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CATIE
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  • Une équipe de recherche a analysé les caractéristiques cliniques de l’éclosion de la variole simienne en Espagne
  • Des frottis de lésions donnent à penser que le virus se transmet lors des contacts directs de nature sexuelle
  • Une inflammation s’est produite aux sites d’exposition chez des hommes ayant eu des rapports anaux ou oraux réceptifs

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La variole simienne est une maladie causée par l’infection par le virus de la variole simienne. À la fin avril 2022, une éclosion de variole simienne s’est déclarée en Europe occidentale puis s’est répandue rapidement au Canada, aux États-Unis et à d’autres pays. Cette éclosion a ceci de frappant qu’elle touche principalement des hommes gais, bisexuels et d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (gbHARSAH).

Avant 2022, des éclosions de variole simienne se produisaient de temps en temps en République démocratique du Congo (RDC) et au Nigéria. Or, dans les pays à revenu élevé, la variole simienne restait une maladie négligée comparativement à d’autres affections médicales. Par conséquent, les connaissances sur le virus de la variole simienne, ses modes de transmission et la maladie qu’il est susceptible de provoquer sont relativement limitées.

Espagne

Une équipe de recherche œuvrant dans trois cliniques d’Espagne a mené une étude auprès de personnes rétablies d’un épisode de variole simienne. L’équipe clinique a effectué des prélèvements sur les tissus touchés et les participant·e·s ont répondu à de nombreuses questions qu’elle leur a posées.

Résultats clés

  • Les participant·e­·s ont éprouvé un éventail de symptômes, dont plusieurs étaient graves, voire extrêmement douloureux dans certains cas.
  • L’équipe de recherche a trouvé des concentrations plus élevées du virus de la variole simienne dans les frottis de lésions cutanées que dans les échantillons prélevés dans la gorge. Cette différence laisse penser que le virus ne se transmet pas par l’inhalation de gouttelettes respiratoires contaminées, mais plus vraisemblablement par les contacts de peau à peau ayant lieu lors des relations sexuelles.
  • L’inflammation rectale s’est produite plus fréquemment chez les hommes ayant eu des relations anales réceptives.
  • L’inflammation des amygdales s’est produite plus fréquemment chez les personnes ayant eu des relations bucco-génitales réceptives.

L’équipe de recherche encourage les clinicien­·ne·s à soupçonner un cas de variole simienne chez les personnes les consultant pour des lésions dans l’anus, sur les organes génitaux, dans la bouche ou la gorge ou à proximité.

Détails de l’étude

Les équipes de recherche de Barcelone et de Madrid ont interrogé des patient­·e·s qui s’étaient fait soigner dans des cliniques de santé sexuelle. Dans celles-ci, avant l’éclosion de la variole simienne, les clinicien·ne·s traitaient collectivement une centaine de personnes par jour pour des infections transmissibles sexuellement (ITS).

Pour toutes les personnes soupçonnées d’avoir la variole simienne, on a analysé des prélèvements de lésions cutanées et d’autres régions du corps afin de chercher la présence du matériel génétique du virus de la variole simienne à l’aide d’un test d’amplification en chaîne par polymérase (PCR). Seules les données se rapportant aux personnes présentant un cas de variole simienne confirmé par test PCR, soit 181 personnes, ont été utilisées pour cette étude.

Douze médecins se spécialisant dans les maladies de la peau ou les ITS ont interrogé les participant·e·s en utilisant un formulaire normalisé. Le suivi du groupe s’est déroulé du 11 mai au 13 juillet 2022.

Les participant·e·s avaient le profil moyen suivant :

  • 97 % d’hommes, 3 % de femmes
  • âge : 37 ans
  • 92 % étaient des hommes gais, bisexuels ou d’autres HARSAH; 5 % étaient des hommes hétérosexuels et 3 %, des femmes hétérosexuelles
  • 18 % avaient été vacciné·e·s antérieurement contre la variole (virus s’apparentant à la variole simienne; nous y reviendrons plus loin dans ce bulletin)
  • 40 % avaient le VIH

Résultats

Des lésions cutanées causées par la variole simienne étaient présentes chez l’ensemble des participant·e·s, dans les proportions suivantes :

  • région anale et/ou génitale : 78 %
  • bouche et gorge : 43 %

La majorité des participant·e·s (92 %) avaient 20 lésions ou moins.

Environ 85 % des participant·e·s avaient des ganglions lymphatiques enflés à l’aine ou dans le cou. Cela n’a rien de surprenant, car les ganglions lymphatiques se gonflent lorsqu’il y a une infection dans le corps.

Complications péniennes

Tout comme lors d’une étude menée antérieurement en Angleterre, certains participants à l’étude espagnole ont présenté des plaies et des lésions péniennes causées par le virus de la variole simienne. Celles-ci ont causé une accumulation douloureuse de liquide dans les tissus du pénis. Les hommes en question avaient également de la difficulté à rétracter leur prépuce.

