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  • Une équipe de recherche a évalué les résultats d’un programme d’approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes à London, en Ontario
  • Les visites aux urgences et les admissions à l’hôpital ont baissé de 32 % et de 54 %, respectivement
  • Certaines dépenses annuelles en soins de santé ont baissé sensiblement

L’approvisionnement sécuritaire est une approche de réduction des méfaits en vertu de laquelle on fournit à des personnes qui utilisent des drogues l’accès à des médicaments servant de substituts aux drogues non réglementées. Cette approche vise à réduire les conséquences nuisibles découlant de l’approvisionnement en drogues non réglementé, y compris les décès dus aux intoxications.

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Premier programme officiel d’approvisionnement plus sécuritaire en drogues au Canada

Le London Intercommunity Health Centre (LIHC) a lancé son programme d’approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes en 2016. Ce programme s’adressait initialement aux usager·ère·s des services du LIHC qui éprouvaient de nombreux problèmes de santé potentiellement mortels liés à l’usage de drogues injectables, telles des complications infectieuses comme l’endocardite, le VIH et l’hépatite C. Plusieurs de ces personnes avaient essayé auparavant un traitement par agoniste opioïde (TAO), mais l’avaient trouvé inefficace. À mesure que la portée du programme s’élargissait, le LIHC a mieux défini ses critères d’admissibilité. On peut consulter ces critères et d’autres renseignements sur le programme dans un sommaire de données probantes préparé par CATIE.

Dans le cadre du programme d’approvisionnement plus sécuritaire du LIHC, le médicament le plus prescrit comme substitut aux opioïdes non réglementés est l’hydromorphone à libération immédiate, principalement sous forme de comprimés de Dilaudid en raison de leur facilité de dissolution. D’ordinaire, les participant·e·s obtiennent ces comprimés tous les jours dans une pharmacie de leur choix afin de les prendre à domicile. Les participant·e·s choisissent le mode d’administration (oral, nasal ou par injection), ainsi que le moment et l’endroit propices à l’obtention des effets souhaités (éprouver de l’euphorie, faire face au sevrage ou calmer les envies). Souvent, on prescrit également de la morphine orale à libération prolongée que les participant·e·s prennent chaque jour à la pharmacie. Comme ce médicament agit plus longtemps, il peut aider à prévenir les symptômes du sevrage entre les doses.

Le programme d’approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes est offert dans un centre de santé communautaire où les participant·e·s reçoivent également des soins primaires complets. Ceux-ci comprennent une gamme de services de santé et sociaux qui aident les participant·e·s à répondre à leurs besoins. Ils incluent le traitement de problèmes de santé comme le VIH, l’hépatite C, l’asthme et le diabète, ainsi que des soins de santé sexuelle, des vaccinations et des tests de dépistage du cancer. Le programme offre également l’éducation à la réduction des méfaits et l’accès au matériel connexe, ainsi que de l’aide à subvenir aux besoins fondamentaux comme le logement et l’alimentation et d’autres formes de soutien.

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a analysé les dossiers médicaux des participant·e·s inscrit·e·s au programme d’approvisionnement plus sécuritaire entre le 1er janvier 2016 et le 31 mars 2019 afin de déterminer leurs habitudes d’utilisation des soins de santé avant et après l’admission au programme. Les tendances en question ont été comparées à celles d’un groupe de personnes appariées qui vivaient dans la même région et partageaient des caractéristiques démographiques et en matière de santé. Ce groupe de comparaison incluait des personnes qui vivaient à London durant la période à l’étude et qui avaient reçu un diagnostic de trouble lié à l’utilisation d’opioïdes. Les deux groupes étaient appariés sur de nombreux plans, dont l’âge, le sexe, l’inscription au régime provincial d’assurance médicaments, le revenu selon le quartier, les visites à l’hôpital pour une intoxication aux opioïdes dans l’année précédente et les hospitalisations pour une endocardite dans l’année précédente. L’équipe de recherche a eu recours à ce processus d’appariement afin de déterminer si les changements observés dans les résultats des participant·e·s durant la période à l’étude étaient attribuables au programme ou encore à d’autres facteurs.

