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La PrEP sur demande est un schéma posologique de cette prophylaxie qui consiste à prendre des comprimés les jours qui précèdent et qui suivent les relations sexuelles seulement, contrairement à la PrEP quotidienne, pour laquelle on doit en prendre tous les jours. Cette méthode offre une option différente aux personnes s’intéressant à la PrEP. Or, comme ce schéma posologique porte parfois à confusion comparativement à la posologie quotidienne, cette option ne convient pas à tout le monde. CATIE s’est entretenu avec deux prestataires de services d’expérience pour connaître leurs perspectives et leurs idées se rapportant à l’usage de la PrEP sur demande, notamment en ce qui concerne les connaissances des usager·ère·s de services à ce sujet et les meilleures façons de leur parler de leurs options en matière de PrEP.

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  • Dr Caley Shukalek est professeur clinicien associé et médecin dans les départements de médecine et de sciences de la santé communautaire de la Cumming School of Medicine de l’Université de Calgary. Dans ses rôles de clinicien et de professeur, il s’intéresse particulièrement aux stratégies de traitement et de prévention du VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles (ITS) qui reposent à la fois sur des approches pharmaceutiques et des interventions ancrées dans le système de santé. Caley est également médecin-chef chez PurposeMed, une compagnie de services de santé assistés par les technologies qui exploite des services de prévention et de traitement du VIH aux quatre coins du Canada sous le nom de marque Freddie.
  • Joshua Cecil est coordonnateur des interventions de proximité auprès des hommes chez le Comité du sida d’Ottawa (CSO).

Pour en savoir plus, consultez l’article : Que faut-il savoir sur la PrEP 2-1-1, la PrEP sur demande pour la prévention du VIH?

Dr Caley Shukalek, professeur clinicien associé et médecin, départements de médecine et de sciences de la santé communautaire dans la Cumming School of Medicine de l’Université de Calgary; médecin hygiéniste en chef chez Freddie (PurposeMed)

Quelle proportion de vos patient·e·s sous prophylaxie pré-exposition (PrEP) choisissent de prendre l’option sur demande? Quelles sont leurs raisons courantes pour préférer celle-ci à la PrEP quotidienne?

Dans mon cabinet, la proportion est très faible (moins de 10 %). Le sujet n’est pas soulevé par tou·te·s mes patient·e·s, et j’attends pour mentionner cette option jusqu’à ce que j’aie une idée de leurs comportements sexuels afin de savoir si la PrEP sur demande leur conviendrait sur le plan clinique. Je trouve que les patient·e·s sont susceptibles d’aborder le sujet pour de nombreuses raisons. La plus courante est la simple curiosité parce que les gens en ont entendu parler et ne comprennent pas clairement qu’il s’agit d’utiliser les mêmes médicaments moins souvent parce que leurs relations sexuelles ne sont pas fréquentes. Les effets secondaires ou le désir de minimiser leurs expositions aux médicaments sont les prochaines raisons les plus courantes. Une raison importante, mais moins courante, tient à une compréhension claire que l’option sur demande pourrait marcher le mieux étant donné leurs comportements sexuels individuels, c’est-à-dire qu’ils ou elles ont des interactions sexuelles prévisibles et peu fréquentes. 

Après notre conversation, je trouve que la plupart des patient·e·s choisissent la PrEP quotidienne, mais j’insiste sur l’importance de m’aviser s’ils ou elles comptent la prendre d’une autre manière. Parfois, il vaut mieux prendre une petite pause de la PrEP quotidienne si la personne sait qu’elle n’aura aucun type de relation sexuelle pendant plusieurs semaines d’affilée. Ici encore, je demande aux patient·e·s de m’aviser s’ils ou elles ont l’intention de faire cela ou l’ont déjà fait. 

Est-ce qu’il arrive à vos patient·e·s d’exprimer de la confusion par rapport à la manière de prendre la PrEP sur demande? Comment leur expliquez-vous le schéma posologique de la PrEP sur demande?

Il me semble que la confusion existe autant chez les patient·e·s que chez les prescripteur·trice·s en ce qui concerne la manière de prendre la PrEP sur demande. Je comprends cela de la part des patient·e·s parce que les instructions sont nuancées, et il est crucial de la prendre correctement pour qu’elle soit efficace. Pour les prescripteur·trice·s, la confusion est sans doute attribuable à un manque général d’aise à l’égard de la PrEP et à la faible fréquence des prescriptions pour la PrEP sur demande. 

Malheureusement, j’ai des patient·e·s qui se sont fait prescrire ailleurs une PrEP sur demande, mais qui ont contracté le VIH à défaut de l’avoir utilisée correctement. Ces cas sont survenus parce que les personnes en question ne comprenaient pas la manière correcte d’utiliser la PrEP (p. ex., elles n’ont pas pris les deux premières doses assez tôt ou n’ont pas suivi la prophylaxie jusqu’au bout), ou encore elles ont mal évalué leur risque de contracter le VIH (p. ex., elles n’ont pas pris les médicaments avec des partenaires régulier·ère·s parce qu’elles tenaient le statut séronégatif de ces personnes pour acquis). Ces choses peuvent aussi arriver avec la PrEP quotidienne, mais elles sont moins probables parce que l’usage correct est moins complexe.

