L’unique cas du singe de Miami suscite l’espoir de réussir le transfert des gènes
On a mis au point un groupe de superanticorps qui sont très efficaces lorsqu’ils sont utilisés en combinaison contre le VIH. En langage technique, on désigne ce groupe d’anticorps par le terme anticorps neutralisants à large spectre (bNAb). Plusieurs de ces anticorps font l’objet d’essais cliniques à l’heure actuelle. Les anticorps sont habituellement administrés par perfusion intraveineuse, mais les chercheurs expérimentent aussi d’autres méthodes pour administrer les bNAb chez les humains. Une des méthodes à l’étude s’appelle le transfert des gènes.
À propos du transfert des gènes
Au lieu d’effectuer des perfusions intraveineuses d’anticorps, une approche consiste à inciter l’hôte (qu’il soit un animal ou un être humain) à produire des anticorps lui-même. Il s’agit d’encoder l’information (dans le matériel génétique, l’ADN ou l’ARN) nécessaire pour transformer l’anticorps en un virus inoffensif qui sert ensuite de vecteur, puis à utiliser ce vecteur pour infecter les cellules de l’hôte par ce virus. Une fois l’infection réussie, le vecteur libère l’information génétique à l’intérieur de la cellule cible. Celle-ci incorpore ensuite l’information et se met à fabriquer des anticorps.
Des chercheurs à l’Université de Miami ont mené une expérience de ce genre en utilisant un virus inoffensif appelé vecteur viral adéno-associé recombinant (rAAV). L’information nécessaire pour fabriquer des anticorps est encodée dans l’ADN et insérée dans le virus. Dans ce cas, les chercheurs ont encodé l’information afin de transformer trois anticorps différents en une souche du rAAV.
Les chercheurs ont ensuite infecté quatre singes par un virus appelé VISH. Ce dernier est une combinaison du VIS (virus de l’immunodéfience simienne), qui cause une maladie comme le sida chez des singes vulnérables, et du VIH. Puisque le virus hybride VISH provoque l’immunodéficience grave plus rapidement que le VIS, il permet d’accélérer le rythme des expériences. Les chercheurs ont laissé l’infection au VISH persister pendant au moins 80 semaines, puis ils ont administré du rAAV contenant de l’ADN et les instructions sur la fabrication de trois bNAb.
Dans leurs commentaires au sujet de cette expérience, d’autres chercheurs ont affirmé ceci :
« C’est frappant de constater que, chez l’un des animaux, la quantité de [VISH dans son sang] a chuté de façon marquée, passant d’environ 10 000 copies/ml à moins de 15 copies/ml en l’espace de quelques semaines après l’administration du rAAV. Une analyse poussée a révélé que cet animal fut le seul à maintenir une [production] vigoureuse de plus d’un des bNAb. »
Les chercheurs de Miami ont constaté que trois animaux ont développé des anticorps qui s’attaquaient à chacun des trois bNAb. Par ailleurs, le système immunitaire d’un animal particulier surnommé le « singe de Miami » n’a attaqué qu’un seul des trois bNAb, ce qui a laissé des taux élevés des deux autres anticorps. Le singe en question continue d’avoir une charge virale indétectable trois ans après l’administration initiale de sa thérapie au rAAV par injection intramusculaire.
Les chercheurs ont ensuite tenté une expérience semblable sur 12 autres singes, mais le système immunitaire de ces animaux s’est également attaqué à tous les bNAb. Notons que ces expériences sur le transfert des gènes ont semblé sûres.
Chez les humains
Une équipe de chercheurs à New York et à Surrey, au Royaume-Uni, ont mené une étude randomisée contrôlée contre placebo sur une souche du rAAV qui contenait les instructions encodées nécessaires à la fabrication d’un bNAb appelé PC9. Vingt-et-une personnes séronégatives en bonne santé ont participé à l’étude. Elles ont toutes reçu des doses différentes du rAAV par injection intramusculaire.
Le transfert des gènes s’est fait de façon sécuritaire et les effets secondaires ont généralement été légers ou modérés et incluaient les suivants :
- douleur au site de l’injection
- sensibilité au toucher au site de l’injection
- douleur musculaire généralisée
- mal de tête
Tous ces effets secondaires ont été temporaires et se sont résorbés sans traitement. Aucun effet secondaire grave ne s’est produit et personne n’est décédé. Les tests de laboratoire n’ont pas donné de résultat anormal.
Les techniciens ont décelé des indices de la production de PG9 dans les cellules musculaires, toutefois les quantités de l’anticorps étaient trop faibles pour être décelées dans le sang.
Les chercheurs ne sont pas certains pourquoi les taux de l’anticorps étaient si faibles. Ils ont trouvé des indices que les cellules CD8+ des participants ayant reçu du rAAV étaient capables de reconnaître et d’attaquer l’AAV, contrairement aux participants traités par placebo. Certaines personnes qui ont reçu le vaccin ont développé des anticorps qui s’attaquaient au PG9.
À l’avenir
Il sera peut-être nécessaire d’administrer des doses plus élevées du rAAV qui encodent des bNAb plus puissants que le PC9. Il est clair que l’expérience sur le transfert des gènes menée dans cette étude doit être raffinée afin de minimiser la capacité du système immunitaire à détruire les bNAb.
Diverses équipes de chercheurs tentent de trouver un moyen d’empêcher le système immunitaire de s’attaquer aux bNAb créés par le transfert des gènes. Il est probable que d’autres expériences sur le transfert des gènes auront lieu à l’avenir.
Bien qu’il s’agisse d’un seul cas, le succès obtenu auprès du singe de Miami annonce une approche en vertu de laquelle des humains subiront éventuellement des transferts de gènes afin qu’ils puissent créer des anticorps qui s’attaquent au VIH. Cela servirait à la fois à protéger les personnes séronégatives et à traiter les personnes séropositives, de sorte qu’elles soient peut-être libérées de la nécessité de prendre des médicaments anti-VIH de façon régulière.
Ressource
Le Consortium de recherche sur la guérison du VIH (CanCURE)
—Sean R. Hosein
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