- 60 % des personnes séropositives de New York qui sont décédées n'avaient pas connu de suppression virale pendant leur traitement.
- Les taux de suppression virale étaient les plus faibles parmi les femmes, les jeunes, les Noirs et les Hispaniques, ainsi que dans les quartiers à faible revenu.
- Les chercheurs réclament des programmes pour orienter les personnes séropositives vers les soins et le traitement et les aider à prendre les médicaments tous les jours.
Selon les estimations des chercheurs du Canada et d'autres pays à revenu élevé, de nombreuses personnes vivant avec le VIH qui sont diagnostiquées peu de temps après l'infection, qui commencent rapidement un traitement (TAR) et qui consultent régulièrement leur(s) médecin(s) ont de bonnes chances de connaître une longévité quasi-normale.
Le processus qui va du diagnostic de séropositivité à l'atteinte et au maintien d'une charge virale indétectable consiste en plusieurs étapes. Il s'agit d'obtenir des soins, de se faire offrir un TAR, de prendre son traitement tous les jours tel qu'il est prescrit et de respecter ses rendez-vous réguliers à la clinique et au laboratoire. Ce processus complet porte plusieurs noms différents : le continuum des soins du VIH, la cascade des soins du VIH ou tout simplement la cascade.
Des études menées dans les pays et régions à revenu élevé ont permis de constater des lacunes à chaque étape de la cascade qui font en sorte que tous les patients ne réussissent pas à passer d'une étape à la suivante. Il sera essentiel de combler ces lacunes pour permettre aux gens d'améliorer leur santé et de connaître les bienfaits à long terme du TAR pour la survie.
Des chercheurs à New York ont passé au crible les données de santé recueillies auprès de dizaines de milliers de personnes séropositives entre 2007 et 2013 afin d'évaluer leur passage à travers la cascade des soins. Les chercheurs se sont concentrés sur les personnes décédées dont les données se rapportaient au minimum à la dernière année de leur vie. Ils ont constaté des brèches dans la cascade des soins pour une forte proportion des personnes décédées. Par exemple, notons que seulement 40 % des personnes mortes avaient une charge virale indétectable dans l'année précédant leur décès. De plus, près de la moitié des décès qui se sont produits étaient attribuables à des causes liées au VIH, ce qui laisse soupçonner un dysfonctionnement immunologique de haut degré. Tous ces éléments portent à croire que l'un ou plusieurs des problèmes suivants ont joué un rôle dans le décès de ces personnes :
- problèmes de santé coexistants
- obstacles à l'accès aux soins et au traitement du VIH
- mauvaise observance thérapeutique du TAR
Cette étude menée à New York souligne le fait que les lacunes de la cascade des soins du VIH continuent à se produire et ce, même dans les pays à revenu élevé. Les résultats de cette étude sont décourageants, mais les chercheurs ont affirmé qu'ils « devraient être utilisés pour inspirer et soutenir des stratégies novatrices pour faciliter la progression des personnes recevant des soins vers les étapes ultimes du continuum des soins afin qu'elles [atteignent et maintiennent] la suppression virale ».
Espérons que cette étude poussera d'autres villes et régions à évaluer leur cascade des soins et à s'engager à intervenir pour combler toute lacune.
Détails de l'étude
Durant la période de l'étude, les chercheurs ont analysé les données recueillies auprès de 11 187 personnes séropositives qui étaient décédées. Leur profil moyen dans l'année précédant leur décès était le suivant :
- 68 % d'hommes, 32 % de femmes
- principaux groupes ethnoraciaux : Noirs – 52 %, Hispaniques – 35 %, Blancs – 12 %
- la vaste majorité des décès se sont produits lorsque les personnes en question avaient plus de 40 ans
- principales voies d'infection : partage de matériel pour s'injecter des drogues – 36 %; relations sexuelles sans condom entre hommes – 17 %; relations sexuelles sans condom entre hommes et femmes – 18 % (Remarque : Dans une grande proportion de cas, soit plus de 25 %, les chercheurs ne savaient pas avec certitude de quelle façon les personnes en question avaient contracté l'infection.)
Les chercheurs ont défini la « suppression virale » comme l'obtention d'un résultat de 200 copies/ml (ou moins) au test de la charge virale; notons que ce chiffre représente la limite de quantification inférieure de la majorité des tests effectués au cours de l'étude (New York Department of Health and Mental Hygiene, communiqué personnel.)
Résultats — Lacunes dans la cascade des soins
Les chercheurs ont découvert des lacunes à chaque étape de la cascade, comme suit :
- 98 % des personnes ayant reçu un diagnostic de VIH ont été orientées vers des soins
- 80 % ont continué à recevoir des soins
- 66 % se sont fait offrir un TAR
- 40 % ont atteint une suppression virale
Ce dernier résultat mérite d'être souligné parce qu'il révèle que la majorité (60 %) des personnes qui sont décédées n'avaient pas une charge virale supprimée dans la dernière année de leur vie. Ces personnes étaient plus susceptibles de succomber à des complications liées à l'infection au VIH que les personnes dont la charge virale était supprimée. De plus, les personnes mortes de causes liées au VIH avaient tendance à avoir un compte de CD4+ plus faible (143 cellules/mm3) que les personnes dont le décès n'était pas lié au VIH (308 cellules/mm3).
