tolérance aux effets des opioïdes se développe; on finit par se préoccuper davantage de minimiser les effets du sevrage que d’atteindre l’euphorie ».

Et d’ajouter les chercheurs : « On comprend le mieux le TCO comme un trouble biopsychosocial dans lequel des facteurs génétiques, la dépendance précoce nocive, la maladie mentale, les normes sociales, l’exposition aux drogues et l’accessibilité sur le marché peuvent influencer l’ampleur de l’exposition et des occasions de consommer, ainsi que la progression et le développement d’un TCO et des méfaits associés ».

Les chercheurs envisagent ainsi le TCO :

« Comme un trouble chronique accompagné souvent de rechutes; ainsi, un traitement médical et psychologique devrait être dispensé dans un cadre semblable à celui utilisé pour le traitement d’autres troubles. Le TCO nécessite des soins de longue durée qui soient adaptés pour répondre aux besoins de chaque patient… Le traitement doit viser à stabiliser la perturbation physiologique et psychologique causée par l’exposition chronique aux opioïdes, ce qui permet à son tour de réduire la consommation d’opioïdes et les nombreux méfaits physiques et sociaux associés. De cette manière, les patients peuvent entrer en rémission, ce qui fournit l’occasion d’aborder les autres problèmes psychologiques et médicaux associés à la consommation de drogues ».

La cascade des soins du TCO

Une équipe de chercheurs du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique, du B.C. Centre on Substance Use, des universités locales et du ministère de la C.-B. pour la santé mentale et les dépendances ont collaboré à une étude afin de mieux comprendre la cascade des soins du TCO dans cette province. L’équipe a passé en revue et analysé des données recueillies sur une période de 20 ans. Elle a trouvé qu’il y avait environ 55 000 personnes qui s’injectaient des drogues et qui vivaient avec un diagnostic de TCO. Une forte proportion des personnes dans ce groupe (71 %) suivaient un traitement de substitution aux opioïdes (TSO) – que ce soit par méthadone, buprénorphine, naloxone ou morphine à libération prolongée – à un moment donné de l’étude. Il reste toutefois que seulement 16 % des personnes souffrant d’un TCO ont continué à recevoir des soins pendant au moins un an.

Cette étude révèle qu’il reste beaucoup de travail à faire en Colombie-Britannique pour diriger les personnes qui utilisent des drogues vers les services de traitement de la toxicomanie et les organismes de réduction des méfaits et pour aider ces personnes à continuer à utiliser ces services afin qu’elles puissent réduire leurs risques de surdose et d’autres problèmes susceptibles de nuire à leur santé.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont examiné les bases de données provinciales suivantes afin d’en savoir plus sur les soins de santé prodigués aux personnes atteintes d’un TCO :

  • PharmaNet : elle contient des données sur la prescription de traitements pour le TCO
  • Discharge Abstract Database : elle contient des données sur les raisons de l’hospitalisation des gens
  • Medical Services Plan : elle contient des données sur les dossiers de facturation des médecins et peut révéler les raisons pour lesquelles les médecins ont prodigué des soins
  • B.C. Vital Statistics : elle contient des données sur la mortalité et les causes de décès

En général, les données ont été recueillies entre janvier 1996 et décembre 2017.

Résultats

Les chercheurs ont constaté que quelque 77 000 personnes ont reçu un diagnostic de TCO au cours de l’étude. Sur ce nombre, 55 470 étaient encore en vie à la fin de l’étude.

Tendances des diagnostics

Selon les chercheurs, « le nombre de personnes atteintes de TCO a augmenté de manière substantielle, passant de 15 972 en 2001 à 55 470 en 2017, ce qui reflète une augmentation de plus de trois fois en 16 ans ».

Tendances des soins

« Jusqu’en 2017, même si 71 % des personnes diagnostiquées pour le TCO s’étaient fait offrir un [TSO] à un moment donné, 33 % suivaient encore un [TSO], et seulement 16 % avaient été retenues dans les soins pour un an », ont affirmé les chercheurs.

Nouveaux diagnostics de TCO

Aux fins de l’analyse des nouveaux diagnostics, qui avaient été posés dans une clinique communautaire ou un hôpital, les chercheurs se sont concentrés sur la période de 2012 à 2015 et ont trouvé ce qui suit :

  • 32 % des personnes étaient âgées de 25 à 34 ans
  • 95 % des personnes nouvellement diagnostiquées vivaient en régions urbaines
  • la plupart des personnes (61 %) étaient des hommes
  • 44 % des participants qui ont consulté dans une clinique communautaire ont reçu un TSO dans les trois mois suivant leur diagnostic de TCO. En revanche, parmi les participants évalués initialement dans un hôpital, seulement 7 % ont reçu un TSO dans les trois mois suivant leur diagnostic.

Région rurale contre région urbaine

Comme nous venons de le mentionner, la vaste majorité des personnes (96 %) vivaient dans un centre urbain. En général, les personnes ayant le TCO qui vivaient dans une région rurale étaient moins susceptibles de recevoir des soins pour le TCO. Lorsqu’elles en recevaient, elles étaient moins susceptibles de continuer à recevoir des soins.

Un aperçu ponctuel

Les chercheurs ont réussi à découvrir quelques informations au sujet des personnes qui ne suivaient pas de traitement pour le TCO au 31 mars 2016. Voici la répartition de cette population :

  • n’avaient jamais suivi de TSO : 14 991 personnes
  • avaient suivi un TSO dans le passé, mais plus maintenant : 26 589

Les chercheurs ont affirmé ceci : « Malgré le temps écoulé depuis le diagnostic ou la discontinuation [du TSO], la grande majorité des clients qui ne suivaient pas de [TSO] recevaient au moins des soins de routine en clinique externe depuis 12 mois ». « Les hospitalisations ont été fréquentes », ont-ils ajouté, surtout parmi les personnes qui avaient cessé le TSO au cours de l’année précédente.

