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CATIE

Au Canada et dans les autres pays à revenu élevé, la grande accessibilité des combinaisons de médicaments puissants contre le VIH ou traitement antirétroviral (couramment appelé TAR) a fait en sorte que les lésions cérébrales graves liées au VIH sont rares à l’époque actuelle. Il n’empêche que les chercheurs découvrent encore des formes plus légères de lésions cérébrales associées au VIH. Ces cas plus légers sont souvent subtils, notamment lorsqu’ils sont asymptomatiques, et le diagnostic se fait probablement le mieux à l’aide d’épreuves neuropsychologiques complexes et qui prennent beaucoup de temps.

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Les chercheurs qui étudient le cerveau de nos jours séparent les lésions cérébrales liées au VIH en trois catégories :

  • Déficience neurocognitive asymptomatique (déficience neurocognitive sans symptômes) : Dans les cas de ce genre, les tests détectent une dégradation subtile ou légère de la mémoire et des processus cognitifs que l’on n’observe pas habituellement chez les personnes du même âge et du même niveau de scolarité. Le déclin en question n’est pas suffisamment grave pour compromettre la capacité de la personne à participer aux activités quotidiennes.
  • Trouble neurocognitif léger (TNL) : Les tests détectent au moins un déclin modeste de la mémoire et des processus cognitifs. À cause de ce déclin, le niveau de fonctionnement des personnes atteintes est inférieur à celui des personnes en bonne santé du même âge et du même niveau de scolarité. Dans les cas de TNL, la capacité à accomplir les activités quotidiennes est généralement seulement quelque peu compromise.
  • Démence liée au VIH : Les tests révèlent un déclin grave de la cognition et de la mémoire et une réduction modérée à grave de la capacité à accomplir les activités du quotidien.

Les chercheurs ont donné à l’ensemble de ces trois catégories le nom de trouble neurologique associé au VIH ou HAND (acronyme anglais pour HIV-associated neurological disorder). Selon les estimations de certains neuroscientifiques, environ 50 % à 60 % de toutes les personnes séropositives souffriraient du trouble HAND jusqu’à un certain degré.

Conditionnement cérébral

Dans le but de réduire les effets des formes plus légères des lésions cérébrales liées au VIH, les chercheurs étudient des stratégies fondées sur les exercices de conditionnement cérébral. Il s’agit d’exercices sur ordinateur qui ont habituellement le format d’un jeu. Ces exercices sont conçus pour stimuler le cerveau de sorte que la répétition des jeux contribue à améliorer la mémoire, la concentration, la fluidité verbale et d’autres fonctions chez les personnes qui les font.

Lors d’expériences menées auprès de personnes séronégatives, on a constaté que divers programmes de conditionnement cérébral facilitaient la réadaptation des fonctions neurocognitives chez des personnes qui avaient subi un AVC ou un trauma, ainsi que chez des aînés en bonne santé. Depuis plusieurs années, les recherches préliminaires menées au Canada et aux États-Unis indiquent que les exercices de conditionnement cérébral procurent quelques bienfaits aux personnes ayant le VIH.

Une nouvelle étude

Récemment, des chercheurs à l’Université d’Hawaï ont mené une étude randomisée de relativement grande envergure pour comparer l’entraînement cérébral adaptatif à l’entraînement cérébral non adaptatif. Dans les programmes de conditionnement cérébral adaptatif, les participants doivent accomplir des tâches qui deviennent graduellement plus difficiles à mesure que le logiciel s’adapte à leurs capacités. Lors de l’étude hawaïenne, les chercheurs ont constaté des améliorations de plusieurs fonctions neurocognitives différentes chez certains participants séropositifs, notamment lorsqu’ils faisaient des exercices de conditionnement cérébral adaptatif. De plus, des examens IRM (imagerie par résonance magnétique) du cerveau des participants ont laissé croire que des améliorations du traitement de l’information s’étaient produites dans différentes régions du cerveau et entre elles. Dans certains cas, les effets des programmes de conditionnement cérébral ont persisté pendant jusqu’à six mois après que les participants ont cessé de faire les exercices.