Infection au VIH

Soixante-douze hommes (40 %) atteints de variole simienne avaient également le VIH. Sur ce nombre, 71 (99 %) suivaient un traitement antirétroviral (TAR). La plupart de ces hommes avaient un compte de CD4+ élevé, soit supérieur à 500 cellules/mm3. Dans l’ensemble, comme les rapports provenant d’autres pays à revenu élevé l’indiquent, l’équipe de recherche espagnole n’a pas constaté d’augmentation de l’intensité ou de la durée des symptômes de la variole simienne chez les personnes vivant avec le VIH.

Vaccination antérieure contre la variole

Le virus de la variole est un proche parent du virus de la variole simienne. La variole a causé la mort de très nombreuses personnes pendant des millénaires. Même au milieu du 20e siècle, on attribuait quelque 300 millions de décès à la variole. Cependant, grâce à une campagne de vaccination de grande échelle lancée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la variole a été éradiquée. Or, lorsque cette campagne de vaccination systématique a pris fin dans les années 1970, des scientifiques ont remarqué que des cas de variole simienne commençaient à émerger en République démocratique du Congo et au Nigéria. Dans un premier temps, la maladie touchait principalement des enfants (non vaccinés contre la variole), mais au fil des décennies subséquentes, l’âge des personnes touchées a augmenté, et des adultes ont fini par contracter la variole simienne.

D’un point de vue historique, il est très probable que la vaccination systématique contre la variole conférait une protection contre la variole simienne puisque les deux virus étaient de la même famille. Cependant, des scientifiques ont remarqué que la fin des campagnes de vaccination contre la variole a entraîné un affaiblissement de l’immunité contre la variole simienne (on parle ici de l’immunité conférée par le vaccin antivariolique). Selon certain·e·s scientifiques, l’effet combiné de la cessation de la vaccination antivariolique et de la présence du virus de la variole simienne chez des animaux sauvages en RDC et au Nigéria aurait augmenté le risque de variole simienne chez les populations de ces pays.

Éclosion actuelle et vaccination antivariolique antérieure

Dans l’étude espagnole, l’équipe de recherche a déterminé les antécédents de vaccination antivariole des participant·e·s. Elle a constaté que 32 personnes (18 %) avaient été vaccinées dans l’enfance. Dans ces cas, la vaccination n’a toutefois pas réussi à prévenir l’infection par la variole simienne à l’époque actuelle. L’équipe n’a pas présenté de données sur la dose ou le type de vaccin antivariolique administré à ces personnes dans le passé, mais il est certain qu’elles n’ont pas reçu le vaccin antivariolique approuvé à l’heure actuelle (Imvamune au Canada, Imvanex en Europe et Jynneos aux É.-U.). On utilise maintenant ce dernier pour vacciner les personnes présentant un risque élevé de contracter le virus de la variole simienne.

Infections transmissibles sexuellement

En tout, 31 personnes se sont fait diagnostiquer une ITS dans le cadre des évaluations effectuées par les cliniques participant à cette étude. Les ITS les plus courantes étaient la chlamydiose et la syphilis.

Ulcérations amygdaliennes et sexe oral

Chez 19 participant·e·s présentant des amygdales enflammées, toutes et tous avaient des « lésions ulcératives blanches sur les amygdales », selon l’équipe de recherche. Notons que les tests de dépistage de l’angine à streptocoques se sont révélés négatifs dans tous les cas. L’équipe de recherche a souligné que 95 % des hommes en question disaient avoir eu des relations sexuelles bucco-génitales réceptives.

Types de relations sexuelles et variole simienne

L’équipe de recherche a affirmé ceci : « Presque tou·te·s les participant·e·s avaient eu une exposition sexuelle antérieure à une personne atteinte de variole simienne ou présentaient des facteurs de risque de maladies transmissibles sexuellement, tel le fait d’avoir eu de multiples partenaires sexuel·le·s dans les 12 semaines précédant leur diagnostic de variole simienne… »

À la lumière de ces données, les auteur·e·s de l’étude ont fait les déclarations suivantes :

  • « Les gbHARSAH qui avaient eu des relations sexuelles anales réceptives [étaient plus susceptibles de présenter une inflammation rectale] que les gbHARSAH n’ayant pas eu de relations anales réceptives. »
  • « Les gbHARSAH qui avaient eu des relations sexuelles anales réceptives présentaient également des symptômes systémiques avant [l’apparition] de l’éruption cutanée plus fréquemment que les hommes n’ayant pas eu de relations anales réceptives. »

Notons que la liste de symptômes systémiques inclut les suivants : fièvre, maux de tête, fatigue et manque d’énergie inexplicables, douleur ou sensibilité musculaire et douleur osseuse.

