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CATIE
  • Des chercheurs de Calgary ont étudié les facteurs susceptibles de contribuer à la survie à long terme des personnes vivant avec le VIH.
  • L’observance de la médication et le respect des rendez-vous en clinique ont été associés à une longévité accrue.
  • Les chercheurs ont également reconnu les soins spécialisés du VIH comme facteur pouvant contribuer à la survie.

Avant 1996, la plupart des personnes qui recevaient un diagnostic de VIH au Canada et dans les autres pays à revenu élevé avaient une espérance de vie considérablement réduite. Toutefois, dès cette année-là, les combinaisons de médicaments anti-VIH puissants (TAR) commençaient à devenir de plus en plus accessibles et à réussir à réparer la plupart des dommages infligés au système immunitaire de nombreuses personnes. À l’époque actuelle, les effets du TAR sont tellement puissants que les chercheurs s’attendent à ce que la vaste majorité des jeunes adultes qui contractent le VIH aujourd’hui et qui commencent le TAR peu après aient une espérance de vie quasi-normale. Cette prévision heureuse dépend toutefois de plusieurs facteurs reliés, notamment les suivants :

  • la capacité qu’a la personne de prendre son TAR tous les jours en suivant les ordonnances à la lettre
  • le maintien de rendez-vous médicaux réguliers
  • des prises de sang régulières aux fins d’analyses en laboratoire
  • le dépistage et, si nécessaire, le traitement et la prise en charge de problèmes importants comme les troubles de santé mentale, la consommation problématique d’alcool et d’autres substances et les dépendances et les infections chroniques comme l’hépatite B ou C

En ce qui concerne l’infection au VIH, la plupart des études menées auprès de survivants à long terme ont porté habituellement sur des facteurs liés à la génétique, à l’immunologie ou à la virologie. Les chercheurs de la Southern Alberta Clinic à Calgary ont adopté une approche différente lors d’une analyse récente des survivants à long terme. Ils ont décortiqué les dossiers médicaux des personnes séropositives diagnostiquées entre la fin des années 1980 et 1996 qui recevaient encore des soins continus en janvier 2016 (fin de la période de l’étude). Comparativement aux personnes séropositives qui étaient mortes ou qui avaient quitté la région, les chercheurs ont trouvé que les survivants à long terme qui recevaient des soins depuis plus de 20 ans avaient tendance à avoir été diagnostiqués en tant que jeunes adultes, à avoir respecté leurs rendez-vous en clinique et au laboratoire et à avoir pris fidèlement le TAR depuis plus longtemps.

Les résultats additionnels de cette étude albertaine dont nous rendons compte plus loin dans ce bulletin de Nouvelles CATIE sont intéressants parce que les chercheurs ont calculé, en kilogrammes, la quantité de médicaments pris par les participants sur une période de plus de 20 ans. Comme les patients séropositifs devront prendre le TAR pour le reste de leurs jours, ce résultat aura peut-être des implications pour la mise au point des régimes de traitement anti-VIH futurs. Un autre résultat important de cette étude réside dans le fait que les chercheurs ont calculé le coût des soins et du traitement du VIH au fil du temps. Cela est important pour aider les cliniciens, les planificateurs de politiques, les autorités de la santé et les ministères de la Santé à préparer leurs budgets.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont analysé les dossiers médicaux de la Southern Alberta Clinic (SAC) en mettant l’accent sur les personnes diagnostiquées séropositives dans cette région avant 1996. Les chercheurs ont exclu les personnes diagnostiquées ailleurs qui se sont ensuite installées dans le sud de l’Alberta. Sur les quelque 3 300 patients séropositifs ayant fréquenté la SAC à un moment donné, un total de 876 patients avaient été diagnostiqués localement avant 1996. Voici la situation de ces personnes à la fin janvier 2016, c’est-à-dire à la fin de l’étude :

  • 50 % (434 personnes) étaient mortes
  • 30 % (265 personnes) avaient déménagé et/ou arrêté de fréquenter la clinique
  • 8 % (73 personnes) recevaient des soins de façon intermittente
  • 12 % (104 personnes) recevaient des soins continus depuis au moins 20 ans

Les chercheurs ont vérifié la ponctualité des renouvellements d’ordonnances (des études antérieures avaient trouvé un lien entre ce facteur et une bonne observance du TAR) et la fréquence des rendez-vous en clinique, ainsi que des rendez-vous manqués (des études antérieures avaient également trouvé un lien entre le fait de manquer plusieurs visites en clinique et une mauvaise observance et des résultats défavorables pour la santé).

