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La prophylaxie pré-exposition (PrEP) est une stratégie de prévention du VIH hautement efficace. La PrEP peut être fournie par divers professionnels de la santé dans divers lieux, ce qui a la possibilité d’accroître les chances de rejoindre diverses populations et communautés qui n’ont peut-être pas facilement accès à des spécialistes du VIH.

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Nous avons interrogé des fournisseurs de services de la Saskatchewan, du Québec et de la Colombie-Britannique à propos de leurs approches novatrices quant à la prestation des programmes de PrEP :

  • Rachel Loewen Walker, directrice générale, OUTSaskatoon
  • Karen Lundgren, infirmière autorisée, Centre de santé communautaire Cool Aid & Jonathan Degenhardt, éducateur en promotion de la santé (anciennement), programme Bien-être des hommes, AIDS Vancouver Island
  • Matthew Harding, gestionnaire des programmes communautaires, MAX Ottawa & Samuel Gauthier, intervenant, programme Entre hommes, BRAS Outaouais

Rachel Loewen Walker, directrice générale, OUTSaskatoon

Pourquoi avez-vous développé votre programme de PrEP? Quel besoin cherchiez-vous à combler par ce programme?

Nous avons mis sur pied ce programme parce que la PrEP était peu connue et utilisée dans la communauté queer de Saskatoon et des alentours. Un médecin du coin, le Dr Francois Reitz, a contacté des membres de OUTSaskatoon, car il voulait organiser une clinique de PrEP une journée par mois. Le Dr Reitz avait vu le succès de cliniques de PrEP dans d’autres villes, particulièrement à Regina (une ville de taille équivalente à celle de Saskatoon). En nous appuyant sur le modèle de Regina, nous avons vu une belle occasion de lancer notre propre clinique et de servir la communauté locale. La clinique a ouvert ses portes juste avant le Festival de la Fierté de Saskatoon en juin 2018.

Pouvez-vous nous expliquer brièvement comment le programme de PrEP fonctionne? Comment vos clients potentiels apprennent-ils l’existence du programme? Qui contribue aux activités du programme?

La clinique est le fruit d’une collaboration entre deux centres de santé communautaires, OUTSaskatoon et Saskatoon Sexual Health, qui en font tous deux la promotion. Nous faisons de la publicité sur les médias sociaux, sur nos sites Web respectifs, sur des affiches et par le bouche-à-oreille. Nous sommes également en train de réaliser des publicités pour Grindr et nous avons bon espoir que ça nous permettra d’amener davantage de clients à la clinique.

Le programme est offert le premier samedi de chaque mois dans la clinique de OUTSaskatoon et il est possible de prendre rendez-vous ou de se présenter de manière spontanée. Le Dr Reitz ainsi que Ryan Broom, un infirmier autorisé, effectuent les examens, émettent les ordonnances et vérifient les analyses de laboratoire à la clinique. Lorsque les clients prennent rendez-vous pour la clinique du samedi, on les encourage à d’abord faire leurs analyses de laboratoire soit à OUTSaskatoon, Saskatoon Sexual Health ou ailleurs dans la ville, mais ce n’est pas obligatoire.

Le coordonnataire de la santé sexuelle chez OUTSaskatoon s’occupe de la portion administrative de la clinique. Saskatoon Sexual Health soutient la clinique en traitant les résultats d’analyse de laboratoire et en communiquant avec les pharmacies. Ensemble, cette équipe s’assure que les clients reçoivent du soutien avant, durant et après leurs rendez-vous et qu’ils sont dirigés vers les autres programmes communautaires de OUTSaskatoon, au besoin. Les patients peuvent également se présenter à la clinique de OUTSaskatoon et aux cliniques hebdomadaires de Saskatoon Sexual Health pour tous les suivis et analyses sanguines.

Quelles ont été les réussites du programme de PrEP? Croyez-vous que le programme a amélioré l’accès à la PrEP dans votre région? À quoi attribuez-vous le succès du programme?

Le programme est un réel succès. Nous avons plus de 20 rendez-vous par journée clinique et plus de 60 personnes ont commencé une PrEP dans la première année du programme. Une grande partie de la réussite du programme peut être attribuée à son lien avec les centres communautaires locaux. D’un point de vue physique, les services sont facilement et rapidement accessibles puisque OUTSaskatoon est situé dans le centre de la ville, en plus du stationnement accessible et des temps d’attente courts. Également, nous tenons la clinique dans un milieu communautaire amical et accueillant qui offre plusieurs autres programmes et services (comme de l’éducation, du counseling, des groupes sociaux, des programmes communautaires) qui sont susceptibles d’intéresser les clients.

