- Une étude ontarienne a examiné les problèmes auxquels font face les utilisateurs de la prophylaxie post-exposition (PPE).
- 74 % des participants ont signalé au moins un problème d’ordre psychosocial.
- Les chercheurs recommandent le dépistage de la dépression et d’autres problèmes pour les patients qui demandent la PPE.
Dans les cas d’exposition possible au VIH survenant lors de relations sexuelles sans condom, de piqûres d’aiguilles accidentelles et d’autres situations, la prise de la PPE (prophylaxie post-exposition) est un moyen très efficace de réduire le risque d’infection par le VIH. La PPE consiste en une combinaison de médicaments anti-VIH et doit commencer le plus tôt possible dans les 72 heures suivant l’exposition éventuelle. On doit prendre les médicaments tous les jours pendant 28 jours consécutifs en suivant les prescriptions et les instructions à la lettre.
La recherche a révélé que les personnes qui demandent la PPE au Canada incluent un nombre disproportionné d’hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH), qu’ils soient gais, bisexuels ou autres. Pour mieux comprendre les enjeux psychosociaux qui contribuent à la vulnérabilité des HARSAH au VIH, les chercheurs de trois cliniques VIH majeures de Toronto et d’Ottawa ont mené une étude. En analysant les données recueillies auprès de 186 HARSAH inscrits à l’étude, les chercheurs ont constaté que 74 % d’entre eux éprouvaient au moins un problème d’ordre psychosocial, tel que la dépression et/ou la consommation problématique de drogues ou d’alcool. De plus, près de la moitié (47 %) des participants faisaient état de plus d’un problème.
À la lumière de ses résultats, l’équipe de recherche ontarienne encourage les médecins et les infirmières à évaluer systématiquement leurs patients qui demandent la PPE afin de dépister les problèmes psychosociaux. Si le dépistage découvre de tels problèmes, les chercheurs recommandent aux professionnels de la santé de diriger leurs patients vers des spécialistes qui seront en mesure d’intervenir pour traiter la dépression et résoudre les autres problèmes. Les interventions de ce genre pourront améliorer la santé globale des personnes et réduire leur vulnérabilité au VIH à l’avenir.
Détails de l’étude
Des chercheurs de Toronto (St. Michael’s Hospital et Hôpital général de Toronto) et d’Ottawa (Hôpital général d’Ottawa) ont recueilli des données de santé auprès de 186 participants qui avaient demandé la PPE entre juin 2013 et août 2016. Les données ont été recueillies au moyen de questionnaires (autoadministrés par les participants) et de dossiers médicaux. Les questionnaires incorporaient des données captées par ce que les chercheurs décrivaient comme des « outils de dépistage validés précédemment publiés » afin de faciliter l’évaluation des problèmes suivants :
- dépression
- consommation nuisible d’alcool
- consommation problématique de drogues
L’équipe a également cherché à évaluer la « compulsivité sexuelle » (terme des chercheurs non défini dans le rapport) en utilisant des outils de dépistage validés.
Il est important de souligner que les chercheurs n’ont pas utilisé de « tests diagnostiques formels »; les tests de ce genre auraient donné des résultats plus détaillés que le questionnaire autoadministré et auraient rendu l’étude plus complexe et plus coûteuse.
Pendant l’étude, les régimes couramment utilisés pour la PPE incluaient la combinaison de médicaments ténofovir DF + FTC ainsi que l’un des médicaments suivants :
- raltégravir (Isentress)
- lopinavir-ritonavir (Kaletra)
Les participants avaient le profil moyen suivant au début de l’étude :
- âge : 31 ans
- 88 % avaient un diplôme collégial
- nombre de partenaires sexuels masculins depuis six mois : 6
Résultats
Les chercheurs ont utilisé des questions validées pour évaluer le risque de VIH des participants. Selon les chercheurs, plus de la moitié des participants (56 %) ont demandé la PPE à la suite d’une relation anale sans condom. Malgré cette voie d’exposition possible, les chercheurs ont trouvé que de nombreux participants « percevaient leur risque comme nul ou faible, et non comme un risque global de VIH modéré ou élevé ». Dans l’ensemble, selon ce que les participants ont dévoilé, les chercheurs ont trouvé que 81 % d’entre eux « répondaient aux critères objectifs minimes d’un risque de VIH élevé ».
Problèmes sous-jacents
Les chercheurs ont trouvé que de nombreux participants (74 %) éprouvaient au moins un des problèmes suivants :
- dépression : 53 %
- consommation nuisible d’alcool : 34 %
- consommation problématique de drogues : 30 %
- « compulsivité sexuelle » : 16 %
Les chercheurs ont trouvé que le fardeau de problèmes psychosociaux des HARSAH était « élevé et alarmant ». En revanche, lors d’autres études menées au Canada, la répartition des problèmes psychosociaux chez le Canadien moyen fut la suivante :
- dépression : 5 %
- consommation nuisible d’alcool : 3 %
- consommation problématique de drogues : 1 %
- « compulsivité sexuelle » : 3 % à 6 % (les chercheurs ont souligné que les « taux parmi les HARSAH atteignaient jusqu’à 19 % »)
Mise en contexte
Les chercheurs ont trouvé des associations statistiques suggérant que les HARSAH qui souffraient de dépression avaient tendance à consommer de l’alcool en quantité nuisible. Ils ont également trouvé des associations suggérant que les HARSAH qui faisaient preuve d’une consommation problématique de drogues avaient également tendance à consommer une quantité nuisible d’alcool. Selon les chercheurs, ces associations portent à croire que certains problèmes psychosociaux « se trouvent fréquemment ensemble chez les individus ».
