Innocuité de Cabenuva après cinq ans

La plupart des essais cliniques sur l’association de cabotégravir et de rilpivirine à longue durée d’action (association portant le nom de Cabenuva) ont duré un an ou deux. Or, on dispose maintenant de données recueillies auprès de 274 personnes qui ont reçu des injections de Cabenuva toutes les quatre ou huit semaines pendant jusqu’à cinq ans. Ces données révèlent que ces personnes ont maintenu une charge virale indétectable dans une proportion de 74 % à 94 %. Même si les réactions aux sites d’injection étaient courantes, elles n’ont incité que 2 % des participant·e·s à abandonner le traitement. Trois personnes ont eu des réactions indésirables graves, et trois personnes sont décédées (vraisemblablement de causes autres que Cabenuva). De façon générale, l’utilisation à long terme de Cabenuva s’est révélée bien tolérée et efficace.

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Détails de l’étude

Lancé en 2014, un essai clinique du nom de Latte-2 a recruté des participant·e·s dans les pays suivants :

  • Allemagne
  • Canada
  • Espagne
  • États-Unis
  • France

Latte-2 est un essai clinique randomisé d’une grande complexité.

Les participant·e·s ne suivaient pas de traitement anti-VIH (TAR) avant de commencer à prendre les médicaments à l’étude dans l’essai Latte-2. Les participant·e·s ont reçu un TAR oral uniquotidien pendant 20 semaines, soit un comprimé de cabotégravir et un comprimé d’abacavir et de 3TC. Pendant les quatre dernières semaines, le médicament rilpivirine a été ajouté. Cette phase d’induction par voie orale du traitement était nécessaire pour permettre l’atteinte d’une charge virale indétectable et l’évaluation de la tolérance des patient·e·s aux médicaments. Notons que lors du lancement de Latte-2 en 2014, on en savait peu sur l’innocuité et la tolérabilité du cabotégravir en association avec la rilpivirine.

De nos jours, les personnes qui commencent à prendre Cabenuva suivent une phase d’induction beaucoup plus courte, soit quatre semaines habituellement. De plus, les résultats d’autres essais cliniques laissent croire que le traitement d’induction par voie orale pourrait devenir facultatif à l’avenir parce que le cabotégravir est très bien toléré. Comme la rilpivirine est un médicament plus ancien, les médecins connaissent déjà son innocuité.

Dans Latte-2, les participant·e·s qui ont suivi jusqu’au bout le traitement oral de 20 semaines ont été réparti·e·s au hasard dans un des trois groupes suivants :

  • formulations injectables à longue durée d’action de cabotégravir + rilpivirine administrées toutes les quatre semaines : 115 personnes
  • formulations injectables à longue durée d’action de cabotégravir + rilpivirine administrées toutes les huit semaines : 115 personnes
  • continuation du traitement oral par cabotégravir + abacavir + 3TC pendant 96 semaines, suivie du passage au traitement injectable : 56 personnes

Il importe de noter que les doses et les volumes des médicaments injectables administrés aux huit semaines étaient plus élevés que ceux des médicaments administrés aux quatre semaines.

À la fin de 96 semaines, les participant·e·s qui suivaient le TAR oral avaient l’option de remplacer ce dernier par les formulations injectables à longue durée d’action du cabotégravir et de la rilpivirine, données toutes les quatre ou huit semaines. Cette étude a été conçue de manière à garantir à tout le monde la possibilité de recevoir un traitement à longue durée d’action, ce qui s’est sans doute révélé très motivant lors du recrutement.

Les deux premiers groupes — ceux qui recevaient du cabotégravir et de la rilpivirine injectables à longue durée d’action toutes les quatre ou huit semaines — étaient appelés groupes randomisés par l’équipe de recherche. Le troisième groupe — celui qui poursuivait le traitement oral — était appelé groupe de continuation par l’équipe de recherche.

À propos du cabotégravir et de la rilpivirine injectables

Une fois la phase du traitement injectable lancée, le personnel infirmier a commencé à injecter du cabotégravir à longue durée d’action dans une fesse et de la rilpivirine à longue durée d’action dans l’autre fesse de chaque participant ou participante (un total de deux injections). Les personnes traitées par injection aux huit semaines recevaient une dose et un volume plus élevés des médicaments à longue durée d’action que les personnes traitées aux quatre semaines.

À propos des participant·e·s

Lors de leur admission à l’étude, le profil des participant·e·s ressemblait à ceci : âge moyen dans la trentaine; plus de 90 % d’hommes; majoritairement de race blanche (80 %) ou noire (10 %). Les comptes de CD4+ variaient entre 450 et 500 cellules/mm3 et la charge virale moyenne était de 30 000 copies/ml.

Résultats

Après cinq ans, les participant·e·s avaient une charge virale supprimée dans les proportions suivantes :

  • formulations injectables à longue durée d’action de cabotégravir + rilpivirine administrées aux quatre semaines : 74 %
  • formulations injectables à longue durée d’action de cabotégravir + rilpivirine administrées aux huit semaines : 88 %
  • groupe de continuation : 90 % chez les personnes se faisant injecter toutes les quatre semaines; 94 % chez les personnes se faisant injecter toutes les huit semaines

En ce qui concerne le troisième groupe, rappelons qu’il s’agit de personnes qui avaient suivi un TAR oral pendant 96 semaines avant de changer ce dernier pour un traitement injectable qu’elles ont poursuivi pendant plus de trois ans (même si elles sont restées dans l’étude pendant cinq ans en tout).