À titre de première clinique de PrEP à Saskatoon, la clinique de OUTSaskatoon et de Saskatoon Sexual Health a grandement amélioré l’accès à la PrEP à Saskatoon et dans les environs. Je tiens également à mentionner que bien que nous ayons le soutien total de l’Autorité de la santé de la Saskatchewan, lorsque nous les avons approchés la première fois pour démarrer la clinique, ils nous avaient proposé un lancement beaucoup plus long et des procédures beaucoup plus compliquées. Avec du recul, tous les intervenants impliqués reconnaissent qu’en exécutant ce programme par l’entremise d’un centre communautaire, nous avons été en mesure de le lancer beaucoup plus rapidement et d’éliminer beaucoup de lourdeurs administratives. Il s’agit d’une grande réussite du programme qui démontre la valeur des initiatives collaboratives communautaires.

La clinique de PrEP a également servi d’exemple pour d’autres médecins et organisations sanitaires qui souhaitent prescrire une PrEP à leurs patients. Les médecins, le personnel infirmier et les pharmaciens ont tous visité la clinique pour apprendre du modèle et mieux comprendre la meilleure façon de servir leurs patients.

Quels défis avez-vous rencontrés dans l’exécution de ce programme de PrEP? Y a-t-il des leçons à tirer dont vous aimeriez faire part à d’autres intervenants qui envisagent de créer des programmes de PrEP semblables?

L’un des plus grands défis auxquels la clinique a fait face dès ses débuts a été de s’assurer que les bonnes analyses de laboratoire soient effectuées. Les laboratoires de la ville ne sont pas tous en mesure de prélever tous les échantillons nécessaires et il s’est donc avéré essentiel de s’assurer que les patients savaient où aller et ce dont ils avaient besoin.

Karen Lundgren, infirmière autorisée, Centre de santé communautaire Cool Aid

Jonathan Degenhardt, éducateur en promotion de la santé (anciennement), programme Bien-être des hommes, AIDS Vancouver Island

Pourquoi avez-vous développé votre programme de PrEP? Quel besoin cherchiez-vous à combler par ce programme?

La clinique de PrEP a été développée par AIDS Vancouver Island (AVI) et le Centre de santé communautaire (CSC) Cool Aid en réponse à un besoin identifié par la clinique de dépistage pour hommes. Celle-ci existait depuis environ six ans au moment de la création de la clinique de PrEP. La clinique s’est mise à offrir officiellement la PrEP lors des initiatives de dépistage pour hommes en janvier 2018, peu après le début de la couverture du coût de la PrEP par le gouvernement de la Colombie-Britannique – mais elle contribuait déjà à y faciliter l’accès avant le début de sa couverture par le gouvernement, pour les hommes qui en faisaient la demande.

Pouvez-vous nous expliquer brièvement comment le programme de PrEP fonctionne? Comment vos clients potentiels apprennent-ils l’existence du programme? Qui contribue aux activités du programme?

Le programme de PrEP est dirigé par des infirmiers et fonctionne en conjonction avec la clinique de dépistage pour hommes, à la clinique du CSC Cool Aid. Le coordonnateur en bien-être des hommes, chez AVI, coordonne le programme et en fait la publicité sur les plateformes de médias sociaux qu’utilise la communauté d’hommes gais, bisexuels et d’autres hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (gbHARSAH), comme Grindr, Scruff, Hustler, Growler, Squirt.org et Facebook.

Lorsqu’une personne se présente à la clinique, au bureau de réception on lui demande discrètement si elle vient pour un dépistage. Le bureau où se trouve la clinique de dépistage pour hommes reçoit également des clients qui viennent pour des soins primaires. Ceci permet un couvert d’anonymat à l’intérieur de la clinique : puisque des clients viennent pour d’autres services, personne dans la salle ne sait pourquoi on est là.

La majorité des clients qui souhaitent obtenir la PrEP viennent à la clinique et en font tout simplement la demande. D’autres viennent se faire dépister, ce qui offre à notre personnel une occasion de leur demander si la PrEP les intéresse. Les clients qui désirent prendre la PrEP sont invités à répondre au questionnaire sur le risque d’incidence du VIH pour les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (RIV-HARSAH), qui sert à évaluer le risque de contracter le VIH chez les gbHARSAH. On examine alors leur pointage de RIV-HARSAH et ils peuvent être dirigés vers un infirmier s’ils répondent aux critères d’admissibilité à la PrEP (établis dans les lignes directrices de la province). Les clients peuvent avoir une rencontre avec un infirmier le jour même – souvent dans un délai de 10 à 15 minutes – afin de discuter de la PrEP.

