Innocuité et efficacité de l’association dolutégravir + 3TC chez des personnes séropositives de 65 ans et plus

Grâce aux bienfaits énormes des traitements contre le VIH (TAR), les scientifiques constatent que davantage de personnes séropositives vivent de nos jours jusqu’à un âge avancé. Les prévisions découlant d’études d’envergure laissent croire que de nombreuses personnes sous TAR ont une espérance de vie quasi normale.

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À mesure que les personnes séropositives vieillissent sous l’effet du TAR, le besoin d’études de recherche portant sur cette population augmente. De telles études sont essentielles parce que les personnes âgées ont un métabolisme plus lent que les jeunes et sont sujettes à d’autres problèmes de santé qui nécessitent un traitement, tels que l’hypertension, le diabète et l’hypercholestérolémie. Les médicaments utilisés pour traiter ces autres maladies peuvent interagir avec les traitements contre le VIH.

En Italie, une équipe de recherche de l’Université de Bologne a passé en revue les dossiers médicaux de 72 personnes séropositives âgées en moyenne de 69 ans. Les participant·e·s vivaient avec le VIH depuis de nombreuses années et suivaient un TAR consistant en trois ou quatre médicaments. Ces schémas thérapeutiques avaient réduit la quantité de VIH jusqu’à un niveau indétectable. Aux fins de l’étude, on a changé le traitement de tou·te·s les participant·e·s pour Dovato, un comprimé associant les deux médicaments anti-VIH dolutégravir et 3TC. L’équipe de recherche a ensuite recueilli des données cliniques et de laboratoire pendant une année.

De façon générale, l’équipe de recherche a constaté que l’association était bien tolérée, et les effets secondaires qui se produisaient étaient légers et temporaires. Trois personnes ont vécu un échec virologique, soit une augmentation de la charge virale jusqu’à moins de 2 000 copies/ml dans chaque cas. Des analyses sanguines n’ont pas révélé de résistance virale au dolutégravir ou au 3TC. Selon les médecins, ces trois personnes n’avaient pas pris leurs médicaments comme il se devait. Elles ont toutefois reçu d’autres schémas thérapeutiques qui ont subséquemment inhibé à nouveau le VIH. La charge virale était restée inhibée chez tou·te·s les autres participant·e·s (moins de 20 copies/ml dans ce cas).

Cette étude italienne n’était pas un essai clinique randomisé. Il n’empêche que ses résultats ressemblent vraisemblablement à ce qui se passe dans la vie de tous les jours d’une clinique VIH, c’est-à-dire en dehors du contexte d’un essai clinique. Même si l’étude italienne était de relativement faible envergure, ses résultats sont prometteurs. À la fin de cette section, nous résumons les résultats d’une analyse effectuée lors d’une autre étude par observation, menée elle aussi en Italie, ainsi que les données d’essais cliniques randomisés menés auprès de personnes de 50 ans ou plus. Tous les résultats en question se font écho les uns aux autres.

Détails de l’étude

Les participant·e·s avaient le profil moyen suivant lors de leur admission à l’étude :

  • 82 % d’hommes et 18 % de femmes
  • âge : 69 ans
  • compte de CD4+ le plus faible jamais mésuré : 184 cellules/mm3
  • compte de CD4+ actuel : 503 cellules/mm3
  • temps écoulé depuis le diagnostic de VIH : 22 ans
  • durée de l’emploi du schéma thérapeutique TAR avant le passage à l’association dolutégravir + 3TC : 7 ans
  • charge virale : avant de passer à l’association dolutégravir + 3TC, tou·te·s les participant·e·s avaient une charge virale inhibée (définie comme étant de moins de 20 copies/ml selon le dosage biologique utilisé au centre où l’étude était menée)
  • comorbidités : près de 90 % des participant·e·s avaient d’autres problèmes de santé, dont l’hypertension, l’ostéoporose, le diabète de type 2 et des maladies du cœur
  • poids : en moyenne, les participant·e·s pesaient 68 kg et avaient un indice de masse corporelle (IMC) de 23 kg/m2

Les raisons courantes pour passer à l’association dolutégravir + 3TC incluaient les suivantes :

  • désir d’éviter les interactions entre le TAR et les médicaments utilisés contre les comorbidités
  • désir de simplifier le TAR
  • désir de réduire les effets secondaires du schéma thérapeutique en cours

Notons que les participant·e·s devaient ne présenter aucun des problèmes suivants :

  • antécédent d’échec virologique
  • test de résistance révélant une résistance du VIH au dolutégravir ou au 3TC
  • co-infection par le virus de l’hépatite B (VHB)
  • diagnostic de trouble lié à l’utilisation d’alcool ou de substances
  • lésions rénales
  • lésions hépatiques

Avant de passer à l’association dolutégravir + 3TC, les médicaments utilisés dans le cadre du traitement du VIH qui causaient des problèmes incluaient les suivants :

  • elvitégravir + cobicistat (ingrédients de Genvoya et de Stribild)
  • éfavirenz (ingrédient d’Atripla et de formulations génériques)
  • darunavir + cobicistat (ingrédients de Prezcobix)
  • rilpivirine (Edurant et ingrédient d’Odefsey); la rilpivirine se trouve également dans un autre comprimé nommé Juluca (dolutégravir + rilpivirine), mais personne ne recevait ce dernier dans cette étude

Le TAR qu’utilisaient antérieurement les participant·e·s avait provoqué les effets secondaires suivants, entre autres :

  • taux élevés de cholestérol et de triglycérides dans le sang
  • symptômes gastro-intestinaux non spécifiés
  • prise de poids importante

Résultats

Inhibition virale

Tou·te·s les participant·e·s avaient une charge virale indétectable (moins de 20 copies/ml) juste avant de changer de schéma thérapeutique. L’inhibition virale s’est maintenue subséquemment chez l’ensemble du groupe, à l’exception de trois personnes.

