- À mesure que les personnes séropositives prennent de l’âge, elles doivent faire face aux problèmes liés au vieillissement afin de s’assurer une bonne santé et une bonne qualité de vie
- De nombreuses femmes séropositives d’âge mûr ne discutent pas de la ménopause avec leur médecin
- Les scientifiques demandent l’amélioration de l’éducation sur la ménopause pour les prestataires de soins et les femmes vivant avec le VIH
L’accessibilité répandue du traitement du VIH (TAR) a réduit énormément les risques de complications liées au sida et de décès. Les bienfaits à long terme du TAR sont tellement importants que les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes utilisant ce genre de traitement. Or, à mesure que les personnes sous TAR vivent plus longtemps, elles finissent par éprouver divers problèmes liés à l’âge. Si ces problèmes sont négligés, ils peuvent dégrader la santé générale et la qualité de vie des personnes touchées.
Transition ménopausique
Lorsque les femmes atteignent le milieu de la vie, leurs taux d’hormones commencent à changer. En premier lieu, ces changements donnent lieu à des menstruations irrégulières. Durant la périménopause (terme signifiant « autour de la ménopause »), plusieurs symptômes peuvent apparaître, dont les suivants :
- bouffées de chaleur
- sueurs nocturnes
- sécheresse vaginale
Certaines femmes obtiennent difficilement un sommeil réparateur et se sentent donc fatiguées et, dans certains cas, déprimées. À la longue, la transition vers la ménopause augmente les risques d’amincissement osseux et de maladies cardiovasculaires.
La périménopause dure en moyenne quatre ans. Lorsqu’une femme n’a plus de règles depuis 12 mois consécutifs, c’est la ménopause qui commence.
Au Canada
Une équipe de recherche canadienne qui étudie la santé des femmes séropositives a récemment exploré la question de la ménopause chez cette population. L’équipe s’est concentrée en particulier sur l’hormonothérapie ménopausique. Elle a recueilli des données se rapportant à la santé de 464 femmes séropositives vivant en Colombie-Britannique, en Ontario ou au Québec. Toutes les femmes se trouvaient en période de périménopause ou de postménopause.
Selon l’équipe de recherche, même si 50 % des femmes éprouvaient des symptômes de la transition ménopausique, seulement 12 % d’entre elles avaient déjà suivi une hormonothérapie. De plus, de nombreuses participantes n’avaient jamais discuté de la ménopause avec leur prestataire de soins, ni des traitements susceptibles d’atténuer les symptômes de la transition ménopausique.
À la lumière de ces résultats et d’autres, l’équipe de recherche a avancé que « l’absence de discussions sur la ménopause dans les soins cliniques est un obstacle majeur à l’utilisation [de l’hormonothérapie], ce qui souligne l’importance d’améliorer l’éducation sur la ménopause auprès des prestataires de soins et des femmes vivant avec le VIH ».
Détails de l’étude
L’équipe de recherche a analysé des données de santé recueillies dans le cadre de sondages et d’entrevues réalisés auprès des participantes à l’Étude sur la santé sexuelle et reproductive des femmes vivant avec le VIH au Canada (CHIWOS). Les données utilisées pour la présente analyse ont été captées entre 2015 et 2017. Au moment des sondages en question, les participantes avaient le profil moyen suivant :
- âge : 54 ans
- principaux groupes ethnoraciaux : Blanches – 51 %; Africaines, Caraïbéennes ou Noires – 25 %; Autochtones – 19 %
- aucun compte de CD4+ moyen n’a été précisé; au lieu de donner une moyenne, l’équipe a affirmé que 81 % des participantes avaient un minimum de 200 cellules CD4+/mm3
- 89 % des participantes avaient une charge virale supprimée
Résultats
Selon l’équipe de recherche, il est probable que près de 50 % des femmes auraient bénéficié d’une hormonothérapie ménopausique étant donné l’intensité de leurs symptômes. L’équipe a également remarqué que la ménopause est survenue relativement tôt dans leur vie. Seulement 12 % des participantes ont toutefois affirmé avoir suivi auparavant une hormonothérapie. Au moment des sondages, 6 % des femmes suivaient ce genre de traitement.
