La TAR durant la grossesse s’avère sécuritaire pour le cœur du bébé
Comme nous l’avons déjà mentionné dans ce numéro de TraitementSida, l’utilisation d’une combinaison de médicaments anti-VIH puissants (couramment appelée TAR) et la prise d’autres mesures peuvent aider considérablement les femmes séropositives à avoir un bébé séronégatif en bonne santé.
Les chercheurs continuent de surveiller la santé des bébés nés de mères séropositives afin d’évaluer l’innocuité de la TAR. Lors d’une étude conçue à cette fin, des chercheurs de la Wayne State University de Detroit ont collaboré avec des scientifiques d’autres régions des États-Unis pour évaluer la présence de lésions ou d’anomalies congénitales liées à la TAR chez les bébés. Il est rassurant d’apprendre que les chercheurs n’ont trouvé aucun indice de toxicité cardiaque chez les enfants nés de mères séropositives traitées par TAR pendant la grossesse. Il semble toutefois qu’ils aient découvert un signe possible de changements subtils dans l’épaisseur des chambres de pompage du cœur chez certains des enfants évalués. Cette découverte doit être considérée avec prudence pour des raisons que nous expliquerons dans cet article.
Détails de l’étude
Les chercheurs de 22 cliniques américaines qui avaient soigné des bébés nés de mères séropositives ont réuni et analysé leurs données. Ils recherchaient des liens statistiques entre les indices éventuels d’anomalies congénitales ou de dommages cardiaques et les facteurs qui auraient pu les causer. Les chercheurs ont évalué la santé cardiaque des bébés à l’aide d’échographies, soit une échographie par enfant.
Aux fins de leur étude, les chercheurs ont réuni et comparé des données recueillies entre 2007 et 2012 auprès des deux groupes de bébés suivants :
- 411 bébés séronégatifs nés de femmes utilisant la TAR
- 98 bébés séronégatifs nés de mères séronégatives
Résultats
Les chercheurs ont trouvé un indice statistique suggérant que l’exposition fœtale à l’AZT (zidovudine, Retrovir et dans le Combivir et le Trizivir) ait peut-être causé une modification très subtile de la forme d’une partie du cœur. Le résultat net de cette trouvaille serait la suivante : le flux sanguin exercerait un stress physique légèrement plus fort sur les parois du cœur.
Points à considérer
1. Le résultat le plus important réside peut-être dans le fait que les chercheurs n’ont pas détecté de dommage cliniquement pertinent dans le cœur des enfants séronégatifs nés de mères séropositives; autrement dit, le cœur des bébés fonctionnait normalement.
Les chercheurs semblent avoir découvert des changements très subtils dans le cœur des enfants, changements qui, selon les chercheurs, « pourraient être expliqués, du moins partiellement, par [l’exposition à la TAR dans l’utérus]. » Nos lecteurs devraient noter que cette déclaration des chercheurs est remplie d’incertitude; ils ne savent pas quel rôle précis la TAR aurait joué dans leurs résultats. De plus, il faut souligner qu’il s’agit ici d’une étude par observation. Les études de ce genre sont utiles pour trouver des associations entre un médicament et un résultat, mais elles ne peuvent prouver le lien de cause à effet. En d’autres mots, la présente étude ne peut discriminer entre l’effet potentiel de la TAR dans l’utérus et l’effet du VIH dans l’utérus. Il faut donc interpréter les résultats de cette étude avec prudence, et ils doivent être vérifiés par une autre étude.
2. Plusieurs facteurs sont associés à l’apparition de changements très subtils dans la forme des chambres de pompage du cœur. Par exemple, dans la présente étude, les chercheurs ont constaté que la consommation de tabac et/ou d’alcool pendant la grossesse a donné lieu aux changements suivants dans le cœur des bébés :
- affaiblissement de la capacité de pompage du cœur
- épaississement des parois du cœur
Ces effets se sont produits indépendamment de l’utilisation de la TAR.
De plus, à l’époque précédant l’introduction de la TAR dans les pays à revenu élevé (avant 1996), on constatait couramment une augmentation du volume du cœur des enfants infectés par le VIH. Des complications liées à l’hypertrophie du cœur et à la dysfonction cardiaque chez les enfants séropositifs ont également été signalées avant 1996.
Il est possible que d’autres causes soient à l’origine des problèmes cardiaques subtils observés dans la présente étude. Par exemple, les chercheurs américains ont laissé croire que la présence d’inflammation de faible degré dans l’utérus, déclenchée par l’infection au VIH chez la mère, pourrait en être responsable. Des recherches précédentes menées auprès d’enfants séronégatifs nés de mères séropositives suggéraient que certains de ces enfants présentaient un taux d’inflammation élevé dans le système cardiovasculaire et ce, malgré le fait d’être nés séronégatifs.
3. Des études rigoureusement conçues sont nécessaires pour clarifier cette question. Les études de ce genre sont longues à créer et à mener et coûtent relativement cher.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Wilkinson JD, Williams PL, Leister E, et al. Cardiac biomarkers in HIV-exposed uninfected children. AIDS. 2013 Apr 24;27(7):1099-108.
- Lipshultz SE, Williams PL, Zeldow B, et al. Cardiac effects of in-utero exposure to antiretroviral therapy in HIV-uninfected children born to HIV-infected mothers. AIDS. Jan 2015;29:91-100.
- Bulterys M, Berry RJ, Watts DH. Preconception antiretroviral therapy and birth defects: what is needed? AIDS. 2014 Nov 28;28(18):2777-2780.