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Il y a environ 10 ans, le monde s’est étonné d’apprendre qu’une personne vivant avec le VIH avait guéri. La personne en question, Timothy Brown, avait été traitée pour un cancer potentiellement mortel à l’aide de deux greffes de cellules souches, de cycles de chimiothérapie et de radiothérapie intensives et d’interventions visant la suppression de son système immunitaire. Les greffes avaient comme source un donneur porteur d’une mutation génétique rare dénommée delta-32 par les scientifiques. Les cellules immunitaires des personnes porteuses de cette mutation n’ont pas de récepteur CCR5; notons que ce dernier est l’un des récepteurs dont le VIH a besoin pour infecter une cellule.
Le VIH a besoin de deux récepteurs pour infecter les cellules du système immunitaire. Ces récepteurs agissent comme des serrures de porte. Tant que la porte n’est pas déverrouillée, personne (dans ce cas le VIH) ne peut entrer dans la pièce.
Le principal récepteur est le CD4; ce dernier se trouve à la surface de nombreuses cellules du système immunitaire, notamment les cellules T, les macrophages et d’autres cellules apparentées. Après avoir interagi avec le CD4, le VIH a besoin d’interagir avec un autre récepteur; il s’agit habituellement du CCR5 (R5) ou du CXCR4 (X4). On appelle ces deux autres récepteurs (R5 et X4) des corécepteurs.
Dans les cas où l’infection au VIH n’est pas traitée, les souches du VIH qui utilisent le X4 sont relativement rares parce que les chercheurs soupçonnent fortement qu’il est plus facile pour le système immunitaire de trouver et d’attaquer les souches du VIH qui utilisent ce corécepteur. Par conséquent, les souches qui utilisent le corécepteur R5 sont généralement plus courantes. Cela dit, lorsque le sida se déclare, le système immunitaire est gravement endommagé et n’est plus capable de trouver ou d’attaquer les souches du VIH qui se servent du X4. Pour cette raison, les souches du VIH qui utilisent le X4 sont plus courantes parmi les personnes souffrant d’immunodéficience grave (sida).
Dans des cas très rares, il est possible que d’autres corécepteurs soient utilisés par le VIH, tel que le CXCR6. Cependant, comme elles sont très rares, les souches du VIH qui utilisent le CXCR6 ne font pas l’objet de nombreuses études.
En général, il semble que les personnes séronégatives puissent vivre longtemps et en bonne santé sans avoir de corécepteur R5. Les personnes porteuses de la mutation delta-32 qui cause l’absence de ce corécepteur sont rares. De façon générale, cette mutation se trouve chez moins de 1 % des personnes d’ascendance nord-européenne et est plus rare encore chez les autres groupes ethnoraciaux.
Le corécepteur X4 se trouve à la fois à intérieur et à l’extérieur du système immunitaire, soit :
En théorie, si l’on bloquait l’accès au corécepteur X4 pour une période prolongée, on pourrait causer de graves problèmes. Il y a une vingtaine d’années, des chercheurs ont testé un médicament expérimental qui pouvait bloquer l’accès au corécepteur X4 chez les personnes séropositives. Les chercheurs ont toutefois mis fin au développement de ce médicament pour cette population lorsque des études sur des animaux ont soulevé des préoccupations concernant le risque de lésions hépatiques. Pour cette raison et d’autres, le R5 est le seul corécepteur qui figure largement dans la recherche sur le traitement ou la guérison du VIH. Il existe un médicament anti-VIH approuvé du nom de maraviroc qui bloque l’accès au corécepteur R5, mais il n’est pas couramment utilisé. De plus, son utilisation n’a jamais été associée à la guérison éventuelle d’une personne atteinte de l’infection au VIH.
Les cellules souches utilisées pour les expériences sur la guérison du VIH doivent provenir de donneurs porteurs de la mutation rare delta-32. Néanmoins, afin d’éviter que les cellules greffées soient infectées par le VIH après la transplantation, le receveur doit être testé pour déterminer s’il est atteint d’une souche du VIH qui utilise le X4. Si cela était le cas, le VIH résiduel pourrait infecter les cellules souches transplantées.
Il est à noter qu’il ne suffit pas de faire une greffe de cellules souches provenant d’un donneur portant la mutation delta-32 pour réussir la guérison du VIH. Jusqu’à présent, il semble qu’une chimiothérapie soit nécessaire aussi. D’autres facteurs pourraient jouer un rôle également, tels qu’un phénomène appelé maladie du greffon contre l’hôte (MGCH). Cette dernière est une réaction immunologique qui se produit chez les personnes ayant reçu des tissus ou des cellules transplantés. Nous explorons brièvement la question de la mgCH plus loin dans ce numéro de TraitementActualités.
Au moment de mettre sous presse, un rapport a vu le jour à propos de l’analyse d’une importante base de données laissant entendre que certaines personnes porteuses de la mutation delta-32 (la majorité d’entre elles étant séronégatives) sont susceptibles d’avoir un risque accru de complications de santé à long terme. Nous passerons ce rapport en revue de même que ses répercussions pour la recherche sur les traitements et la guérison du VIH, dans un prochain numéro de TraitementActualités.
Ressource
Le Consortium de recherche sur la guérison du VIH (CanCURE)
—Sean R. Hosein
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