Projet SHE (Sexual Health Equity, équité en matière de santé sexuelle) : prophylaxie pré-exposition (PrEP) à l’intention des femmes qui s’injectent des drogues
Pennsylvanie, É.-U.
2021
Le projet Sexual Health Equity (SHE) est un programme orienté sur la collectivité qui offre des services de prophylaxie pré-exposition (PrEP) aux femmes cisgenres qui s’injectent des drogues. Le projet SHE consistait à dispenser des services de PrEP dans le cadre d’un programme de seringues et d’aiguilles dans un centre de prévention de Philadelphie en Pennsylvanie, et visait à lever les obstacles à la prévention du VIH auxquels se heurte cette population. Les résultats de l’étude indiquent que 71 % des femmes ayant participé au programme ont accepté une prescription de PrEP au début de l’étude, et que 62 % d’entre elles ont continué de prendre la PrEP jusqu’à la fin de la douzième semaine. Deux cas d’infection à VIH ont été recensés, mais les deux femmes n’ont pas observé la PrEP de manière optimale.
Description du programme
Le projet SHE consistait à fournir de l’information sur la PrEP ainsi qu’une PrEP quotidienne pendant 24 semaines à des femmes qui s’injectent des drogues. Les participantes ont été recrutées dans le cadre d’un programme d’accueil hebdomadaire (« Ladies Night ») visant à fournir de la nourriture, un accès à des douches, des vêtements et un soutien social mensuel aux femmes. La promotion du programme a également été assurée par la distribution de prospectus, le bouche-à-oreille et la recommandation par des paires.
Les femmes séronégatives pour le VIH, qui ont indiqué avoir injecté des substances sans ordonnance au cours du mois écoulé et qui ont adopté au moins un comportement associé à un risque accru de transmission du VIH (p. ex., partage de seringue, utilisation non systématique de condoms) pouvaient participer au programme. Après l’étape du recrutement et de l’évaluation aux fins d’admissibilité, on a aidé les participantes qui en avaient besoin à se prévaloir de la protection d’une assurance.
Les participantes pouvaient soit faire exécuter une ordonnance de PrEP dans leur propre pharmacie, soit recevoir la PrEP dans un centre de prévention de Pennsylvanie. Les participantes ont reçu des soins cliniques liés à la PrEP aux semaines 1, 3, 12 et 24. Les examens suivants ont été réalisés au début de l’étude et aux semaines 12 et 24 (sauf indication contraire) :
- Test de dépistage du VIH au point de service
- Écouvillonnages auto-prélevés pour le dépistage de la gonorrhée et de la chlamydiose dans des zones génitales, oro-pharyngées et rectales
- Dépistage de la syphilis
- Dépistage de l’hépatite B (au début seulement)
- Clairance de la créatinine (au début et à la semaine 24)
- Test de grossesse
- Antécédents médicaux/anamnèse (au début seulement)
Un membre du personnel présent dans les locaux du programme d’aiguilles et de seringues était chargé d’accueillir les femmes, de reprendre contact avec celles qui avaient manqué des rendez-vous, de rappeler aux participantes les rendez-vous à venir et de fournir des services connexes (p. ex., remplacer les ordonnances perdues). Les femmes qui le souhaitaient pouvaient recevoir des rappels de rendez-vous par message texte ou par téléphone. À la fin de l’étude, les participantes ont reçu une liste de prescripteurs de PrEP auxquels s’adresser pour continuer le traitement, si elles le souhaitaient.
Résultats
Le programme s’est déroulé entre avril 2018 et juin 2019, et l’étude comptait 95 participantes au départ. Les participantes étaient majoritairement des femmes blanches (70 %); 63 % ont déclaré qu’elles étaient actuellement sans domicile fixe et 84 % ont indiqué qu’elles bénéficiaient d’un régime d’assurance public. Plus de 70 % des participantes ont déclaré qu’elles n’utilisaient pas systématiquement des condoms ou qu’elles s’injectaient quotidiennement des drogues. Au début de l’étude, 18 % des participantes ont obtenu un résultat positif au test de dépistage d’une infection transmissible sexuellement.