Trois participant·e·s avaient une charge virale détectable persistante se situant entre 600 et 1 800 copies/ml. Des tests de résistance n’ont révélé aucune résistance du VIH au dolutégravir ou au 3TC chez ces trois personnes. Lorsqu’on les a questionnées elles ont toutes dévoilé qu’elles n’avaient pas suivi fidèlement leur TAR, mais les raisons n’ont pas été données par l’équipe de recherche. Même si, en principe, les participant·e·s à cette étude ne devaient pas avoir subi d’échec virologique auparavant, l’équipe de recherche a affirmé que deux de ces trois personnes avaient vécu de tels épisodes sous l’effet de schémas thérapeutiques antérieurs.

Deux de ces trois personnes ont reçu ensuite leur schéma thérapeutique précédent, soit l’association darunavir + cobicistat + deux analogues nucléosidiques dans un cas et le médicament Odefsey dans l’autre. La troisième personne a reçu Triumeq (comprimé contenant l’association dolutégravir + 3TC + abacavir). Ces traitements ont inhibé à nouveau le VIH chez ces trois personnes.

Effets secondaires

Selon l’équipe de recherche, aucun·e participant·e n’a éprouvé d’effets secondaires graves. Il n’empêche que trois personnes ont cessé de prendre l’association dolutégravir + 3TC à cause de problèmes de sommeil (deux personnes) et de maux de tête (une personne).

D’autres personnes ont signalé les effets indésirables suivants, mais ces derniers ont tous été qualifiés de légers ou modérés et se sont résorbés en moins de deux semaines :

  • problèmes de sommeil : 11 %
  • diarrhée : 10 %
  • nausées et perte d’appétit : 6 %
  • maux de tête : 6 %
  • dépression : 4 %

Lipides et poids

Selon l’équipe de recherche, au 12e mois de l’étude, les concentrations de lipides sanguins, soit le cholestérol total, le cholestérol LDL et les triglycérides, ont toutes chuté considérablement. Aucun changement n’a été observé dans le taux de cholestérol HDL.

L’équipe de recherche a constaté une augmentation légère et non significative du poids corporel et de l’IMC au 12e mois de l’étude. Le poids a augmenté de 0,67 kg et l’IMC a augmenté d’un tiers de point (0,31 kg/m2).

Interactions médicamenteuses

L’équipe de recherche a souligné que le risque d’interactions médicamenteuses a baissé « considérablement » chez les participant·e·s après le passage à l’association dolutégravir + 3TC. Chez 12 personnes, il est possible qu’une interaction entre la metformine (médicament utilisé pour normaliser la glycémie) et le dolutégravir se soit produite durant l’étude, mais l’équipe de recherche ne pouvait l’affirmer avec certitude. Des rapports publiés donnent à penser qu’une réduction de la dose de metformine peut généralement régler le problème si une telle interaction a lieu.

À retenir

Il importe de souligner que cette étude n’était pas un essai clinique randomisé. Il n’empêche qu’elle a fourni des données utiles se rapportant à des personnes âgées qui utilisaient l’association dolutégravir + 3TC.

Lors d’une autre étude par observation de plus grande envergure, menée elle aussi en Italie et publiée deux ans auparavant, on a analysé des données se rapportant à 822 personnes âgées en moyenne de 70 ans. Les participant·e·s en question recevaient les inhibiteurs de l’intégrase suivants :

  • schéma thérapeutique à base de dolutégravir : 483 personnes
  • schéma thérapeutique à base de raltégravir (Isentress) : 243 personnes
  • Genvoya : 96 personnes

Les taux d’abandon du traitement ont été les plus faibles chez les personnes recevant un traitement à base de dolutégravir, et aucun échec virologique n’a été signalé.

ViiV Healthcare, fabricant de Dovato, a recueilli et réanalysé les données de quatre essais cliniques randomisés afin d’évaluer les effets de l’association dolutégravir + 3TC (ou d’autres associations incluant le dolutégravir) chez des personnes de 50 ans et plus. L’équipe de ViiV s’est concentrée sur 242 personnes séropositives dont la charge virale était inhibée. Selon la compagnie, les personnes de 50 ans et plus affichaient des taux élevés d’inhibition virale qui se comparaient à ceux des personnes plus jeunes. Les taux d’effets secondaires étaient semblables aussi, sans égard à l’âge. Lors de deux essais cliniques portant les noms de code Tango et Salsa, 14 personnes âgées de 65 ans ou plus ont reçu l’association dolutégravir + 3TC, et leurs taux d’inhibition virale et d’effets secondaires étaient semblables à ceux des personnes plus jeunes.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Calza L, Colangeli V, Legnani G et al. Efficacy and safety of switching to dolutegravir/lamivudine in virologically suppressed people living with HIV-1 aged over 65 years. AIDS Research and Human Retroviruses. 2023; sous presse.
  2. Focà E, Calcagno A, Calza S et al. Durability of Integrase STrand Inhibitor (InSTI)-based regimen in geriatric people living with HIV in the GEPPO cohort. PLoS One. 2021 Oct 13;16(10):e0258533. 
  3. Prakash M, Grove R, Wynne BR et al. 1267. Efficacy and safety of switching to DTG/3TC in virologically suppressed PLWH by age, including those aged ≥65 years: Pooled results from the TANGO and SALSA studies. Open Forum Infectious Diseases. 2022 Dec 15;9(Suppl 2):ofac492.1098.