Sur les 94 personnes inscrites au programme durant la période à l’étude, l’équipe a apparié les dossiers de 82 participant·e·s à ceux de 303 personnes du groupe n’ayant pas participé au programme. Les deux groupes avaient plusieurs caractéristiques en commun :

  • moyenne d’âge de 41 ans
  • 40 % des personnes étaient de sexe masculin
  • 87 % étaient couvertes par le régime provincial d’assurance médicaments
  • 8,5 % avaient été hospitalisées pour une intoxication aux opioïdes dans l’année précédente (c’est-à-dire qu’elles avaient été traitées à l’hôpital pour une surdose)

Nombre de différences ont toutefois été constatées entre les deux groupes. Avant de s’inscrire au programme d’approvisionnement plus sécuritaire, les participant·e·s à ce dernier étaient plus susceptibles que les non-participant·e·s d’avoir éprouvé certains problèmes de santé, comme suit :

  • diagnostic de VIH (34 % des participant·e·s au programme, contre 8 % des non-participant·e·s)
  • diagnostic d’hépatite C (70 % des participant·e·s au programme, contre 25 % des non-participant·e·s)
  • visite à l’hôpital dans l’année précédente à cause d’un trouble lié à l’utilisation de substances (18 % des participant·e·s au programme, contre 10 % des non-participant·e·s)
  • visite à l’hôpital dans l’année précédente à cause d’une infection de la peau ou des tissus mous (18 % des participant·e·s au programme, contre 6 % des non-participant·e·s)

Ces différences portent à croire que le programme d’approvisionnement plus sécuritaire réussissait à atteindre son objectif, lequel consistait à venir en aide à un groupe de personnes éprouvant des problèmes de santé de plus en plus nombreux liés à leur utilisation de drogues.

Résultats principaux de l’étude

L’équipe de recherche a employé plusieurs méthodes pour analyser les résultats pour la santé des participant·e·s et déterminer l’innocuité et l’efficacité du programme d’approvisionnement plus sécuritaire. La première fut une analyse de séries temporelles qui a évalué les résultats pour la santé tous les 30 jours pendant les cinq années précédant la participation au programme, puis tous les 30 jours durant l’année suivant l’inscription au programme. L’équipe de recherche a effectué la même analyse pour le groupe de comparaison au cours de la même période.

L’analyse a révélé des changements significatifs et rapides dans les résultats pour la santé des participant·e·s au programme d’approvisionnement plus sécuritaire dans l’année suivant leur admission à ce dernier, y compris des réductions dans les taux mensuels suivants :

  • visites aux urgences
  • admissions à l’hôpital
  • coûts de soins de santé (non liés aux soins primaires ou aux médicaments prescrits aux patient·e·s externes)

L’analyse a également permis de constater qu’aucun changement significatif ne s’était produit dans les taux d’hospitalisation associés à la survenue de nouvelles infections potentiellement liées à l’injection de drogues (p. ex., endocardite, infections de la peau et des tissus mous, ostéomyélite).

Dans le groupe de comparaison, aucun changement significatif n’a été constaté par rapport aux quatre catégories de résultats ci-dessus.

L’équipe de recherche a effectué une deuxième analyse pour comparer les résultats pour la santé un an avant et un an après l’inscription des participant·e­·s au programme. L’analyse a été répétée auprès du groupe de comparaison pour la même période. L’équipe a constaté des changements significatifs chez les participant·e·s au programme d’approvisionnement plus sécuritaire, dont les suivants :

  • baisse importante des visites aux urgences (dont le nombre est passé de 250 dans l’année précédant l’admission au programme à 170 dans l’année suivant l’admission)
  • baisse importante des admissions à l’hôpital (dont le nombre est passé de 74 dans l’année précédant l’admission au programme à 34 dans l’année suivant l’admission).
  • baisse importante des admissions à l’hôpital pour faire traiter de nouvelles infections potentiellement liées à l’injection de drogues (dont le nombre est passé de 26 dans l’année précédant l’admission au programme à 13 dans l’année suivant l’admission).
  • baisse importante des coûts de soins de santé non liés aux soins primaires ou aux médicaments prescrits aux patient·e·s externes (les coûts moyens sont passés de 15 635 $ par personne dans l’année précédant l’admission au programme à 7 310 $ par personne dans l’année suivant l’admission).

