- Une équipe de recherche canadienne a réalisé un sondage auprès de 376 utilisateurs de crystal meth
- L’équipe a trouvé que certains hommes avaient de la difficulté à trouver de l’aide pour réduire leur consommation de crystal meth
- L’équipe souligne la nécessité de services intégrés et multidisciplinaires pour les hommes utilisant cette drogue
Il semble que l’utilisation de crystal meth (méthamphétamine en cristaux) se soit répandue dans diverses communautés depuis deux décennies. Notons en particulier une utilisation chez certains sous-groupes d’hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH). Selon une étude menée à Vancouver auprès de 774 HARSAH, 19 % d’entre eux avaient utilisé du crystal meth au cours des six mois précédents, dont « 21 %, au moins une fois par semaine ».
L’utilisation de crystal meth peut créer une dépendance chez certaines personnes. Une équipe de recherche de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec a réalisé un sondage en ligne afin de brosser un portrait plus complet de l’utilisation de crystal meth chez les HARSAH. L’équipe voulait aussi déterminer à quels obstacles ces hommes pouvaient se heurter lorsqu’ils tentaient de réduire ou d’arrêter leur consommation.
Selon l’équipe de recherche, de l’avis de certains participants, les obstacles qui les empêchaient d’obtenir de l’aide pour cesser l’usage de crystal meth étaient plus nombreux si les facteurs suivants étaient présents :
- faible revenu
- utilisation occasionnelle de crystal meth avant ou pendant les relations sexuelles
- perception que leur besoin d’aide (pour réduire ou arrêter) était plus grand que celui d’autres hommes
L’équipe de recherche, dont les résultats paraissent dans la revue Substance Abuse, Treatment and Policy, a réclamé « plus d’investissements dans l’offre, sous un même toit, de soins facilement accessibles et culturellement appropriés aux [HARSAH] utilisant du crystal meth ». L’équipe a également affirmé que « l’intégration plus efficace des services de santé et des services sociaux et de soutien destinés aux utilisateur·trice·s de substances pourrait réduire certaines difficultés que les HARSAH de minorités sexuelles et de genre affirment éprouver pour obtenir de l’aide pour un problème de drogue ».
Détails de l’étude
L’équipe de recherche a employé les trois méthodes suivantes pour recruter des participants entre février et juin 2020 :
- annonces placées dans des applis de rencontre comme Scruff et Squirt
- médias sociaux comme Facebook, Reddit et Twitter
- organismes communautaires : Centre de recherche communautaire (CBRC) en Colombie-Britannique; Gay Men’s Sexual Health Alliance (GMSH) en Ontario
L’équipe de recherche a limité le recrutement aux adultes vivant au Canada qui s’identifiaient comme hommes cisgenres, hommes transgenres ou personnes non binaires. Tous les participants devaient avoir eu une relation sexuelle avec un homme dans les six mois précédant leur participation au sondage. Ils devaient également avoir utilisé du crystal meth durant cette période.
Le sondage incluait des questions sur de nombreux sujets se rapportant à la santé en général et à l’utilisation de crystal meth.
L’équipe de recherche a été en mesure d’analyser les données captées dans 376 sondages remplis.
Les participants avaient le profil moyen suivant :
- âge : 42 ans
- genre : cisgenres : 94 %; transgenres ou non binaires – 6 %
- principales catégories ethnoraciales : Blancs : 72 %; personnes de couleur : 28 %
- orientation sexuelle : gai : 77 %; autre : 23 %
- 70 % des participants avaient un revenu annuel inférieur à 60 000 $
Résultats
La fréquence de l’utilisation de crystal meth variait comme suit :
- quotidienne ou presque quotidienne : 33 %
- une ou deux fois depuis six mois : 32 %
- une fois par semaine : 17 %
- une fois par mois : 18 %
Selon l’équipe de recherche, « 77 % des participants ont signalé que l’utilisation de crystal meth avait lieu avant ou pendant une relation sexuelle au moins la moitié du temps ». Toujours selon l’équipe, « une fréquence plus élevée d’utilisation de méthamphétamine était associée à une proportion plus élevée d’utilisations dans un contexte sexuel ».
Nature sociale de l’utilisation de crystal meth
L’équipe a signalé que près de 40 % des participants disaient « utiliser rarement du crystal meth tout seul ». Quatorze pour cent (14 %) d’entre eux en prenaient seuls presque tout le temps, et 15 % d’entre eux en prenaient seuls à peu près la moitié du temps. Selon l’équipe de recherche, « une fréquence plus élevée d’utilisation était également associée à une consommation plus fréquente en solitaire ».