Détails de l’étude

Avant d’inscrire les participants au programme de conditionnement cérébral, les chercheurs leur ont fait passer un test de QI, des tests de dépistage du VIH et d’autres infections, des épreuves neuropsychologiques et d’autres évaluations. Ensuite, ils ont choisi au hasard 173 participants (83 séropositifs et 90 séronégatifs) pour suivre un entraînement cérébral adaptatif ou non adaptatif dans le but de constater l’impact de ces entraînements sur la mémoire de travail (voir l’explication ci-dessus).

À propos de la mémoire de travail

L’équipe de recherche a défini la mémoire de travail comme suit : « la capacité cognitive impliquée dans la rétention et la manipulation de l’information sur de courtes périodes. Ainsi, la mémoire de travail est nécessaire à la concentration et au maintien de la conscience et joue un rôle crucial dans l’apprentissage et [les activités de planification, d’organisation et de résolution des problèmes] ». Selon les chercheurs, les déficits de la mémoire de travail peuvent compromettre l’observance thérapeutique, soit la capacité des personnes à prendre le TAR tous les jours en suivant les prescriptions à la lettre.

Retour à l’étude

Les chercheurs ont utilisé un programme de conditionnement cérébral appelé Cogmed. Lors des essais cliniques, on a trouvé que ce logiciel aidait à améliorer la mémoire de travail dans les cas suivants sans infection au VIH : chez certains enfants atteints du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, ainsi que chez des adultes atteints de lésions cérébrales.

Pendant l’étude, les participants devaient participer à entre 20 et 25 séances de conditionnement cérébral sur une période de cinq à huit semaines. Chaque séance durait entre 30 et 40 minutes.

Les participants séropositifs avaient le profil moyen suivant au moment de leur entrée à l’étude :

  • âge : mi-cinquantaine
  • 90 % d’hommes, 10 % de femmes
  • 96 % suivaient un TAR, et 77 % des participants sous TAR avaient une charge virale indétectable
  • compte de CD4+ supérieur à 500 cellules/mm3
  • durée de l’infection au VIH : 16 ans

La répartition de facteurs comme la race/ethnie, le statut socioéconomique et les symptômes de dépression était semblable dans les groupes de participants séropositifs et séronégatifs.

Abandons prématurés

Même si les chercheurs ont choisi au hasard 173 personnes pour participer aux interventions de l’étude, c’est-à-dire les exercices de conditionnement cérébral adaptatif ou non adaptatif, les taux d’abandon ont été relativement élevés, soit 35 % dans le groupe faisant les exercices adaptatifs et 29 % dans le groupe faisant les exercices non adaptatifs. Selon les chercheurs, il est possible que les exercices de conditionnement cérébral aient été « trop difficiles » pour les participants qui ont quitté l’étude parce que ces personnes avaient tendance à avoir un QI plus faible (différence statistiquement significative) et à éprouver plus de symptômes de dépression. De plus, parmi les personnes séropositives, les participants qui sont partis étaient plus susceptibles d’avoir une déficience neurocognitive liée au VIH que les participants qui sont restés. Les personnes qui ont quitté l’étude et celles qui sont restées avaient un profil semblable en ce qui concerne l’âge, le genre, les origines ethnoraciales et le statut socioéconomique.

