Souhaitez-vous recevoir nos publications directement dans votre boîte de réception?

CATIE
Image
  • Les personnes qui s’injectent des opioïdes courent des risques accrus de surdose et d’autres méfaits
  • Les personnes qui utilisent du cannabis quotidiennement s’injecteraient moins fréquemment des opioïdes, selon des études
  • Des études contrôlées sont nécessaires pour mieux comprendre le potentiel du cannabis pour la réduction des méfaits

En général, les personnes qui partagent du matériel pour s’injecter des drogues courent plus de risques de subir des méfaits, y compris l’exposition à des microbes transmissibles par le sang (telles diverses sortes de bactéries pathogènes) et à des infections virales comme le VIH, l’hépatite B et l’hépatite C. L’injection de drogues est également associée à un risque accru de surdose. Ces dernières années, les drogues illicites sont souvent contaminées par l’opioïde hyperpuissant fentanyl et ses analogues. Par conséquent, le risque de surdose et de décès découlant de l’usage de drogues a grimpé en flèche et laissé des communautés dévastées.

Recevez Nouvelles CATIE dans votre boîte de réception :

Une équipe de scientifiques du British Columbia Centre on Substance Use et de diverses universités de cette province ont mené des études par observation pour analyser le lien entre l’usage autodéclaré de cannabis et l’injection de drogues. Le cannabis contient de nombreux composés appelés cannabinoïdes qui exercent des effets sur les nerfs et le cerveau. L’équipe britanno-colombienne a constaté que les personnes qui utilisaient du cannabis tous les jours étaient moins susceptibles de s’injecter des opioïdes quotidiennement.

Selon l’équipe de recherche, ce résultat s’ajoute à la masse croissante de données permettant de préconiser la tenue d’études « pour déterminer si l’administration contrôlée de cannabinoïdes a un impact sur la fréquence de l’injection d’opioïdes parmi les personnes qui s’injectent des drogues ».

Détails de l’étude

Les chercheurs ont recueilli et analysé des données se rapportant à la santé et aux comportements qui provenaient de trois études en cours appelées Access, Arys et Vidus. Les cohortes de ces études incluent des personnes séropositives et des personnes séronégatives, ainsi que des jeunes âgés de 14 à 26 ans. Recrutées dans divers quartiers de Vancouver, toutes les personnes en question utilisaient une gamme de substances différentes.

Au début de l’étude et tous les six mois par la suite, les participants ont rempli des sondages et fourni des échantillons de sang afin qu’ils soient testés pour le VIH ou le virus de l’hépatite C (VHC). Selon l’équipe de recherche, une infirmière a prodigué « des soins médicaux de base et dirigé les personnes qui le demandaient vers des services de santé et sociaux ».

L’équipe s’est concentrée sur les données recueillies entre 2005 et 2018 auprès de 2 619 adultes, dont 65 % d’hommes et 35 % de femmes âgés majoritairement de 26 à 46 ans.

Résultats

Lors de la première consultation en lien avec l’étude, 28 % des participants ont fait état d’un usage quotidien de cannabis, et 46 % d’entre eux ont affirmé s’injecter de la drogue tous les jours. Selon l’équipe de recherche, les principales substances injectées étaient les suivantes :

  • héroïne : 31 %
  • cocaïne : 7 %
  • crack cocaïne : 1 %
  • speedball (héroïne + cocaïne) : 3 %
  • methamphétamine : 12 %
  • goofball (héroïne + methamphétamine) : 2 %
  • opioïdes sur ordonnance : 6 %

Au début de l’étude, l’équipe de recherche a constaté une association statistique entre l’usage quotidien de cannabis (contrairement à l’usage non quotidien) et un risque réduit d’injection quotidienne de drogues. Lorsque l’équipe s’est concentrée sur les substances spécifiques injectées, elle a constaté que l’usage quotidien de cannabis était associé à une réduction du risque d’injection d’opioïdes seulement, mais pas de stimulants.

Changements au fil du temps

Au cours de l’étude, l’équipe de recherche a trouvé que les personnes qui utilisaient du cannabis quotidiennement étaient 17 % moins susceptibles de s’injecter des opioïdes tous les jours. Autrement dit, l’effet réducteur de l’usage quotidien de cannabis sur le risque d’injection a été observé pendant toute l’étude. De plus, chez les personnes qui n’utilisaient pas de cannabis tous les jours, la tendance générale allait dans le sens de l’injection plus fréquente (quotidienne) d’opioïdes.

À retenir

Selon l’équipe de recherche, ces résultats « contribuent aux données préliminaires, précliniques, cliniques et écologiques décrivant des bienfaits associés à l’usage de cannabis pour les personnes courant des risques de méfaits liés aux drogues, y compris les personnes qui s’injectent des drogues ».

Comme il s’agit ici d’une étude par observation seulement, l’équipe n’a pu prouver que l’usage quotidien de cannabis a causé une réduction de l’injection d’opioïdes.