Douleur

Les complications causées par la variole simienne, notamment les ulcérations et l’inflammation tissulaire, peuvent être douloureuses. Selon l’équipe de recherche, « plus du tiers des participant·e·s présentaient des complications nécessitant des médicaments analgésiques ». Voici une liste des complications les plus courantes :

  • inflammation rectale, cause possible de ce que l’équipe de recherche a qualifié de « démangeaisons intenses »
  • inflammation des amygdales
  • accumulation de liquide dans les tissus du pénis
  • abcès bactériens

Sexe anal réceptif

Dans la présente étude, l’équipe de recherche a constaté que les participant·e·s faisant état de relations anales réceptives étaient plus susceptibles d’éprouver des symptômes systémiques avant l’apparition de lésions cutanées. L’équipe espagnole a proposé deux explications pour ce phénomène :

  1. « Il est possible que le sexe anal endommage la [paroi du rectum] et permette ainsi au [virus de la variole simienne d’entrer dans le sang]. » Cela donnerait lieu à des taux élevés de virus de la variole simienne « dès un stade précoce, alors que les lésions locales ne se sont pas encore formées ».
  2. « Une autre explication est que les participant·e·s avaient en fait des lésions rectales au moment de [leur consultation initiale en clinique], mais celles-ci n’ont pas été détectées. Un phénomène semblable a déjà été observé chez [d’autres] patient·e·s atteint·e·s de syphilis : les gbHARSAH sont moins susceptibles de présenter une syphilis primaire parce que les [lésions] rectales passent souvent inaperçues ».

Temps d’incubation

Compte tenu des antécédents sexuels des participant­·e·s et du moment où les symptômes de la variole simienne sont apparus, l’équipe de recherche a estimé que le virus de la variole simienne avait un temps d’incubation de sept jours. Autrement dit, les lésions ou les autres symptômes apparaissaient en moyenne sept jours après l’exposition au virus.

Transmission

Des contacts intimes ont lieu avant et pendant les relations sexuelles, notamment des contacts de peau à peau et l’échange de salive et de liquides génitaux. Les tests PCR ont révélé que les prélèvements de lésions cutanées contenaient environ trois fois plus de virus que les prélèvements effectués dans la gorge. D’ailleurs, certains frottis de la gorge n’ont révélé aucun virus détectable. L’ensemble de ces résultats porte à croire que le virus de la variole simienne se transmet probablement lors des contacts intimes ayant lieu avant et pendant les relations sexuelles. À ce propos, l’équipe de recherche a affirmé spécifiquement que l’inhalation de gouttelettes respiratoires provenant de personnes infectées causait « peu ou pas de transmission ».

L’équipe de recherche a souligné que la transmission d’infections au sein des réseaux sexuels des gbHARSAH n’avait rien de nouveau. Dans certains réseaux, on a déjà observé des éclosions des infections suivantes :

  • lymphogranulomatose vénérienne (LGV)
  • Shigella résistant aux antibiotiques
  • virus de l’hépatite A

À l’avenir

Comme il arrive typiquement lors de l’émergence de toute infection nouvelle, les équipes de recherche recueillent des données aussi vite que possible et se dépêchent de publier leurs résultats afin d’alerter les professionnel·le·s de la santé et de la santé publique. Il reste toutefois beaucoup de travail à faire dans le cas de la variole simienne. Notons, par exemple, que l’équipe espagnole n’a pas analysé le degré d’infectiosité des échantillons de sperme et de sang prélevés chez les hommes atteints de variole simienne. Le rôle joué par ces liquides dans la transmission du virus reste conséquemment inconnu.

De plus, il aurait été souhaitable que l’équipe espagnole évalue les changements dans les quantités de virus de la variole simienne présentes au fil du temps dans différentes parties du corps.

Espérons que les autres études en cours sauront nous éclairer à l’égard de ces questions.

—Sean R. Hosein

Ressources

Des médecins d’Angleterre font état de symptômes additionnels associés à la variole simienne Nouvelles CATIE

Variole simienne : Modes de transmission, prévention et risquesGouvernement du Canada

Ce qu’il faut savoir sur la variole simienne à MontréalSanté Montréal

Variole du singeBC Centre for Disease Control (BCCDC)

MonkeypoxU.S. Centers for Disease Control and Prevention (CDC)

RÉFÉRENCES :

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  4. Thornhill JP, Barkati S, Walmsley S et al. Monkeypox virus infection in humans across 16 countries – April-June 2022. New England Journal of Medicine. 2022 Aug 25;387(8):679-691. 
  5. Simpson K, Heymann D, Brown CS et al. Human monkeypox: After 40 years, an unintended consequence of smallpox eradication. Vaccine. 2020 Jul 14;38(33):5077-5081.