Lors de la visite initiale du client à la clinique, un infirmier s’occupe des tests sanguins de dépistage d’infections transmissibles sexuellement et de la collecte d’un échantillon d’urine requis pour que le gouvernement provincial couvre le coût de la PrEP. De plus, l’infirmier donne au client une éducation sur l’observance à l’égard de la PrEP et sur les relations sexuelles plus sécuritaires. Il transmet les résultats des tests à un médecin de la clinique qui rédige l’ordonnance pour la PrEP, puis celle-ci est transmise par télécopie au Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique (BCCDC). Le BCCDC fait parvenir les médicaments à la clinique du CSC Cool Aid. Si l’analyse sanguine d’un client révèle un problème, un rendez-vous est fixé avec un des médecins de la clinique. Si le client n’a pas de médecin de famille, il remplit un formulaire d’admission pour devenir patient de la clinique du CSC Cool Aid.

Les clients qui prennent la PrEP viennent à la clinique du CSC Cool Aid tous les trois mois pour des tests de suivi et pour recevoir une nouvelle ordonnance pour la PrEP. Tous les trois mois, le médecin délivre une nouvelle ordonnance, laquelle est télécopiée au BCCDC, puis les médicaments sont livrés à la clinique.

Quelles ont été les réussites du programme de PrEP? Croyez-vous que le programme a amélioré l’accès à la PrEP dans votre région? À quoi attribuez-vous le succès du programme?

La clinique est devenue l’une des plus importantes cliniques de PrEP dans la province et n’a vu aucune séroconversion chez les clients sous PrEP. Jusqu’à présent, 182 personnes se sont inscrites au programme.

Le succès du programme tient à plusieurs éléments :

  • Les interactions en ligne (p. ex., sur les plateformes de médias sociaux) et le bouche-à-oreille ont permis d’amener des personnes à la clinique. Nous avons établi une présence parmi les gbHARSAH : ils connaissent la clinique et lui font confiance, pour l’accès au dépistage et à des informations.
  • L’intégration de la clinique de PrEP à la clinique de dépistage pour hommes, qui était ouverte depuis déjà six ans, a permis de sensibiliser la communauté. La clinique suit une approche qui présente peu d’obstacles et exempte de stigmatisation.
  • L’inauguration de la clinique de PrEP s’est faite moins d’une semaine après l’annonce de la gratuité de la PrEP pour les gbHARSAH à risque en Colombie-Britannique.
  • Un partenariat efficace existe entre AVI, le CSC Cool Aid et d’autres partenaires communautaires qui appuient ce travail.
  • La clinique de PrEP a été en mesure d’adapter son programme pour répondre aux besoins des personnes qui sont les principales utilisatrices de ses services.

Quels défis avez-vous rencontrés dans l’exécution de ce programme de PrEP? Y a-t-il des leçons à tirer dont vous aimeriez faire part à d’autres intervenants qui envisagent de créer des programmes de PrEP semblables?

Il a été difficile de trouver du financement pour la clinique de PrEP. Au début du programme, nous n’avions pas de fonds additionnels; les infirmiers s’occupaient de la clinique de PrEP en plus de leur charge de travail habituelle. La charge de travail accrue constituait un défi.

Un autre défi concernait l’emplacement de la clinique de PrEP, dans le même bâtiment qu’un site de consommation plus sécuritaire de drogues. Certains gbHARSAH ne se sentaient pas à l’aise d’y aller, en raison de l’autre clientèle qui y recevait des services. Ceci découle principalement d’une stigmatisation et le phénomène persiste. Nous faisons de notre mieux pour éduquer les personnes qui viennent à la clinique; si leur malaise persiste à l’idée de visiter les lieux, nous les informons d’autres ressources locales qui pourraient mieux leur convenir.

Les leçons les plus importantes à tirer sont qu’il faut être patient, flexible et à l’écoute de votre communauté. Il est possible que les choses démarrent lentement, mais une fois que le mot sera passé, à savoir que votre site est un lieu plus sûr pour l’accès à des soins de santé sexuelle, il deviendra de plus en plus occupé. Enfin, soyez à l’écoute des personnes qui utilisent vos services, renseignez-vous sur les applications qu’elles utilisent et sur les heures de clinique qui leur conviennent, puis orientez-vous vers ce qui fonctionne le mieux pour elles!

Matthew Harding, gestionnaire des programmes communautaires, MAX Ottawa

Samuel Gauthier, intervenant, programme Entre hommes, BRAS Outaouais

Pourquoi avez-vous développé votre programme de PrEP? Quel besoin cherchiez-vous à combler par ce programme?