Environ 14 % des femmes utilisaient des interventions non hormonales pour soulager les symptômes de la transition ménopausique, y compris les suivantes :
- antidépresseurs
- gabapentine (pour réduire le nombre de bouffées de chaleur et la transpiration excessive)
- clonidine (pour soulager les bouffées de chaleur)
- produits de santé naturels non spécifiés
Selon l’équipe de recherche, environ 16 % des femmes avaient des affections médicales qui auraient rendu l’usage d’une hormonothérapie imprudent, telles les suivantes :
- cancer du sein
- cancer de l’endomètre
- maladie cardiaque
- AVC
- risque de formation excessive de caillots sanguins
Discussions à propos de la ménopause
Selon l’équipe de recherche, seulement 45 % des participantes disaient avoir discuté de la ménopause avec leurs prestataires de soins, alors que 98 % d’entre elles affirmaient maintenir un contact régulier avec leur médecin. Les femmes communiquaient le plus souvent avec les prestataires de soins suivant·e·s :
- spécialiste des maladies infectieuses : 72 %
- spécialiste de la médecine familiale : 10 %
L’équipe de recherche a constaté que les femmes autochtones, africaines, caraïbéennes et noires étaient moins susceptibles que les femmes blanches de discuter de la ménopause avec leurs prestataires de soins. Cependant, les femmes qui avaient eu une telle discussion avec leur médecin étaient plus susceptibles d’avoir reçu une hormonothérapie ménopausique que les femmes qui n’avaient jamais eu ce genre de discussion, et ce, quelle que soit leur ethnie.
À retenir
Selon l’équipe de recherche, des sondages réalisés auprès de femmes séronégatives ont révélé des taux plus élevés d’hormonothérapie ménopausique (presque deux fois) que chez les femmes séropositives. Les sondages en question ont eu lieu plus ou moins en même temps que les sondages CHIWOS.
L’équipe qui menait cette étude sur les femmes séropositives canadiennes a affirmé ceci : « Nos résultats… portent à croire que l’absence de discussions sur la ménopause est un obstacle majeur aux soins, et son influence dépassait celle d’autres obstacles [à l’hormonothérapie ménopausique] ».
L’équipe de recherche a proposé quelques explications de l’absence de discussions sur la ménopause, dont les suivantes :
- manque de confiance chez les prestataires de soins quant à la façon de prendre en charge les symptômes de la ménopause
- manque de connaissances chez les femmes séropositives quant aux options disponibles pour atténuer les symptômes de la ménopause
Cette équipe de recherche souhaite la tenue d’autres études pour explorer la faible probabilité que des discussions sur la ménopause aient lieu entre les femmes africaines, caraïbéennes et noires et leurs prestataires de soins. Sans être certaine de la raison de la rareté de telles discussions, l’équipe a laissé entendre que des « différences culturelles pourraient influer sur la perception [qu’ont certaines femmes] de la ménopause et de ses traitements ». Elle a également suggéré la possibilité que la faible probabilité de discussions sur la ménopause dans ces populations « soit attribuable à des expériences de racisme structurel et à des interactions négatives dans le système de santé dans le passé ».
Limites
La présente étude est fondée sur des données recueillies auprès de chaque participante à un seul moment dans le temps, soit à l’occasion de son deuxième sondage avec CHIWOS. L’étude n’était pas conçue pour évaluer l’impact de l’hormonothérapie ménopausique sur la santé des femmes. À ce propos, l’équipe de recherche a souligné que les risques et les bienfaits de ce traitement « sont essentiellement inexplorés chez les femmes vivant avec le VIH ». Espérons que des études auront lieu pour aborder cette question dans les années à venir.
À l’avenir
Selon l’équipe de recherche, les résultats de cette étude « [soulignent] l’importance d’améliorer l’éducation sur la ménopause auprès des prestataires de soins et des femmes vivant avec le VIH. Même si des lignes directrices récentes servent à orienter les soins prodigués pendant la ménopause dans le contexte du VIH, des actions revendicatrices sont encore nécessaires pour s’assurer que des évaluations se rapportant à la ménopause sont intégrées dans les soins cliniques de routine destinés aux femmes d’âge mûr vivant avec le VIH ».
Ressource importante sur des enjeux négligés en matière de santé des femmes
Une équipe de médecins et de scientifiques chevronné·e·s du Canada a rédigé un guide pratique utile afin de venir en aide aux clinicien·e·s affairé·e·s par rapport aux sujets suivants : la contraception, la planification préconception et la ménopause chez les femmes séropositives. Cliquez sur le lien dans notre liste de ressources ci-dessous pour en savoir plus.
—Sean R. Hosein
Ressources
Soins VIH centrés sur les femmes – CHIWOS
Profil : Les femmes de CHIWOS – CATIE
A practical clinical guide to counselling on and managing contraception, pre-conception planning, and menopause for women living with HIV – Journal officiel de l’Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada (seul le résumé a été traduit en français)
Primary Care Guidelines – Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique
RÉFÉRENCE :
King EM, Kaida A, Mayer U, et al. Undertreated midlife symptoms for women living with HIV linked to lack of menopause discussions with providers. JAIDS. 2021; sous presse.