Lorsqu'il est pris tous les jours exactement comme prescrit, le traitement antirétroviral (TAR) finit généralement par réduire la quantité de VIH dans le sang (charge virale) jusqu'à un niveau tellement faible qu'il est impossible de détecter le virus avec les tests de routine utilisés. On dit couramment de ce faible niveau de VIH qu'il est indétectable. Pour les personnes vivant avec le VIH, l'atteinte et le maintien d'une charge virale indétectable donnent lieu à une amélioration de la santé et augmentent les chances de connaître une espérance de vie presque normale. De plus, les essais cliniques ont trouvé que les personnes séropositives sous TAR qui continuent de prendre leur traitement tous les jours pour maintenir une charge virale indétectable ne transmettent pas le VIH à leurs partenaires sexuels.
Ces deux bienfaits du TAR, soit l'amélioration de la santé et la prévention de la transmission du VIH, ont incité le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) à encourager les villes, les régions et les pays à atteindre les objectifs suivants d'ici 2020 :
- 90 % des personnes ayant le VIH seront au courant de leur statut
- 90 % des personnes diagnostiquées séropositives suivront un TAR
- 90 % des personnes sous TAR auront une charge virale indétectable
La cascade
Le chemin qui mène du dépistage et du diagnostic du VIH jusqu'aux soins et au traitement s'appelle la cascade des soins du VIH; certains chercheurs l'appellent simplement la cascade. À chaque étape de la cascade, il y a la possibilité de retards ou d'abandons des soins par les patients. Il est essentiel de colmater les brèches dans la cascade pour aider les personnes séropositives à recevoir rapidement des soins et à connaître une bonne santé, ainsi que pour aider les autorités de la santé à atteindre les cibles 90-90-90.
Colombie-Britannique
Des chercheurs au Centre d'excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique recueillent des données de santé auprès de personnes vivant avec le VIH dans le cadre d'études depuis de nombreuses années. Les chercheurs analysent ces données et produisent périodiquement des rapports.
Lors de leur plus récente analyse, les chercheurs de la Colombie-Britannique ont évalué les données de santé recueillies sur une période de nombreuses années auprès de plus de 8 000 personnes séropositives afin de découvrir des tendances éventuelles dans les interruptions de traitement. Les chercheurs ont trouvé que près de 40 % des participants ont interrompu leur premier régime au moins une fois durant la période évaluée. À peu près 50 % des interruptions de traitement ont eu lieu environ un an après le début du TAR. La bonne nouvelle est que la proportion de personnes ayant interrompu leur traitement a diminué considérablement au cours de la période étudiée. Chose peu surprenante, les chercheurs ont constaté que certaines personnes qui ont interrompu leur TAR couraient un risque de mortalité plus élevé.
Cette étude souligne l'importance de surveiller la cascade des soins et de développer des moyens d'aider les patients à s'impliquer de nouveau dans leurs soins et leur traitement.
Détails de l'étude
Les chercheurs ont analysé des données de santé recueillies auprès de 8 110 personnes dont le TAR a commencé entre 1996 et 2015.
Les chercheurs ont défini une interruption de traitement comme suit :
« … un écart minimal de 90 jours entre la date de renouvellement de l'ordonnance et la date où les médicaments précédemment dispensés devaient être [épuisés] ».
Les chercheurs ont fondé leur choix d'une période de 90 jours sur les résultats préliminaires d'une autre étude en cours en Colombie-Britannique.
De tous les participants qui ont interrompu leur TAR, les chercheurs se sont concentrés seulement sur les personnes dont ils connaissaient le compte de CD4+ avant, pendant et après l'interruption. Nous parlerons davantage de ce point plus loin dans ce bulletin de Nouvelles CATIE.
Les participants avaient le profil de base moyen suivant :
- âge : 41 ans
- 81 % d'hommes, 19 % de femmes
- principaux groupes ethnoraciaux : Blancs : – 60 %; Autochtones – 20 %
- 37 % des participants avaient un compte de CD4+ de moins de 200 cellules/mm3
- 37 % des participants avaient été exposés au virus de l'hépatite C (VHC)
- 33 % des participants avaient des antécédents d'injection de drogues
- chez 9 % des participants, le VIH avait acquis un certain degré de résistance au TAR
Résultats
Comme le révèlent les chiffres suivants, la proportion de participants qui ont interrompu leur régime a diminué au fil du temps :
- 1996 à 2003 : 32 %
- 2004 à 2007 : 18 %
- 2008 à 2011 : 14 %
- 2012 à 2014 : 11 %
La plupart des interruptions ont eu lieu environ 12 mois après l'amorce du TAR.