Avant la cinquième année de l’étude, des personnes utilisant chaque schéma thérapeutique ont quitté l’étude dans des proportions différentes à cause d’effets indésirables (plus de détails se trouveront plus loin). Par conséquent, l’équipe de recherche ne disposait pas de données sur la charge virale de ces personnes cinq ans après le début de l’étude. Pour minimiser le biais statistique qui pourrait s’introduire dans l’interprétation des résultats à la cinquième année, l’équipe de recherche considérait la charge virale de ces personnes comme détectable, et elles comptaient encore comme participant·e·s à l’essai dans les résultats globaux. Une description des cas d’échec virologique confirmés apparaît dans la section suivante.

Échecs virologiques confirmés

On considérait que les participant·e·s étaient en situation d’échec virologique si les résultats de deux tests de la charge virale consécutifs étaient supérieurs à 200 copies/ml. Utilisant ce critère, les cas d’échec virologique étaient répartis comme suit :

  • personnes randomisées pour recevoir des injections toutes les quatre semaines : 3 % ont subi un échec virologique
  • personnes randomisées pour recevoir des injections toutes les huit semaines : 0 % ont subi un échec virologique
  • groupe de continuation : 3 % ont subi un échec virologique; toutes les personnes en question se faisaient injecter aux huit semaines

Effets indésirables

Dans le contexte d’un essai clinique, on utilise le terme effet indésirable pour désigner tout évènement navrant qui se produit. Il peut s’agir d’effets secondaires des médicaments, de symptômes causés par le processus pathologique sous-jacent ou encore d’évènements survenant en dehors de l’essai (tel un accident).

Un plus grand nombre d’abandons prématurés est survenu dans le groupe randomisé pour recevoir des injections aux quatre semaines, et ce, pour les raisons suivantes :

  • lésion rénale aiguë
  • tentative de suicide
  • maladie coronarienne
  • fatigue persistante
  • complications d’une dépendance
  • faiblesse musculaire
  • enflure persistante des ganglions lymphatiques
  • infection par le virus de l’hépatite C
  • formation excessive de caillots sanguins

Il est très improbable que la majorité de ces effets indésirables aient été attribuables aux médicaments à l’étude. En effet, peu des effets indésirables liés au traitement étaient suffisamment embêtants pour inciter les participant·e·s à abandonner l’étude. Il faut toutefois souligner deux exceptions à cet égard, que voici :

  • douleur au site d’injection : deux personnes se faisant injecter aux huit semaines et une personne se faisant injecter aux quatre semaines
  • nodule au site d’injection

Chez les personnes recevant les traitements injectables, les effets secondaires courants étaient principalement des réactions aux sites d’injection, soit de la rougeur, de l’enflure, une sensation désagréable et de la douleur. Ces effets secondaires étaient généralement légers ou modérés et se résorbaient sans traitement après quelques jours. Les réactions aux sites d’injection sont devenues moins fréquentes au cours de l’étude.

Les autres effets secondaires éprouvés à la suite des injections incluaient les suivants :

  • fièvre
  • douleur au dos
  • fatigue

Ces effets étaient temporaires dans la plupart des cas.

Trois personnes qui recevaient des injections aux quatre semaines sont décédées durant l’étude des causes suivantes :

  • crise convulsive : aucun lien avec les médicaments figurant dans l’étude; le décès est survenu à la semaine 30
  • maladie coronarienne : lien possible avec l’utilisation de cocaïne; le décès est survenu à la semaine 223
  • crise cardiaque : lien potentiel avec les médicaments à l’étude, mais ViiV et Janssen (commanditaires de l’étude) le contestent; le décès est survenu à la semaine 139

Tests de laboratoire

Treize pour cent (13 %) des participant·e·s suivant un traitement à longue durée d’action ont reçu des résultats de laboratoire indiquant une anomalie grave, soit un taux élevé de l’enzyme créatine kinase dans le sang. Il existe plusieurs sous-types de créatine kinase, mais aucune précision n’a été donnée à cet égard. Notons cependant que le taux de créatine kinase peut augmenter en présence d’inflammation et de lésions dans les muscles squelettiques, le cœur ou le cerveau. Cet effet indésirable a été temporaire.

Une autre grave anomalie s’est révélée dans les tests de laboratoire de 8 % des participant·e·s recevant un traitement injectable, soit un taux élevé de lipase. La lipase est une enzyme produite par la glande pancréatique. Un taux excessif de lipase dans le sang laisse soupçonner la présence d’inflammation dans cette glande. Il importe de noter que le rapport publié par ViiV au sujet de l’essai Latte-2 n’a rendu compte d’aucune douleur abdominale associée au taux de lipase élevé. Cet effet indésirable a été temporaire.

Les taux de cholestérol total et de cholestérol LDL (le « mauvais » cholestérol) étaient élevés chez moins de 1 % des participant·e·s.

En dernier lieu, notons que des électrocardiogrammes effectués au début et à la fin de l’étude n’ont révélé aucune anomalie.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Smith GHR, Henry WK, Podzamczer D et al. Efficacy, safety and durability of long-acting cabotegravir and rilpivirine in adults with human immunodeficiency virus type 1 infection: 5-year results from the Latte-2 study. Open Forum Infectious Disease. 2021. Aug 25;8(9):ofab439.