Au bout de la première semaine, 78 % (69/89) des participantes avaient accepté de se faire prescrire une PrEP. À la semaine 12, 81 % (48/59) des participantes avaient accepté de se faire prescrire une PrEP; à la semaine 24, c’était le cas de 60 % d’entre elles (25/42). Sur les 69 participantes qui ont accepté de se faire prescrire une PrEP au bout de la première semaine, 62 % ont continué de la prendre, 7 % ont arrêté la PrEP, et 30 % étaient perdues de vue à la semaine 12. Sur les 20 participantes qui ont refusé de se faire prescrire une PrEP au bout de la première semaine, 30 % n’ont pas suivi la PrEP, 25 % ont entamé la PrEP et 45 % étaient perdues de vue à la douzième semaine. Les participantes pouvaient recevoir jusqu’à 155 $ si elles effectuaient toutes les visites de suivi de l’étude.
Trois variables ont été associées de manière significative à une augmentation de la probabilité du recours à la PrEP au cours des 24 semaines de suivi : une utilisation non systématique du condom, le fait d’avoir subi une agression sexuelle, et un recours plus fréquent au programme d’aiguilles et de seringues au début de l’étude (dans les six mois). Les femmes qui ont eu recours plus fréquemment au programme d’aiguilles et de seringues au début de l’étude (dans les six mois) étaient également plus susceptibles de continuer de prendre la PrEP jusqu’à la 24e semaine.
On a relevé des disparités entre les niveaux d’observance indiqués par les participantes et les résultats des analyses d’urine. Environ la moitié des femmes qui prenaient la PrEP ont déclaré avoir pris tous leurs médicaments aux semaines 12 et 24; cependant, une femme seulement avait une quantité suffisante de ténofovir dans l’urine pour prévenir une infection à VIH aux semaines 12 et 24. Cela étant, pour 15 à 20 % des participantes, les taux de ténofovir dans l’urine reflétaient un certain niveau d’observance au cours de la semaine précédente.
Aucune participante n’a présenté d’effets indésirables graves liés à la PrEP, bien qu’une femme ait arrêté la PrEP pour des raisons liées aux taux de créatinine. Il y a eu deux cas de séroconversion du VIH au cours de l’étude; ils concernaient des participantes qui n’ont pas pris la PrEP avec constance ou qui ne l’ont pas prise du tout. On a recensé 11 nouveaux cas d’infections transmissibles sexuellement à la semaine 12 (19 %), et quatre à la semaine 24 (10 %).
Une enquête d’acceptabilité et de satisfaction a été réalisée à la fin de l’étude, et la plupart des femmes ont indiqué ce qui suit :
- elles ont préféré recevoir des soins de PrEP au centre du programme d’aiguilles et de seringues plutôt qu’à d’autres endroits (89 %);
- elles étaient satisfaites des services reçus (97 %);
- elles estimaient que la plupart de leurs besoins visés par le programme avaient été satisfaits (97 %).
Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?
Cette étude a permis d’établir que les femmes qui s’injectent des drogues et qui sont plus susceptibles de contracter le VIH sont prêtes et disposées à entamer et à continuer de prendre une PrEP. Après 12 semaines de participation au programme, plus de 60 % des femmes ayant commencé la PrEP à la première semaine la prenaient encore malgré divers obstacles possibles (p. ex., le fait de ne pas avoir de domicile fixe, la fréquence élevée de la consommation de drogues). Les auteurs de l’étude estiment que le taux de persévérance dans le programme était lié à l’intégration des services dans un programme de seringues et d’aiguilles connu.
Les résultats d’autres études font état d’une observance sous-optimale de la PrEP dans le cadre de programmes de même nature. Des interventions comportementales visant à favoriser l’observance, telles que des conseils approfondis et un renforcement positif (p. ex., mesures incitatives), pourraient s’avérer utiles. La mesure objective de l’observance à des intervalles plus rapprochés pourrait également contribuer à fournir un soutien accru et intensif aux personnes dont l’observance de la PrEP est sous-optimale.
Les prestataires de services peuvent envisager d’intégrer dans des programmes de ce type des conseils sur les pratiques sexuelles plus sûres, car les participantes à cette étude ont également signalé des facteurs de risque sexuels (p. ex., utilisation non systématique du condom). La prestation de soins tenant compte des traumatismes liés aux agressions peut également être un facteur important pour la population des femmes auxquelles s’adressent les programmes du même type.
Ressources
La Clinique de PrEP Maple Leaf
Programme pour femmes enceintes H.E.R.
Référence
Roth AM, Train NK, Felsher MA et al. Integrating HIV pre-exposure prophylaxis with community-based syringe services for women who inject drugs: results from the Project SHE demonstration study. JAIDS. 2020. Diffusion en ligne avant l’impression.