Retour sur l'étude SMART
La tendance vers la diminution du nombre d'interruptions du TAR est une bonne chose. En 2006, les chercheurs responsables d'une grande étude bien conçue appelée SMART ont trouvé que l'interruption du TAR était liée à un risque accru d'infections et de mortalité. Subséquemment, les lignes directrices sur le traitement du VIH ont fortement déconseillé l'interruption du TAR. Il est donc possible que la dissémination des résultats de l'étude SMART soit un facteur qui ait contribué considérablement à la baisse du nombre d'interruptions de traitement. Par ailleurs, d'autres études laissent croire que les régimes couramment utilisés de nos jours pour le TAR en Colombie-Britannique (et sans doute dans le reste du Canada et les autres pays à revenu élevé) sont mieux tolérés.
Interruption et survie
Se fondant sur les décès survenus durant la période à l'étude, les chercheurs ont estimé le risque de mortalité dans l'année suivant l'interruption du TAR. Ils ont trouvé que ce risque était influencé par le compte de CD4+ de la personne au moment de la cessation du traitement, comme suit :
- compte de CD4+ de 500 cellules/mm3 ou plus : augmentation de 2 % du risque de mortalité
- compte de CD4+ de 200 à 499 cellules/mm3 : augmentation de 4 % du risque de mortalité
- compte de CD4+ de moins de 200 cellules/mm3 : augmentation de 19 % du risque de mortalité
De plus, ayant tenu compte de nombreux facteurs, les chercheurs ont constaté que les facteurs suivants avaient un lien statistique avec un risque accru de mortalité après l'interruption du traitement :
- âge avancé
- charge virale élevée dans le passé
- de nombreux changements de régimes anti-VIH dans le passé
Points à retenir
Les résultats de cette étude menée en Colombie-Britannique laissent croire que les interruptions du TAR sont moins fréquentes aujourd'hui, mais qu'elles se produisent encore. Les raisons pour lesquelles les participants ont interrompu leur traitement ne sont pas claires, et cette étude n'a pas été conçue pour aborder cette question.
Les chercheurs ont toutefois suggéré deux raisons qui auraient peut-être poussé les participants à cesser de prendre leur TAR, que voici :
- pour éviter les effets secondaires des médicaments
- ils avaient des doutes par rapport à l'efficacité du TAR
Cette étude révèle clairement que d'autres recherches seront nécessaires pour développer des interventions visant au moins les deux objectifs suivants :
- trouver des moyens de prévenir les interruptions de traitement
- aider les personnes qui ont interrompu leur TAR à s'impliquer de nouveau dans leurs soins et leur traitement
La présente étude est imparfaite. Les chercheurs n'ont pas été en mesure de dire ce qui est arrivé aux personnes qui ont cessé de prendre le TAR et qui n'allaient plus à leur clinique et à leur laboratoire local pour faire mesurer leur compte de CD4+ et leur charge virale. Il est possible que certaines de ces personnes soient allées vivre dans une autre province. Mais il est également possible, voire probable, que certaines personnes qui ont cessé de prendre le TAR et qui ont abandonné les soins soient mortes. Ces personnes (et les éventuels décès subséquents) n'ont pas été suivies dans le cadre de cette étude, car les chercheurs se sont concentrés seulement sur les personnes qui ont maintenu leur contact avec les cliniques.
Cette étude britanno-colombienne a découvert des tendances importantes qui méritent une investigation poussée, non seulement en Colombie-Britannique, mais aussi dans le reste du Canada. Il faut faire de la recherche, peut-être dans les cliniques individuelles, pour déterminer pourquoi certaines personnes arrêtent de prendre leur TAR. En l'absence de telles recherches, les médecins, les infirmières, les pharmaciens, les pairs navigateurs et les gestionnaires de cas continueront d’être incapables de développer des moyens efficaces de prévenir les interruptions de traitement et de réintégrer les patients dans les soins. De tels efforts seront nécessaires si la Colombie-Britannique et le reste du Canada souhaitent atteindre et maintenir les cibles 90-90-90 fixées par l'ONUSIDA pour l'an 2020.
Ressources
90–90–90 : Une cible ambitieuse de traitement pour aider à mettre fin à l'épidémie du sida – ONUSIDA
La cascade du traitement du VIH – colmater les fuites afin d'améliorer la prévention du VIH – Point de mire sur la prévention
La cascade de la participation aux soins – Vision positive
—Sean R. Hosein
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