Modes d’utilisation du crystal meth
Les participants employaient le plus souvent les méthodes suivantes pour utiliser du crystal meth :
- 40 % par inhalation (« sniffage »)
- 23 % par injection
Selon l’équipe de recherche, les personnes qui s’injectaient du crystal meth faisaient également ce qui suit dans les proportions indiquées :
- 22 % d’entre elles partageaient des seringues
- 28 % partageaient de l’eau
- 21 % partageaient des filtres
- 19 % partageaient des contenants ou des cuillères
Connaissance des prestataires de soins quant à l’utilisation de crystal meth chez leurs patient·e·s
Trente-quatre pour cent (34 %) des participants ont dévoilé que leur prestataire de soins primaires était au courant de leur utilisation de crystal meth, contrairement à 43 % des prestataires de soins qui l’ignoraient. Notons que 23 % des participants n’avaient pas de prestataire de soins primaires.
Questions se rapportant au besoin d’aide
L’équipe de recherche a demandé aux participants de qualifier leur besoin d’aide pour réduire ou arrêter leur consommation en fonction d’une échelle. À un bout de celle-ci, ils pouvaient affirmer avoir « complètement » besoin d’aide, alors qu’à l’autre, ils pouvaient dire n’avoir « pas du tout » besoin d’aide. Les participants décrivaient leur besoin d’aide comme suit :
- 6 % avaient complètement besoin d’aide
- 18 % avaient besoin de beaucoup d’aide
- 42 % avaient besoin d’un peu d’aide
- 35 % n’avaient pas du tout besoin d’aide
Employant une analyse statistique, l’équipe de recherche a constaté que les facteurs suivants étaient associés à ce qu’elle décrivait comme « une augmentation perçue de la difficulté à obtenir de l’aide » chez les participants :
- faible revenu
- utilisation plus fréquente de crystal meth lors d’activités sexuelles
- perception d’avoir un besoin d’aide plus important
Enjeux à considérer
Se fondant sur ces résultats et d’autres, ainsi que sur des analyses statistiques et ses propres connaissances concernant les soins et les services destinés aux utilisateur·trice·s de crystal meth, l’équipe de recherche a soulevé de nombreux points intéressants et formulé quelques recommandations :
Des lignes directrices thérapeutiques et d’autres services sont nécessaires
« Il faut améliorer grandement le statu quo dans les systèmes médicaux et de santé publique afin de mieux servir les personnes ayant besoin de soins. Cela est compatible avec la grande quantité de publications soulignant les obstacles aux soins rencontrés par les personnes qui utilisent des drogues. Cet enjeu est d’autant plus grand qu’il existe un manque de lignes directrices thérapeutiques uniformes et de traitements efficaces pour les personnes utilisant de la méthamphétamine, et encore moins pour les populations ayant des besoins particuliers comme les HARSAH de minorités sexuelles et de genre. Nous recommandons l’élaboration de lignes directrices cohérentes, de traitements efficaces et de messages de santé publique favorisant l’inclusion des populations marginalisées, notamment les HARSAH appartenant aux minorités sexuelles et de genre ».
Sous un même toit
Selon l’équipe de recherche, les personnes à faible revenu avaient l’impression d’éprouver plus de difficulté à obtenir de l’aide pour combattre un problème d’utilisation de substances. Aussi, lors d’autres études, des personnes à faible revenu disaient se heurter à des obstacles lorsqu’elles tentaient d’obtenir des soins pour un problème de drogue. Les études en question ont mis en évidence les deux obstacles suivants, entre autres :
- mauvaise qualité de l’interaction avec les prestataires de soins
- complexité du système de santé
L’équipe de recherche a recommandé l’allocation de fonds pour ce qu’elle décrivait comme « des services interdisciplinaires intégrés » destinés aux personnes utilisant du crystal meth. Il s’agirait idéalement d’offrir, « sous un même toit, des soins intégrés facilement accessibles qui tiennent compte des différences culturelles et des séquelles de traumatismes. Le besoin de ces services est particulièrement criant étant donné la bifurcation des services adaptés spécifiquement aux HARSAH de minorités sexuelles et de genre et ceux destinés à d’autres personnes qui utilisent des drogues ». Selon l’équipe de recherche, les services adaptés aux HARSAH « risquent de ne pas être adaptés sur le plan culturel pour les personnes utilisant de la méthamphétamine », et vice versa.
