Questions à considérer par rapport au repositionnement de l’ertapénem

Comme nous l’avons mentionné plus tôt dans ce numéro de TraitementActualités, une équipe de recherche des Pays-Bas a recueilli des données préliminaires révélant le potentiel de l’antibiotique ertapénem pour le traitement de la gonorrhée. Notons cependant que l’essai néerlandais en question, Nabogo de son nom, était de relativement faible envergure et avait des limites. Les scientifiques devront tenir compte de celles-ci afin de bien planifier les recherches futures sur l’ertapénem pour le traitement de la gonorrhée.

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Sensibilité à la ceftriaxone

Les tests de laboratoire effectués dans le cadre de l’étude néerlandaise ont confirmé que toutes les souches de gonorrhée présentes chez les participant·e·s étaient sensibles à la ceftriaxone. Il n’empêche que, depuis deux décennies, les rapports faisant état de souches de gonorrhée résistantes à ce médicament se sont multipliés. L’ertapénem serait-il efficace contre celles-ci?

Il y a une décennie en Suède, des scientifiques ont mené des expériences de laboratoire sur quatre souches de gonorrhée qui étaient résistantes à la ceftriaxone. L’équipe suédoise a constaté que l’ertapénem pouvait arrêter la croissance de ces quatre souches de bactéries causant la gonorrhée. Quelque prometteurs que soient les résultats de ces tests de laboratoire, on devra les confirmer dans un essai clinique mené auprès de personnes infectées par des souches de gonorrhée résistantes. (Rappelons que de nombreuses expériences de laboratoire prometteuses ne donnent pas toujours les mêmes résultats chez les humains.) De plus, dans les cas de gonorrhée résistante à la ceftriaxone, il pourrait s’avérer nécessaire d’utiliser des doses d’ertapénem plus élevées que celles utilisées par l’équipe néerlandaise. Il est même plausible que des doses multiples d’ertapénem soient nécessaires, plutôt qu’une seule, pour traiter la gonorrhée résistante à la ceftriaxone. Ces questions pourraient faire l’objet d’essais cliniques futurs.

Chez la femme

L’étude néerlandaise a inclus une faible proportion de femmes, ce qui en limite la pertinence à l’égard de cette population. Notons de plus qu’une femme atteinte de gonorrhée cervicovaginale n’a pas guéri sous l’effet de l’ertapénem. D’autres recherches sont nécessaires pour évaluer l’ertapénem chez cette population.

Infection de la gorge

La gonorrhée de la gorge peut être difficile à guérir, probablement parce que les antibiotiques ont de la difficulté à atteindre des concentrations élevées dans les tissus de la gorge. L’essai Nabago avait comme objectif principal d’évaluer l’efficacité du traitement contre la gonorrhée anorectale ou urogénitale. Les cas de gonorrhée de la gorge étaient minoritaires dans cette étude, et la plupart des personnes touchées ont guéri sous l’effet de la ceftriaxone (90 %) ou de l’ertapénem (88 %).

Ce dernier résultat est prometteur, mais l’équipe néerlandaise souhaite la tenue d’autres essais randomisés pour évaluer la capacité des antibiotiques de guérir la gonorrhée dans la gorge.

Autres problèmes

Les participant·e·s à l’essai Nabago présentaient des cas de gonorrhée sans complications. Des études futures devront évaluer l’efficacité de l’ertapénem lorsque les bactéries de la gonorrhée se seront propagées au-delà de la région anorectale, urogénitale ou la gorge. On parle dans un tel cas de gonorrhée disséminée.

Il se pourrait que l’on décide de mener un essai clinique où l’ertapénem serait associé à un autre antibiotique dans le but d’accroître son effet contre la gonorrhée ou des co-infections comme la chlamydiose ou Mycoplasma genitalium. D’autres recherches seraient toutefois nécessaires pour choisir un médicament qui jouerait bien ce rôle.

Coût

L’équipe de recherche néerlandaise a affirmé que « les coûts de l’ertapénem sont considérablement plus élevés que ceux de la ceftriaxone », ce qui pourrait limiter son utilisation éventuelle contre la gonorrhée à l’avenir.

Recrutement

L’équipe de l’essai Nabago a connu des problèmes de recrutement. Des problèmes semblables pourraient perturber les essais cliniques d’antibiotiques à l’avenir et ralentir ainsi le rythme de la recherche sur la gonorrhée.

Réservé au traitement de sauvetage

En raison des problèmes déjà mentionnés, il est probable que les cliniques et les hôpitaux réserveront l’utilisation de l’ertapénem aux cas où la ceftriaxone aura échoué, du moins pour l’avenir prévisible.

Bien que cette étude néerlandaise constitue un important pas en avant, il faut faire d’autres recherches pour découvrir le plein potentiel de l’ertapénem contre la gonorrhée et pour en déterminer la meilleure posologie et la durée de traitement idéale.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. de Vries HJC, de Laat M, Jongen VW, et al. Efficacy of ertapenem, gentamicin, fosfomycin, and ceftriaxone for the treatment of anogenital gonorrhoea (NABOGO): a randomised, non-inferiority trial. Lancet Infectious Diseases. 2022 Jan 19:S1473-3099(21)00625-3. 
  2. Kong FYS, Hocking JS. Treating pharyngeal gonorrhoea continues to remain a challenge. Lancet Infectious Diseases. 2022 Jan 19:S1473-3099(21)00649-6.