Les résultats de cette étude ontarienne sur les utilisateurs de la PPE ressemblent largement à ceux d’une étude précédente menée à Boston. Lors de celle-ci, les chercheurs ont analysé des données recueillies entre 1997 et 2013; cette équipe aussi a trouvé un lourd fardeau de problèmes psychosociaux parmi les demandeurs de la PPE dans une clinique majeure. Les chercheurs ontariens ont souligné que les résultats de la présente étude sur la PPE font écho à ceux d’une étude qu’ils avaient menée antérieurement auprès d’HARSAH qui utilisaient ou envisageaient d’utiliser la PrEP (prophylaxie pré-exposition).
Que faire?
Selon les chercheurs ontariens, les résultats de leurs études, ainsi que ceux de l’étude menée à Boston, portent à croire que certains problèmes psychosociaux sont courants parmi les HARSAH ayant recours à la PPE. Ainsi, ils ont affirmé que « des mesures d’évaluation systématique et d’orientation subséquente [des patients pour aborder les problèmes psychosociaux] pourraient être justifiées pour cette population ». De telles évaluations seraient importantes pour les raisons suivantes, selon les chercheurs :
- La dépression et/ou la consommation nuisible de substances peut causer des maladies et contribuer à un risque accru de mortalité et « il est important du point de vue éthique et clinique d’orienter les patients ayant des besoins insatisfaits en matière de santé vers des soins appropriés ».
- Des recherches antérieures avaient trouvé que les problèmes psychosociaux mentionnés dans la présente étude étaient associés à l’acquisition de l’infection par le VIH.
À mesure que les professionnels de la santé reconnaissent davantage les problèmes psychosociaux et qu’ils orientent les patients touchés vers des soins, les chercheurs ontariens espèrent que « … le risque de VIH sera réduit à long terme ».
Comme nous l’avons déjà mentionné dans ce bulletin, les chercheurs ont trouvé une disparité importante entre la perception du risque de VIH parmi les participants qui demandaient la PPE et les mesures objectives du risque de VIH. Les chercheurs ont fait la déclaration suivante à ce propos : « Cette disparité reflète de près les fausses idées à l’égard du risque de VIH que nous et d’autres équipes avons observées dans les études menées auprès d’HARSAH. Les rencontres en clinique en lien avec la PPE [dans les cas d’exposition sexuelle possible] pourraient être un contexte idéal pour conseiller les patients et leur donner plus de détails sur leur perception de leur risque de VIH, étant donné que ces patients se sont identifiés comme des personnes préoccupées par cet enjeu ».
Accès à la PPE
Notons que l’accès subventionné à la PPE varie beaucoup d’un bout à l’autre du Canada. La PPE est largement remboursée en Colombie-Britannique et au Québec. En Ontario, la province subventionne le coût de la PPE dans certains cas. Communiquez avec votre clinique VIH ou de santé sexuelle locale et votre pharmacien pour savoir si la PPE est remboursée dans votre région.
Ressources
- Guide pour la prophylaxie et le suivi après une exposition au VIH, au VHB et au VHC
- Lignes directrices canadiennes sur les prophylaxies pré-exposition et post-exposition non professionnelle au VIH
- La prophylaxie post-exposition (PPE) – Feuillet d’information de CATIE
- Lignes directrices canadiennes sur la PrEP et la PPE pour aider à prévenir l'infection par le VIH – Nouvelles CATIE
- Updated Guidelines for Antiretroviral Post-Exposure Prophylaxis After Sexual, Injection Drug Use, or Other Non-Occupational Exposure to HIV—United States, 2016 – Centers for Disease Control and Prevention (CDC)
- Une étude menée à Ottawa trouve qu'une clinique PPE dirigée par des infirmières est efficace – Nouvelles CATIE
- On découvre un taux élevé de problèmes de santé mentale parmi certains utilisateurs de la PPE – Nouvelles CATIE
- Clinique de prévention du VIH – Étude de cas Connectons nos programmes
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Morrison SA, Yoong D, Hart TA, et al. High prevalence of syndemic health problems in patients seeking post-exposure prophylaxis for sexual exposures to HIV. PLoS One. 2018 May 23;13(5):e0197998.
- Jain S, Oldenburg CE, Mimiaga MJ, et al. High levels of concomitant behavioral health disorders among patients presenting for HIV non-occupational post-exposure prophylaxis at a Boston community health center between 1997 and 2013. AIDS and Behavior. 2016 Jul;20(7):1556-63.