Un mot au sujet des décès

Les chercheurs n’ont pas précisé la cause du décès de toutes les personnes décédées. Cependant, ils ont constaté que la majorité des décès (près de 90 %) concernaient des personnes diagnostiquées entre 1982 et 1995, soit avant l’introduction du TAR. On peut supposer sans risque qu’un grand nombre de ces décès étaient attribuables aux complications des infections potentiellement mortelles, à la perte de poids impitoyable et aux cancers qui caractérisent l’immunodéficience grave liée au VIH, c’est-à-dire le sida.

Accent sur les survivants recevant des soins continus

En janvier 2016, les 104 survivants à long terme avaient le profil moyen suivant :

  • âge : 57 ans; 15 % avaient plus de 65 ans
  • 11 femmes, 93 hommes
  • compte de CD4+ : près de 600 cellules/mm3
  • diagnostic de sida : près de 30 % avaient reçu un diagnostic de sida à un moment donné au cours des deux décennies précédentes
  • charge virale inférieure à 50 copies : 97 %
  • durée de la période entre le diagnostic et l’obtention de soins de santé : deux mois

TAR : années et poids de la médecine

Tous les 104 survivants à long terme prenaient un TAR depuis plus de 20 ans, sous forme de divers régimes. En moyenne, ils prenaient leur régime actuel depuis six ans. Cela reflète sans doute la tolérance des patients au TAR moderne.

Selon les chercheurs, au cours de l’étude, « en moyenne, chaque patient a consommé 8,62 kg (près de 19 livres) de TAR », dans les proportions suivantes :

  • analogues nucléosidiques : 4 kg (près de 9 livres)
  • analogues non nucléosidiques : 2 kg (plus de 5 livres)
  • inhibiteurs de la protéase : 2 kg (près de 5 livres)

Les chercheurs n’ont pas pris en compte la classe de médicaments appelés inhibiteurs de l’intégrase. Notons que ces derniers ont été introduits il y a à peu près 10 ans, et leur usage s’est répandu il y a six ans environ.

Coût des soins

Au cours des 20 ans de cette étude, le coût des soins — y compris le TAR, les rendez-vous en clinique, les tests de laboratoire et les hospitalisations — s’est élevé à quelque 32 $ millions (CDN). La majorité de ce chiffre (84 %) était attribuable au coût du TAR. Un moindre coût était attribuable aux visites en clinique et aux tests de laboratoire (total de 13 %), et les hospitalisations ont généré 3 % des coûts totaux. En moyenne, le coût des soins dispensés à chaque personne s’est élevé à environ 309 000 $ sur les 20 ans de l’étude, soit quelque 15 418 $ par patient chaque année.

Raisons de la survie

Les chercheurs ont décrit trois facteurs principaux qu’ils croyaient à l’origine de la survie à long terme de ces patients :

Engagement et assiduité

Les chercheurs ont souligné « la régularité des patients qui fréquentaient la clinique deux à quatre fois par année depuis plus de 20 ans et qui passaient des tests de laboratoire de routine lors de chaque visite ». Selon les chercheurs, on devrait également souligner le fait que ces patients avaient fait preuve d’une « bonne observance de nombreuses médications quotidiennes sur de longues périodes et de ponctualité quant au renouvellement des ordonnances au besoin ».

Personnel d’expérience et relation médecin-patient

Un autre facteur souligné par les chercheurs réside dans le fait que les patients avaient accès à « un centre de soins dévoué et spécialisé en VIH qui peut dispenser des services de grande qualité aux patients vivant avec le VIH ». Il ne faut pas sous-estimer l’expérience des médecins, des infirmières et des pharmaciens. D’autres études ont trouvé que les patients séropositifs qui recevaient des soins de la part de professionnels de la santé qui traitaient plus de 50 patients séropositifs par année avaient tendance à avoir une meilleure santé. De plus, les chercheurs ont affirmé qu’« un suivi régulier sur de longues périodes entre patients et médecins contribue à des interactions et à des résultats plus favorables ».