À retenir

La présente étude est un bon point de départ pour essayer de comprendre à quels points dans le système de santé les personnes atteintes de TCO ne reçoivent pas de soins ou cessent d’en recevoir.

Les chercheurs ont soulevé les points et recommandé les mesures suivantes à prendre :

  • « À l’avenir, les efforts devraient porter sur la participation des personnes qui se font soigner pour des causes liées au TCO, mais qui ne suivent pas de [TSO]. »
  • « Puisque la majorité de la population vivait avec des problèmes de santé mentale, la douleur chronique ou d’autres troubles liés à la consommation de substances avant leur diagnostic de TCO, les interventions ciblées visant l’identification du TCO et la mise sous traitement devraient se concentrer sur les lieux où l’on prodigue des soins pour ces affections. De plus, les milieux de traitement des maladies infectieuses présentent des possibilités de diriger les personnes atteintes de TCO vers un traitement, puisque le TCO s’accompagne souvent d’un risque d’infection par le VHC ou le VIH chez les personnes qui s’injectent des drogues. »
  • « Les hospitalisations ont été fréquentes parmi les personnes récemment diagnostiquées [pour le TCO] ou celles ne recevant plus de [TSO]. Les contextes de soins hospitaliers, et plus particulièrement les urgences, présentent des solutions prometteuses pour le dépistage du TCO et l’amorce d’un [TSO]. De nombreux services des urgences nord-américains qui ont mis des patients sous buprénorphine et les ont dirigés vers des soins en clinique externe ont fait état d’un succès quant à la rétention et à la réduction des consultations à l’urgence. De façon semblable, un projet pilote est en cours en Colombie-Britannique pour fournir aux victimes de surdoses d’opioïdes des trousses de buprénorphine-naloxone à emporter à domicile lors de leur sortie de l’urgence. »

Pour améliorer l’accès au traitement de substitution aux opioïdes dans les régions rurales, les chercheurs ont suggéré plusieurs stratégies, dont les suivantes :

  • lancer des programmes de réduction de la stigmatisation
  • augmenter le nombre de pharmacies pouvant dispenser le TSO
  • augmenter les taux de remboursement pour la prescription et la dispensation du TSO
  • lancer des initiatives de télésanté et de télémentorat

Les chercheurs de la Colombie-Britannique ont souligné que, selon leurs données, « moins de 3 % des personnes ayant un TCO atteignent la rémission à long terme et celles qui ne sont pas traitées risquent de faire des surdoses, ce qui souligne davantage l’importance d’adopter un modèle de maladie chronique pour le TCO et de le reconnaître comme une maladie chronique traitable, avec une variété d’options thérapeutiques et aucune restriction imposée à l’égard du temps ». Pour prolonger la participation à des soins du TCO, les chercheurs recommandent les mesures suivantes :

  • accès accru aux options de rechange pour le TSO
  • davantage de soins pour les populations aux prises avec le TCO
  • initiatives pour améliorer la qualité
  • soutien par les pairs

Répondre aux besoins des personnes souffrant de TCO

Selon cette équipe de chercheurs britanno-colombiens, « pour de nombreuses personnes ayant un TCO, le [TSO] n’est pas un but immédiat en soi. De nombreuses personnes ayant un TCO désirent [réduire ou cesser leur consommation], alors que d’autres se sentent stigmatisées par l’utilisation même du [TSO] et ne sont pas disposées à suivre un traitement. La disponibilité de services de réduction des méfaits comme les sites de prévention des surdoses, les sites de consommation supervisée, la distribution de trousses de naloxone, les services de vérification des drogues et les programmes de proximité et de soutien par les pairs représentent tous des interventions prioritaires pour les personnes ayant un TCO et qui choisissent de ne pas suivre de traitement. Elles offrent toutes des occasions d’intervenir et de diriger les personnes vers les services de traitement et de soutien social dont ils ont besoin et qui leur sont adaptés ».

La prévention

Les chercheurs de C.-B. ont souligné que « le diagnostic et la prévention du TCO sont également des éléments clés d’une approche de prise en charge exhaustive du TCO. Le dépistage du TCO dans tous les milieux de soins de santé pertinents, de même qu’une formation accrue des médecins et des infirmières en ce qui concerne le diagnostic et le traitement du TCO sont essentiels pour faciliter l’intégration des soins ».

Ressources

Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique

British Columbia Centre on Substance Use

Le traitement par agoniste opioïde peut-il aider à prévenir l’hépatite C et le VIH?Point de mire sur la prévention

Répondre à une surdose d’opioïdes, Répondre à une surconsommation ou à une surdose de stimulants

Site de prévention des surdoses à l’Hôpital St. PaulConnectons nos programmes

Service de consommation supervisée keepSIXConnectons nos programmes

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Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Piske M, Zhou C, Min JE, et al. The cascade of care for opioid use disorder: a retrospective study in British Columbia, Canada. Addiction. 2020; en voie d’impression.
  2. Strang J, Volkow ND, Degenhardt L, et al. Opioid use disorder. Nature Reviews Disease Primers. 2020; en voie d’impression.
  3. Fischer B, Pang M, Tyndall M. Applying principles of injury and infectious disease control to the opioid mortality epidemic in North America: critical intervention gaps. Journal of Public Health. 2020; en voie d’impression.
  4. Fischer B, Pang M, Tyndall M. The opioid death crisis in Canada: crucial lessons for public health. Lancet Public Health. 2019;4(2):e81–e82.