CATIE a récemment appuyé la Déclaration de consensus de la campagne pour l’accès à la prévention, célébrant ainsi le fait que « indétectable égale intransmissible ». Mise de l’avant par un groupe de personnes dévouées vivant avec le VIH, cette déclaration révolutionnaire a poussé CATIE à réfléchir à ses propres messages sur la prévention de la transmission sexuelle du VIH.
Les données de recherche sur le traitement comme outil de prévention s’accumulent lentement depuis de nombreuses années. En tant qu’organisme voué à la diffusion d’informations fondées sur des données probantes, CATIE reconnaît que les preuves se rapportant à la charge virale indétectable sont maintenant tellement nombreuses que nous sommes obligés de faire un pas de plus dans nos messages. Nous pouvons donc dire ceci avec confiance : lorsqu’une personne sous traitement antirétroviral a une charge virale indétectable durable et qu’elle reçoit régulièrement des soins, elle ne transmet pas le VIH à ses partenaires sexuels.
Voici les raisons de notre adhésion au principe I=I :
1. La science est à l’appui (et les scientifiques aussi)!
Nous avons tellement appris sur les bienfaits de l’amorce précoce du traitement du VIH. Nous savons maintenant que les personnes qui commencent le traitement le plus tôt possible après avoir contracté le VIH peuvent vivre longtemps en bonne santé et sont moins susceptibles de souffrir d’affections liées au VIH ou d’autres problèmes de santé graves.
Nous savons aussi que la prise du traitement pour maintenir une charge virale indétectable a des bienfaits considérables sur le plan de la prévention. En juillet 2016, les auteurs de deux grandes études (PARTNER et HPTN 052) ont publié des résultats finaux révélant zéro cas de transmission du VIH parmi les partenaires sexuels sérodifférents lorsque la personne vivant avec le VIH suivait un traitement et qu’elle avait une charge virale indétectable.
La Campagne pour l’accès à la prévention a agi vite pour convertir ces nouvelles données probantes en un message de prévention simple et pertinent (I=I). Les chercheurs affiliés à toutes les études importantes ont appuyé ce message. Comme l’a affirmé le Dr Myron Cohen (chercheur principal de l’étude HPTN 052) : « nous disposons maintenant de 10 000 années personnes (de suivi) avec zéro cas de transmission provenant de personnes dont le virus est supprimé ». Face à une telle affirmation, pourquoi de nombreux autres, dont CATIE, ont-ils tardé à adopter ce langage qui change la donne?
Le concept de « zéro risque » met de nombreuses personnes mal à l’aise parce qu’il est impossible pour la recherche de prouver de manière concluante que le risque est zéro. Statistiquement, nous ne pouvons écarter la possibilité qu’un très faible risque perdure, peu importe ce que nous disent les données. Mais insister sur la possibilité d’un événement très rare peut aussi être trompeur. Dans le cas qui nous concerne, une masse imposante de données probantes nous révèle que les personnes ayant une charge virale indétectable ne transmettent pas le VIH; dans le jargon de la recherche, on dit que le risque est négligeable (ce qui veut dire insignifiant ou pas assez important pour qu’on en tienne compte).
Mais que veut dire négligeable pour la personne moyenne? Il est certain que ce mot ne transmet pas le grand enthousiasme que les personnes vivant avec le VIH éprouvent à l’égard de cette nouvelle incroyable. Il se peut bien que négligeable soit le mot exact, mais il ne constitue pas un message convenable. Si le risque est négligeable, nous devons être prêts à reconnaître qu’il n’a pas d’importance.
2. Les personnes vivant avec le VIH ont besoin d’entendre ce message
Il est important que les personnes vivant avec le VIH entendent ce message afin qu’elles puissent avoir confiance dans leur capacité d’avoir une vie sexuelle saine. Les personnes vivant avec le VIH continuent de faire face à la stigmatisation, et cela a un impact sur leur vie de plusieurs façons. En continuant d’insister sur un risque qui est négligeable, nous ne faisons rien pour combattre la stigmatisation liée au VIH. Le message I=I peut réduire la stigmatisation en éliminant la peur que les personnes séropositives soient des partenaires sexuels « infectieux » et « dangereux ».
3. I=I est un message de prévention du VIH intelligent
Les personnes séronégatives ont besoin de savoir que les personnes séropositives qui suivent un traitement, qui reçoivent des soins et qui maintiennent une charge virale indétectable constituent des partenaires sexuels très sécuritaires parce que leur VIH a été diagnostiqué et est bien contrôlé. Cela contredit les messages de prévention qui ont circulé pendant de nombreuses années; dans ceux-là, les partenaires séronégatifs des personnes vivant avec le VIH étaient considérés comme les personnes les plus à risque de contracter l’infection. Nous savons maintenant que la plupart des transmissions du VIH ont comme source des personnes qui vivent avec le VIH sans le savoir (les non-diagnostiqués). Ce changement de paradigme nous oblige à adopter de nouveaux messages qui communiquent clairement là où le risque réside réellement, c’est-à-dire pas chez les personnes séropositives diagnostiquées qui ont et qui maintiennent une charge virale indétectable.
Nous devons nous assurer que nos messages sur la prévention du VIH aident les personnes à qui nous parlons, au lieu de leur nuire. Avec un peu de créativité et d’audace, ces messages peuvent être pertinents pour les communautés que nous desservons tout en restant solidement ancrés dans la science.
Cet article a été originellement publié dans le Blogue de CATIE.
Ressources
Risk of sexual transmission of HIV from a person living with HIV who has an undetectable viral load: Messaging Primer & Consensus Statement – Prevention Access Campaign (en anglais seulement)
Le traitement du VIH et la charge virale indétectable pour prévenir la transmission du VIH
Le traitement du VIH et la charge virale indétectable
À propos de l’auteur
Camille Arkell est spécialiste en connaissances, Science biomédicale de la prévention chez CATIE. Elle détient une maîtrise de santé publique en promotion de la santé de l’Université de Toronto, et travaille en éducation et recherche sur le VIH depuis 2010.