Utilisation de drogues à des fins sexuelles
L’équipe de recherche a fait le commentaire suivant à propos de l’utilisation de drogues pendant les activités sexuelles : « Étant donné que la consommation sexualisée de drogues offre un contexte important pour les connexions sociales et l’expression sexuelle, les participants pourraient craindre une perte de connexion sociale avec leurs amis ou une perte de leur subculture et de leur identité sexuelles s’ils réduisaient ou arrêtaient l’utilisation de méthamphétamine. Il est important de souligner que le sexe est une porte d’accès primordiale aux connexions sociales et à l’amitié pour les [HARSAH], et que le party and play est un contexte où cela peut avoir lieu, étant donné les effets que les drogues comme la méthamphétamine exercent sur les sentiments de plaisir et d’intimité. Il va de soi cependant que ces bienfaits n’annulent pas nécessairement les méfaits qui peuvent résulter de l’utilisation à des fins récréatives. Nous avons en effet observé qu’une fréquence plus élevée d’utilisation était associée à une plus fréquente consommation sexualisée de méthamphétamine ».
Selon l’équipe de recherche, la stigmatisation de l’utilisation de drogues existe de toujours parmi certain·e·s prestataires de services centrés sur les HARSAH. Elle a également souligné que certains services de réduction des méfaits n’ont pas toujours été adéquatement outillés pour servir les HARSAH. Ces deux facteurs peuvent constituer un obstacle à l’accès aux soins.
Et d’ajouter l’équipe : « Il est essentiel que les services [destinés à] des groupes particuliers (p. ex., les personnes qui s’injectent des drogues ou des HARSAH de minorités sexuelles ou de genre) se soutiennent et collaborent pour faciliter l’accès. Cela a des implications pour la conception et l’emplacement des services de soutien. On pourrait trouver des occasions de surmonter les obstacles sociaux aux soins en créant des services inclusifs qui reconnaissent le rôle important que joue le sexe dans les connexions sociales dans la communauté des HARSAH de minorités sexuelles et de genre ».
Nécessité de services de réduction des méfaits adaptés
L’équipe de recherche a commenté ainsi la nécessité de services de réduction des méfaits adaptés spécifiquement aux personnes utilisant du crystal meth : « Étant donné la prévalence de l’utilisation de drogues injectables et du partage de matériel d’injection dans cet échantillon, les stratégies de réduction des méfaits devraient mettre l’accent sur la distribution de matériel et la prestation de services centrés à la fois sur l’utilisation de drogues et l’activité sexuelle. Il s’agirait de fournir, entre autres, des seringues neuves, des trousses d’inhalation, des gants, des condoms, du lubrifiant, de la prophylaxie pré-exposition et des tests de dépistage de l’hépatite C. Les organismes qui offrent ce genre de services et de matériels seraient sans doute bien placés aussi pour diriger des gens vers des services de soutien visant la réduction de l’utilisation de drogues ».
Connexion avec un·e prestataire de soins
L’équipe de recherche a soulevé le point suivant aussi : « En veillant à ce que toutes les personnes aient un·e prestataire de soins primaires, elles auront plus de chances de se faire diriger vers des services de traitement de l’usage de substances et des maladies mentales. En ce qui a trait aux patient·e·s ayant déjà un·e prestataire de soins primaires, les tests de dépistage, les interventions de courte durée et l’aiguillage vers un service de traitement peuvent faciliter un dialogue sur l’utilisation de substances ou encore la sensibilisation des patient·e·s quant à leurs options de traitement et à la manière d’obtenir les services et les soutiens nécessaires ».
L’équipe de recherche a conclu ainsi son rapport : « L’intégration plus efficace des services de santé et des services sociaux et de soutien destinés aux utilisateur·trice·s de substances pourrait réduire certaines difficultés que les HARSAH de minorités sexuelles et de genre affirment éprouver pour obtenir de l’aide pour un problème de drogue ».
—Sean R. Hosein
Ressources
Le Party and Play au Canada : Quel est son impact sur la santé des hommes gais? – Point de mire sur la prévention
Fête intime – Vision positive
The Crystal Methamphetamine Project – Centre de recherche communautaire
REFERENCES:
- Card K, McGuire M, Bond-Gorr J et al. Perceived difficulty of getting help to reduce or abstain from substances among sexual and gender minority men who have sex with men (SGMSM) and use methamphetamine during the early period of the COVID-19 pandemic. Substance Abuse Treatment, Prevention, and Policy. 2021 Dec 13;16(1):88.
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