Réponse dédiée du ministère de la Santé

Les services de santé dont les personnes soignées à la SAC ont besoin sont dispensés gratuitement. Selon les chercheurs, bien que le coût des soins par patient qu’ils ont calculé soit élevé et comparable à celui révélé par une autre étude menée aux États-Unis, « le soutien financier alloué aux soins a permis à ces individus d’être productifs de façons directes et indirectes et de contribuer ainsi au bien-être de la population, ce qui assure la rentabilité du TAR et des autres soins liés au VIH ».

Notons qu’il est possible que plusieurs autres facteurs non mesurés aient eu un impact sur la survie à long terme des participants. À ce propos, les chercheurs ont déclaré ce qui suit :

« Nous n’avons exploré ni les changements de mode de vie que les survivants à long terme ont faits pour améliorer leur santé ou leurs choix en matière de santé, ni la façon dont leur état de santé mentale, leur situation socioéconomique et leur niveau de scolarité auraient pu contribuer à leur longévité; nous n’avons pas non plus exploré les soutiens formels ou informels dont ces individus disposaient et qui auraient pu contribuer à des résultats bénéfiques. »

Consommation de médicaments : de quelle façon les régimes pourraient-ils changer?

En termes de poids, les participants à cette étude ont pris une quantité abondante de médicaments faisant partie du TAR. Cela témoigne de la détermination et de l’observance des patients ainsi que des bienfaits du TAR quant à la prolongation de la vie.

Au début de l’époque du TAR, les régimes étaient complexes; il fallait prendre de nombreux comprimés deux ou trois fois par jour (dans un cas toutes les huit heures) en respectant des contraintes à l’égard de la consommation d’eau et de nourriture. De plus, de nombreux régimes de la première heure provoquaient plusieurs effets secondaires désagréables sinon angoissants dans certains cas.

De nos jours, la plupart des personnes qui commencent un TAR peuvent choisir un régime qui se prend une fois par jour et qui est exempt de contraintes à l’égard de l’eau et de la nourriture. De plus, les progrès du traitement et de la recherche soulèvent la possibilité que des régimes plus simples et plus sûrs soient à l’horizon. En voici deux qui ont été approuvés au Canada en 2018 et qui, espérons-le, seront ajoutés aux listes de médicaments assurés des ministres de la Santé en 2019 :

  • Biktarvy : combinaison de trois médicaments dans un seul comprimé – bictégravir + TAF + FTC – pris une fois par jour. Les essais cliniques ont trouvé que Biktarvy était généralement bien toléré et efficace. Le TAF (ténofovir alafénamide) est une version plus sûre du ténofovir DF, un médicament plus ancien d’usage courant.
  • Juluca : combinaison de deux médicaments dans un seul comprimé – dolutégravir + rilpivirine. Pris une fois par jour, Juluca est destiné au traitement d’entretien des personnes dont le régime actuel et plus complexe a rendu leur charge virale indétectable. Il faut prendre Juluca avec un repas.

Voici quelques autres régimes simplifiés en voie de développement :

  • formulations injectables à action prolongée de la combinaison cabotégravir + rilpivirine; régime destiné au traitement d’entretien du VIH, administré une fois par mois
  • combinaison de deux médicaments – dolutégravir + 3TC – dans un seul comprimé; destiné au traitement du VIH, une prise par jour, sans contrainte à l’égard de l’eau ou de la nourriture
  • MK-8591 : analogue nucléosidique à action prolongée; ce composé en est encore au stade précoce du développement et sera associé à l’avenir à un autre médicament encore inconnu

Retour à l’étude albertaine

Comme nous l’avons mentionné plus tôt, un total de 104 participants séropositifs diagnostiqués avant 1996 ont survécu jusqu’en janvier 2016. Selon une mise à jour envoyée par l’équipe de recherche (Harmut Krentz, Ph. D., communiqué écrit), 95 sur 104 participants (91 %) étaient encore en vie en janvier 2018.

Ressources

Des chercheurs de la Colombie-Britannique explorent l'espérance de vie des personnes séropositivesNouvelles CATIE

Des chercheurs suisses évaluent la consommation de drogues et son impact sur la santé et la survieNouvelles CATIE

Des chercheurs italiens et américains regardent vers l'avenir et explorent les problèmes liés au vieillissementNouvelles CATIE

Une étude canadienne découvre un risque accru de mortalité parmi les Autochtones séropositifsNouvelles CATIE

Exploration des facteurs contribuant à la survie prolongée des personnes sous multithérapie – TraitementActualités 200

Impact de problèmes non liés au VIH sur la survieTraitementActualités 228

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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