Depuis plusieurs années, diverses études par observation ont permis de constater ce qui suit :

  • L’usage fréquent de cannabis était associé à une moindre probabilité de commencer à s’injecter des drogues parmi des personnes utilisant des substances.
  • L’analyse d’échantillons d’urine a révélé que les personnes qui avaient consommé récemment du cannabis étaient moins susceptibles d’avoir été exposées au fentanyl que celles qui n’avaient pas utilisé récemment de cannabis.

Effets sur les politiques

Selon l’équipe de recherche, « Nos résultats, à savoir que l’usage de cannabis est associé à une réduction de la fréquence de l’injection d’opioïdes, fournissent des données propres à éclairer les politiques se rapportant à l’usage de cannabis comme outil de réduction des méfaits chez les personnes qui s’injectent des drogues ».

Programme de recherches éventuel

En incluant des personnes qui utilisent des drogues dans les discussions et la planification, les scientifiques pourront élaborer un programme de recherches qui sera susceptible de répondre aux besoins des personnes qui sont prêtes à réduire leur dépendance à l’injection d’opioïdes.

Selon cette équipe de recherche, « il est nécessaire d’évaluer des interventions en réduction des méfaits [fondées sur le cannabis] et de mener des essais cliniques afin de déterminer les relations causales éventuelles entre l’administration contrôlée de cannabinoïdes et le risque de surdose ».

Il est possible que l’usage fréquent de cannabis provoque d’autres problèmes ou qu’il exacerbe certaines affections médicales sous-jacentes. À titre d’exemple, notons que des études ont révélé que l’usage de cannabis pouvait aggraver les symptômes de la psychose et nécessiter l’hospitalisation de certaines personnes touchées par cette maladie, contrairement aux personnes ne souffrant pas de psychose qui utilisaient du cannabis. Il est donc important que les recherches futures sur le cannabis évaluent l’ensemble de ses bienfaits et de ses risques potentiels.

Outre son potentiel pour la réduction des méfaits associés à l’injection d’opioïdes, il se peut que le cannabis convienne à d’autres applications aussi. Selon l’équipe de la Colombie-Britannique, des recherches antérieures avaient permis de constater que les personnes qui utilisaient du cannabis tous les jours étaient « plus susceptibles de se servir du cannabis pour soulager la douleur, la nausée et [des problèmes liés au VIH]… ».

À l’avenir

Cette étude constitue un progrès important dans la recherche sur le cannabis. De nombreuses années s’écouleront toutefois avant que l’on puisse concevoir des études convenables, se disputer les fonds de recherche limités et, advenant l’obtention du financement, mettre sur pied des recherches pour évaluer l’impact clinique du cannabis (ou des cannabinoïdes) sur la santé des personnes qui utilisent des drogues. Les études en question devront aborder les questions suivantes, entre autres :

  • Quel cannabinoïde ou quelle combinaison de cannabinoïdes réussirait le mieux à réduire la fréquence de l’injection d’opioïdes (et par extension le risque de surdose)?
  • Sous quelle forme les cannabinoïdes devraient-ils être consommés pour avoir le plus d’efficacité : par voie orale, par inhalation ou par un autre moyen?
  • Est-il nécessaire de varier les doses de cannabinoïdes en fonction de l’âge, du groupe ethnoracial, du sexe ou du poids?
  • Les cannabinoïdes interagissent-ils avec d’autres médicaments utilisés par des personnes souffrant de problèmes de santé chroniques?

—Sean R. Hosein

Ressources

British Columbia Centre on Substance Use

Enseignements non tirés : La crise des surdoses au Canada – Vision positive

Une étude explore les raisons du non-dévoilement de la consommation de drogues aux professionnels de la santé – Nouvelles CATIE

Estimation du nombre de personnes qui s’injectent des drogues et de la couverture des programmes de réduction des méfaits au Canada – Nouvelles CATIE

Indigenous harm reduction = Reducing the harms of colonialism ­– Réseau canadien autochtone du sida (RCAS), Coalition interagence sida et développement (CISD)

Vision autochtone pour les programmes de réduction des méfaits et de soins pour l’hépatite C – CATIE

Des chercheurs de Vancouver trouvent que les problèmes liés à l’âge sont plus fréquents chez les personnes séropositives – Nouvelles CATIE

On évalue la cascade des soins du trouble de consommation d’opioïdes en Colombie-Britannique – Nouvelles CATIE

RÉFÉRENCES :

  1. Reddon H, DeBeck K, Socias ME, et al. Frequent cannabis use is negatively associated with frequency of injection drug use among people who inject drugs in a Canadian setting. Cannabis and Cannabinoid Research. 2021; sous presse.
  2. Reddon H, DeBeck K, Socias ME, et al. Cannabis use is associated with lower rates of initiation of injection drug use among street-involved youth: A longitudinal analysis. Drug and Alcohol Review. 2018 Mar;37(3):421-428.
  3. Coronado-Montoya S, Morissette F, Abdel-Baki A, et al. Preventive interventions targeting cannabis use and related harms in people with psychosis: A systematic review. Early Intervention in Psychiatry. 2021; sous presse.
  4. Goodman S, Fischer B, Hammond D. Lower-risk cannabis use guidelines: Adherence in Canada and the U.S. American Journal of Preventive Medicine. 2020 Dec;59(6):e211-e220.