Différentes populations
Selon les chercheurs, la répartition des différentes populations (hommes gais et bisexuels, utilisateurs de drogues, groupes ethnoraciaux) était plus ou moins semblable lors des étapes initiales de la cascade. Cependant, lors des étapes ultérieures de la cascade, les chercheurs ont constaté des « différences plus prononcées » entre les populations en ce qui avait trait à la suppression virale :
- Les taux de suppression virale étaient plus élevés parmi les hommes (35 %) que parmi les femmes (30 %), et plus élevés parmi les Blancs (42 %) que parmi les Noirs (32 %) ou les Hispaniques (33 %).
Les personnes plus âgées ont connu des taux de suppression virale plus élevés que les personnes plus jeunes. Ce résultat n'est pas étonnant, car nombre d'études ont révélé que cela est généralement le cas dans les pays à revenu élevé.
Revenu et suppression virale
Même si les chercheurs n'avaient pas accès aux données relatives au revenu individuel des participants, ils ont été en mesure d'évaluer le revenu moyen des quartiers et de déterminer le lieu de résidence des participants (grâce à l'accès aux codes postaux). Les chercheurs ont découvert que les taux de suppression virale étaient les plus faibles parmi les personnes de quartiers à faible revenu.
Un besoin insatisfait
En 2013, 64 % de toutes les personnes séropositives à New York avaient une charge virale supprimée, selon les chercheurs. Cependant, seulement 40 % des personnes qui sont mortes entre 2007 et 2013 avaient une charge virale supprimée. Les chercheurs ont affirmé que ce résultat « souligne la nécessité — et l'opportunité — de créer des services de prise en charge clinique plus efficaces et des services de soutien destinés aux personnes ayant une charge virale non supprimée en VIH ». Selon les chercheurs, ces résultats portent à croire que « les comorbidités et les barrières psychologiques et/ou structurales à l'observance thérapeutique pourraient être plus répandues parmi [les personnes séropositives] qui courent le risque de mourir ».
Les chercheurs ont réclamé le développement d'interventions qui « cherchent à améliorer et à promouvoir » la connexion à long terme et continuent avec les soins médicaux du VIH afin de réduire les taux de mortalité. Ils souhaitent également la mise sur pied de programmes pour rappeler aux gens de prendre leur TAR tous les jours et les aider à le faire.
Cette étude menée par des chercheurs new-yorkais est importante parce qu'elle documente le fait que les lacunes de la cascade des soins du VIH continuent de se produire. Dans certains cas, ces lacunes ont des conséquences tragiques. Si l'on souhaite réaliser tous les bienfaits du TAR pour la survie, il faudra porter plus d'attention à toutes les étapes de la cascade des soins. Ces résultats devraient encourager les planificateurs des politiques de la santé et les cliniques de New York et d'autres villes à intensifier leurs efforts pour suivre le cheminement des gens à travers la cascade des soins et appliquer des interventions pour les aider à rester arrimés aux soins, sous TAR et en bonne santé. De telles interventions coûtent de l’argent, certes, mais des chercheurs en Colombie-Britannique et aux États-Unis ont trouvé que, à long terme, les interventions de ce genre permettaient d'économiser plus d'argent qu'elles n'en coûtaient.
Ressources
TAR et survie
Qu'est-ce qui réduit la survie 10 ans après l'amorce du TAR en Amérique du Nord et en Europe? – TraitementActualités 217
Espérance de vie prolongée pour les personnes séropositives en Amérique du Nord – TraitementActualités 200
Exploration des facteurs contribuant à la survie prolongée des personnes sous TAR – TraitementActualités 200
L’infection au VIH à long terme et la qualité de vie liée à la santé – Nouvelles CATIE
Des chercheurs suisses évaluent la consommation de drogues et son impact sur la santé et la survie – Nouvelles CATIE
Observance thérapeutique
Une intervention dirigée par une infirmière améliore l'observance du traitement du VIH et réalise des économies – Nouvelles CATIE
Des chercheurs de la Colombie-Britannique trouvent que les femmes ont besoin d'aide pour suivre fidèlement leur traitement – Nouvelles CATIE
Cascade des soins du VIH
La C.-B. découvre que les programmes de dépistage et du traitement du VIH économisent de l'argent – Nouvelles CATIE
La cascade du traitement du VIH : Colmater les fuites afin d'améliorer la prévention du VIH – Point de mire sur la prévention
Une étude américaine révèle des obstacles à la prescription du TAR – Nouvelles CATIE
La cascade de la participation aux soins – Vision positive
90–90–90 : Une cible ambitieuse de traitement pour aider à mettre fin à l'épidémie du sida – ONUSIDA
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE
Braunstein SL, Robbins RS, Daskalakis DC. Missed Opportunities: Adapting the HIV care continuum to reduce HIV-related deaths. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2017 Nov 1;76(3):231-240.