Aucun changement significatif n’a été constaté dans ces catégories dans le groupe de comparaison.

Résultats additionnels

L’équipe de recherche a analysé plusieurs autres résultats se rapportant aux deux groupes. Elle a constaté que les décès, toutes causes confondues, étaient rares dans les deux groupes. Aucun décès attribuable aux opioïdes ne s’est produit parmi les participant·e·s au programme d’approvisionnement plus sécuritaire dans l’année suivant leur admission à ce dernier. Dans le groupe de comparaison, il s’est produit moins de cinq décès liés à l’utilisation d’opioïdes.

Dans l’année suivant l’inscription des participant·e·s au programme d’approvisionnement plus sécuritaire, le total des frais de médicaments assumés par le régime public a augmenté considérablement, passant de 12 840 $ à 21 119 $ par personne en moyenne. Les opioïdes sur ordonnance (traitement par agoniste opioïde et médicaments fournis par le programme d’approvisionnement plus sécuritaire) représentaient 15 % de ces coûts. La majorité des coûts restants résultait sans doute de l’amélioration de l’accès aux médicaments servant au traitement de problèmes de santé comme le VIH et l’hépatite C. Dans le groupe de comparaison, le total des frais de médicaments assumés par le régime public n’a pas augmenté de façon significative.

Répercussions

Cette étude révèle que l’approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes peut contribuer à élargir les options de traitement et de réduction des méfaits pour les personnes qui utilisent des drogues dont le risque de mourir d’une intoxication aux drogues est élevé. Ses résultats s’ajoutent à une masse croissante de données probantes attestant l’efficacité et l’innocuité des programmes d’approvisionnement plus sécuritaire. Le recours moins fréquent aux services hospitaliers et la réduction de certaines dépenses en soins de santé parmi les participant­·e·s au programme confirment le rôle important que les programmes de ce genre peuvent jouer pour réduire les méfaits subis par les personnes qui utilisent des drogues.

Notons également que l’augmentation des frais de médicaments donne à penser que le programme d’approvisionnement plus sécuritaire a amélioré l’accès aux soins visant des maladies complexes comme le VIH et l’hépatite C chez les personnes qui utilisent des drogues. En assurant le traitement de ces maladies, on peut sans doute améliorer la santé et le bien-être des individus tout en réduisant les coûts pour le système de santé à long terme grâce à la prévention de la transmission de ces infections.

Certaines personnes ont soulevé des préoccupations concernant la possibilité que la prescription de comprimés d’hydromorphone à libération immédiate (aux personnes qui souhaitent en recevoir) puisse augmenter le nombre d’infections parmi les personnes qui utilisent des drogues. Cependant, cette équipe de recherche n’a constaté aucun changement dans les taux de nouvelles infections attribuables à l’injection de drogues après l’inscription des participant·e·s au programme d’approvisionnement plus sécuritaire. Elle a également constaté une baisse des admissions à l’hôpital pour de telles infections un an après l’admission des participant·e·s au programme. Ces résultats sont probants en ce qui concerne la sûreté des programmes d’approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes.

À l’avenir

Il importe de souligner que, outre l’approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes, les participant·e·s au programme du LIHC ont bénéficié de soins primaires complets et de l’accès à une gamme de services de santé et sociaux. Il est donc difficile de distinguer les effets particuliers des différents volets du programme. D’autres études seront nécessaires pour éclairer les rôles particuliers joués par ceux-ci quant à la réduction des méfaits et à l’amélioration de la santé.

Référence

Gomes T, Kolla G, McCormack D et al. Clinical outcomes and health care costs among people entering a safer opioid supply program in Ontario. Canadian Medical Association Journal. 2022;194:E1233-42.