Obtenir des réponses fiables en matière de consommation de substances

L’atteinte et le maintien d’une charge virale indétectable exigent une excellente observance des combinaisons de médicaments anti-VIH puissants (TAR). Certaines personnes trouvent l’observance relativement facile, mais il y a aussi des gens qui ont de la difficulté à suivre fidèlement leur TAR et leurs autres médications et ce, pour une variété de raisons. Cette difficulté peut surgir à cause de priorités concurrentes, y compris des problèmes comme une dépression non diagnostiquée et l’usage problématique de substances. Comme ce dernier problème est sujet à la désapprobation sociétale, certaines personnes trouvent qu’il est difficile de parler ouvertement de leur consommation à leur médecin, à leur infirmière ou à leur pharmacien. Les drogues et l’alcool peuvent influencer directement ou indirectement l’humeur et l’état émotionnel d’une personne, et la consommation problématique peut compromettre son observance thérapeutique et nuire finalement à sa santé. Les chercheurs sont en train de découvrir que la consommation problématique de substances est liée à la détérioration de la santé et à la réduction de la survie chez les personnes vivant avec le VIH.

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Des chercheurs dans quatre villes américaines — Baltimore, Detroit, New York et Portland — ont mené une étude dans le but de mieux comprendre les interactions entre les professionnels de la santé et leurs patients séropositifs. En particulier, les équipes ont cherché à évaluer le genre de questions posées par les professionnels de la santé dans le cadre des consultations. Selon les chercheurs, lorsque les professionnels de la santé formulaient leurs questions d’une manière exempte de jugement ou même de préjugés subtils, les patients dévoilaient honnêtement leurs habitudes de consommation de substances. Nous reproduisons leurs catégories de questions plus loin dans cet article.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont demandé et obtenu le consentement écrit des professionnels de la santé et des patients afin d’enregistrer leurs conversations. À la suite du rendez-vous du patient auprès du praticien, les chercheurs ont également interrogé le patient en leur posant des questions détaillées sur leur consommation de substances.

Au moment de s’inscrire à l’étude, les participants (professionnels de la santé et patients) avaient le profil moyen suivant :

56 professionnels de la santé

  • âge : 44 ans
  • 46 % d’hommes, 54 % de femmes
  • professions : médecins – 65 %; infirmières praticiennes – 20 %; adjoints aux médecins – 15 %

162 patients

  • âge : 47 ans
  • 58 % d’hommes, 42 % de femmes
  • substances consommées : alcool seulement – 33 %; cocaïne seulement – 35 %; héroïne seulement – 6 %;  plus d’une substance – 25 %

Résultats

Selon les chercheurs, à la fin de leurs consultations auprès des patients, les professionnels de la santé étaient au courant de 52 % des épisodes de consommation de drogues ou d’alcool. Cependant, selon les chercheurs, les praticiens « ignoraient apparemment [48 %] des épisodes de consommation ».

Plus d’une substance

Même si 41 patients ont dévoilé à l’équipe de recherche qu’ils utilisaient plus d’une substance, les chercheurs ont constaté que les professionnels de la santé ont réussi à « obtenir le dévoilement total de tous les épisodes de consommation lors de seulement 29 % des rencontres » avec des patients qui utilisaient plus d’une substance. Lors des rencontres en question, « le dévoilement de la consommation de cocaïne avait tendance à être plus fréquent que celle de l’alcool et de l’héroïne », ont affirmé les chercheurs.

Genres de questions

Les chercheurs ont décrit les quatre catégories de questions suivantes :

Questions ouvertes

« Ces questions invitaient les patients à donner des réponses détaillées, et ils ne pouvaient y répondre par un seul mot. »

Questions « normalisantes »

Ces questions portaient spécifiquement sur la dernière fois que les patients avaient consommé des drogues ou de l’alcool.

Questions fermées

Il s’agissait de questions « positivement formulées » qui nommaient une substance particulière ou qui faisaient plus généralement allusion à des substances en utilisant des noms spécifiques.

Questions suggestives évoquant la non-consommation

Il s’agissait de questions « négativement formulées » qui employaient des termes comme « abstinence » ou « sobre ».

Obtention d’un dévoilement fiable

Les chercheurs ont constaté que les questions ouvertes et normalisantes permettaient d’obtenir un dévoilement fiable de la consommation de substances dans tous les cas.

De plus, les chercheurs ont affirmé que « la consommation problématique de substances est un sujet délicat qui est la cible d’une stigmatisation importante. Il est possible que les questions ouvertes créent le sentiment d’être moins jugé et d’être plus à l’aise chez le patient, ce qui réduit les biais dans les réponses ».

Selon les chercheurs, en posant une question sur la « dernière fois » qu’un patient a consommé, on peut « normaliser la consommation de substances et baisser peut-être les barrières au dévoilement ». Toujours selon les chercheurs, le fait de formuler la question de cette manière « pourrait aider [les patients] à se rappeler plus précisément [leur consommation] en leur donnant un point de référence spécifique, ce qui augmente les taux de dévoilement ».

Dévoilements peu fiables

Contrairement aux catégories de questions précédentes, les chercheurs ont trouvé que les « questions suggestives », comme celles cherchant à déterminer si le patient restait « sobre » ou s’il faisait preuve d’« abstinence », acquéraient une nature subtilement menaçante et faisaient en sorte que la consommation « semblait moins acceptable ». Les questions de ce genre ne servent qu’à renforcer la stigmatisation de la consommation de substances et pourraient compromettre le dévoilement à cause de « la crainte des blâmes et des jugements ».

Plus d’une substance

À la lumière de leurs résultats, les chercheurs encouragent les professionnels de la santé à « poser des questions sur d’autres substances lorsque les patients dévoilent en avoir consommé une ».

Comment poser les questions

Les chercheurs ont trouvé que près de la moitié des professionnels de la santé n’interrogeaient pas leurs patients sur la consommation de substances. Pour rectifier cette situation, les chercheurs recommandent la démarche suivante :

« Cela pourrait valoir la peine d’envisager la mise en œuvre d’un programme de dépistage universel afin d’augmenter les taux de dévoilement des patients. Par exemple, l’utilisation de sondages [écrits ou sur tablette] dans les salles d’attente pourrait faciliter le dévoilement sans qu’il soit nécessaire aux professionnels de la santé de poser des questions sur la consommation de substances pendant la rencontre clinique. »

Point à retenir

Il faut souligner que nous parlons dans cet article d’une étude par observation. Ainsi, il est possible que des facteurs que les chercheurs n’ont pas mesurés ou pris en considération aient faussé par inadvertance leurs conclusions. Par exemple, selon les chercheurs, certains patients et professionnels de la santé avaient une relation « plus fonctionnelle » qui influençait le genre de questions posées. De plus, cette étude a porté sur un nombre trop faible de participants pour pouvoir établir des relations significatives (c’est-à-dire statistiques) entre les questions posées et la race, le sexe et les autres attributs des professionnels de la santé et de leurs patients.

Ressources

Consommation de substances, santé mentale et survie

La dépendance et la survie dans le contexte du VIHNouvelles CATIE

Des chercheurs suisses évaluent la consommation de drogues et son impact sur la santé et la survieNouvelles CATIE

Une étude canadienne associe la cocaïne à la dysfonction et aux lésions rénales chez certains utilisateursNouvelles CATIE

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Demandez aux experts : Les dépendancesVision positive (automne 2016)

Le VIH et le bien-être émotionnel

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Information sur l’hépatite C de CATIE

—Sean R. Hosein

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