Résultats clés

  • Au début de l’étude, les chercheurs ont constaté que, en tant que groupe, les personnes séropositives avaient tendance à avoir une durée d’attention plus courte et/ou une mémoire de travail plus faible que les personnes séronégatives en bonne santé du même âge et du même sexe. Cependant, selon les chercheurs, les résultats de ce genre sont « typiques » parmi les personnes séropositives ayant une déficience neurocognitive sans symptômes.
  • Les exercices de conditionnement cérébral adaptatifs ont donné lieu à une amélioration considérable de la mémoire de travail chez de nombreux participants un mois et six mois après la cessation de l’entraînement.
  • Les participants qui ont suivi l’entraînement cérébral adaptatif ont subséquemment signalé moins de symptômes découlant de problèmes associés à ce que les neuropsychologues appellent les « fonctions exécutives ». Ces dernières incluent les tâches nécessitant la planification, l’organisation et la résolution des problèmes.
  • Parmi les personnes séropositives qui ont suivi l’entraînement cérébral adaptatif, les chercheurs ont constaté que, dans l’ensemble, leurs capacités neurocognitives ont atteint des niveaux « semblables ou plus élevés que le rendement des [participants séronégatifs en bonne santé] au début de l’étude ».
  • Les IRM ont révélé des changements suggérant des améliorations dans le cerveau des participants qui faisaient les exercices de conditionnement cérébral adaptatif. Selon les chercheurs, avant le début des exercices de conditionnement cérébral, les IRM des participants séropositifs laissaient croire que les connexions entre différentes parties du cerveau étaient quelque peu anormales. Au cours de l’étude, à mesure que les participants séropositifs faisaient plus d’exercices de conditionnement cérébral, ces connexions se sont réorganisées et sont devenues semblables à ce que l’on avait observé au début de l’étude chez les personnes séronégatives en bonne santé du même âge et du même sexe. Il est probable que ces changements étaient à l’origine des améliorations de la mémoire de travail des participants.

Vers l’avenir

Cette étude hawaïenne a donné des résultats très prometteurs et devrait encourager la tenue d’autres essais cliniques de plus grande envergure centrés sur la réadaptation cérébrale chez les personnes séropositives. La nécessité de telles recherches va sans doute s’intensifier à mesure que le nombre de personnes séropositives atteignant la soixantaine et la soixante-dizaine augmente. Les études futures devront évaluer les différents programmes de conditionnement cérébral existants afin de déterminer lesquels conviendront le mieux aux personnes séropositives souffrant d’une déficience neurocognitive. Il faudra également mener des essais cliniques pour éprouver la capacité de ce genre de logiciel à prévenir ou à retarder l’apparition de la déficience neurocognitive liée au VIH chez les utilisateurs du TAR. Tout comme les personnes séropositives qui vivent maintenant de nombreuses années grâce au TAR, les études conçues pour évaluer et atténuer les lésions cérébrales liées au VIH devront durer bien plus longtemps.

Remarque importante

Nos lecteurs devraient comprendre que tout le monde, peu importe son statut VIH, peut vivre des épisodes de trous de mémoire de temps en temps. Cependant, si les problèmes de mémoire et de cognition persistent, il est important de les signaler à un médecin afin qu’ils puissent être évalués et leurs causes sous-jacentes révélées. Il existe de nombreux facteurs autres que le VIH qui pourraient causer des problèmes de mémoire et de cognition, y compris les suivants :

  • anxiété, dépression ou autre trouble de l’humeur non traité
  • maladie de la thyroïde non traitée
  • problèmes de sommeil persistants
  • consommation de drogues/alcool
  • comorbidités : la recherche porte à croire que certains des problèmes liés au vieillissement (comme l’hypertension, le prédiabète ou le diabète, les taux de cholestérol anormaux, les maladies rénales et cardiovasculaires, etc.) peuvent nuire directement ou indirectement à la santé du cerveau
  • infections : la recherche porte à croire que les co-infections actives comme la syphilis et le virus de l’hépatite C, et peut-être même l’infection latente au parasite T. gondii, entre autres germes, pourraient compromettre les capacités cognitives du cerveau
  • carence en certaines vitamines du complexe B, et plus particulièrement en vitamine B12

Ressources de CATIE

Témoignage d’une tête forteVision positive

Questions se rapportant au cerveauTraitementActualités 203

VIH et problèmes cérébraux TraitementActualités 204

La santé du cerveauUn guide pratique pour un corps en santé pour les personnes vivant avec le VIH

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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