Après avoir entendu parler certains utilisateurs de services de santé, il nous est apparu clairement que les voies d’accès n’étaient pas très coordonnées dans notre région. Certains cliniciens voyaient des patients dans la semaine suivant l’aiguillage, tandis que d’autres avaient une liste d’attente de deux mois. Nous savions qu’il y avait là une occasion d’aider à coordonner les services à l’échelle régionale, de sorte que les gens qui ont besoin d’un accès rapide puissent l’obtenir et ainsi éviter les goulots d’étranglement dans les services de santé.

Au départ, le travail consistait à tracer la carte des services disponibles et à accroître la communication entre les fournisseurs de soins de santé. Cependant, lorsque nous avons réuni tous les partenaires autour d’une table pour une première réunion, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait beaucoup d’autres obstacles vis-à-vis l’accès au médicament. Nous savions dès lors que ces barrières exigeraient un leadership et une coordination régionale (c’est-à-dire : développer la capacité des fournisseurs de soins de santé et leurs compétences culturelles; trouver une solution par rapport au coût de la PrEP qui reste un obstacle pour plusieurs; améliorer le niveau d’information disponible). Depuis, nous collaborons avec des fournisseurs de soins de santé, des travailleurs communautaires, des pharmaciens et des travailleurs de la santé publique. Fort de cette équipe multidisciplinaire, nous pouvons donc cibler plus facilement les obstacles à l’accès de la PrEP et tenter de les réduire d’ici les deux prochaines années. 

Pouvez-vous nous expliquer brièvement comment le programme de PrEP fonctionne? Comment vos clients potentiels apprennent-ils l’existence du programme? Qui contribue aux activités du programme?

La stratégie s’attaquera à diminuer les obstacles mentionnés plus haut. Celle-ci, sur une période de deux ans, mettra en place des interventions novatrices. Par exemple, à l’automne 2019, nous avons lancé la campagne Équip Toi sur le web, les médias sociaux et à l’aide d’articles promotionnels comme des pochettes-condoms et des piluliers. Cette initiative servira à pallier le manque de messages locaux spécifiques à l’accès à la PPE et à la PrEP dans notre région.

Un autre exemple d’intervention développé est le service de navigation PrEP, un programme qui aide les gens à naviguer au travers des voies d’accès non coordonnées qui existent actuellement dans notre région pour la PPE et la PrEP.

Quelles ont été les réussites du programme de PrEP? Croyez-vous que le programme a amélioré l’accès à la PrEP dans votre région? À quoi attribuez-vous le succès du programme?

La stratégie sera adoptée en 2020. À ce moment, nous allons commencer à évaluer l’impact des interventions afin de connaître les résultats de la stratégie. Déjà, plus de 1000 personnes ont accédé à notre site web et plus de 30 personnes ont été dirigées vers un professionnel de la santé afin d’accéder à la PrEP ou à la PPE.

Quels défis avez-vous rencontrés dans l’exécution de ce programme de PrEP? Y a-t-il des leçons à tirer dont vous aimeriez faire part à d’autres intervenants qui envisagent de créer des programmes de PrEP semblables?

La région de la Capitale nationale (Ottawa-Gatineau) est à cheval sur deux provinces et donc sur deux systèmes de santé parfois très différents. Le besoin de synchroniser des partenaires issus de systèmes de santé distincts a assurément contribué à la complexité du processus. De plus, les frais reliés à la PrEP diffèrent dans les deux provinces. Les régimes d’assurance-médicaments ontarienne et québécoise ne couvrent pas la PrEP à la même hauteur. Il en va de même pour les chemins d’accès afin de recevoir la PrEP et la PPE.

Par ailleurs, le statut bilingue d’Ottawa-Gatineau a été un enjeu de taille dans l’élaboration de la stratégie. Il est important que toute l’information soit accessible dans les deux langues et que le service de « navigation » soit complètement bilingue. C’est pourquoi le fait d’avoir des partenaires comme le BRAS Outaouais nous a permis d’offrir des services en français avec des intervenant.e.s qui connaissent les points d’accès à la PrEP et la PPE en Outaouais. En terminant, le message que nous aimerions laisser aux personnes qui aimeraient amorcer un tel projet est que la patience, une bonne dose de souplesse et l’obtention d’un financement adéquat (!) sont nécessaires afin de mener à terme un projet comme celui-ci.

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Pour en savoir plus sur programmes de PrEP, consultez Surmonter les obstacles à la PrEP : Modèles de programmes utilisant des contextes et fournisseurs varies.