Après avoir déterminé que la PrEP sur demande est appropriée pour un·e patient·e, j’insiste sur les consignes suivantes : 

  • Il est important que les concentrations des médicaments soient suffisantes dans le corps pour prévenir l’infection par le VIH. Cela s’applique autant à la PrEP quotidienne qu’à la PrEP sur demande; 
  • Il faut prendre la PrEP sur demande lors de 100 % de ses relations sexuelles, y compris avec des partenaires régulier·ère·s ou connu·e·s; 
  • La posologie : On doit prendre deux comprimés au moins deux heures avant sa première relation sexuelle pour s’assurer une concentration de médicaments suffisante dans son corps lorsqu’une exposition potentielle au VIH aura lieu. Comme le VIH reste dans le corps après les expositions sexuelles, on doit continuer à prendre une dose de PrEP toutes les 24 heures jusqu’à ce qu’il se soit écoulé DEUX jours complets depuis sa dernière relation sexuelle; 
  • Exemples : 
    • Si une personne prévoit avoir une relation sexuelle un mardi, elle doit prendre deux comprimés au moins deux heures avant cette relation, puis un autre comprimé mercredi et un autre encore jeudi (quatre comprimés en tout); 
    • Si une personne prévoit avoir plusieurs relations sexuelles au cours d’un week-end, soit vendredi, samedi et dimanche, elle doit prendre deux comprimés au moins deux heures avant la première relation vendredi, puis un autre comprimé par jour samedi, dimanche, lundi et mardi (six comprimés au total); 
  • On doit continuer à se faire tester pour le VIH et les autres ITS tous les trois mois, ou plus fréquemment si d’autres préoccupations surgissent; 
  • La PrEP sur demande est destinée à des personnes qui ont des expositions sexuelles prévisibles et peu fréquentes. S’il arrivait qu’une personne ait recours à la PrEP sur demande quatre fois distinctes ou plus au cours d’un mois, elle ferait aussi bien de prendre la version quotidienne parce que l’exposition totale aux médicaments serait semblable, mais la posologie serait moins complexe. 

Je demande ensuite au patient ou à la patiente de me répéter ce que je viens de lui dire afin de m’assurer qu’il ou elle a tout compris. Comme on peut le constater, cela prend pas mal de temps pour les prestataires de soins, contrairement à l’instruction « prenez un comprimé tous les jours ».

À votre avis, quelles mesures pourraient améliorer l’accès à la PrEP sur demande, ainsi que la compréhension qu’en ont les prescripteur·trice·s et les patient·e·s?

Avant tout, il faut que les patient·e·s et les prestataires de soins comprennent que la PrEP sur demande doit être appropriée sur le plan clinique et le plan comportemental. Elle ne convient pas à tout le monde. Certaines personnes ont simplement beaucoup de sexe, et tant mieux pour elles! Par ailleurs, nous ne disposons pas de données probantes pour savoir si elle est efficace chez certaines populations. 

Ensuite, je crois que les prestataires de soins ont besoin de renseignements clairs et concis pour comprendre POURQUOI ils ou elles prescriraient la PrEP sur demande, ainsi que de recommandations claires sur la manière d’en parler aux patient·e·s. Les patient·e·s ont besoin de renseignements fiables à propos de la PrEP sur demande, les personnes qui pourraient en bénéficier et la manière de la prendre, et cette information doit provenir de prestataires de soins qui acceptent de tenir une discussion honnête avec eux et elles.

Pour moi, le plus important est que les patient·e·s me fassent confiance en tant que médecin pour les informer de leurs options, leur parler honnêtement et rester flexible par rapport à ce qui leur conviendrait cliniquement à un moment particulier. Les circonstances changent, alors le plan devra aussi changer probablement.

Joshua Cecil, coordonnateur des interventions de proximité auprès des hommes, Comité du sida d’Ottawa (CSO)

Selon votre expérience, dans quelle mesure arrive-t-il couramment que les usager·ère·s de services s’intéressant à la PrEP soient au courant de l’option de la PrEP sur demande ou qu’ils ou elles vous posent des questions à propos de cette stratégie potentielle? 

Je fais des interventions sur Grindr (appli de rencontre), et beaucoup de gens me posent des questions sur la PrEP. Je les mets en contact avec la clinique PrEP que nous tenons deux fois par semaine au Comité du sida d’Ottawa. Les gens m’interrogent sur les différentes façons de prendre la PrEP, mais il semble que la plupart préfèrent la prendre tous les jours. On dirait que les gens de ma communauté s’intéressent beaucoup moins souvent à la PrEP sur demande. 

Quelles questions les gens dans votre communauté posent-ils à propos de la PrEP sur demande? Quels sont les avantages et les obstacles qu’ils vous mentionnent en ce qui a trait à la PrEP sur demande? 

Une question courante se rapporte à l’efficacité de la PrEP sur demande. Certaines personnes ont des préoccupations concernant le degré de protection qu’elle offre si l’on ne la prend pas tous les jours. 

Quelques personnes m’ont également dit qu’elles préféraient ne pas prendre de comprimés tous les jours, surtout si elles ne sont pas actives sexuellement de façon régulière.

Un avantage que les gens reconnaissent à l’égard de la PrEP sur demande est le fait que leurs médicaments durent plus longtemps; je connais des gens qui ont une prescription pour la PrEP quotidienne, mais ils la prennent comme une PrEP sur demande pour économiser des comprimés. Malheureusement, le coût est le principal obstacle à l’accès à la PrEP. Elle coûte cher pour les personnes qui n’ont pas d’assurance maladie. 

Personnellement, si je n’étais pas couvert par une assurance maladie au travail, je ne pense pas que je serais sous PrEP. Mes assurances couvrent 90 % du coût, et le reste est pris en charge par le programme Trillium. 

Comment parlez-vous aux usager·ère·s de services de leurs options concernant la PrEP quotidienne ou sur demande?

Je parle des deux options de PrEP avec les usager·ère·s de services, mais il leur revient finalement de décider quelle option leur convient le mieux. Parfois, même après avoir expliqué la bonne manière de prendre la PrEP sur demande, j’entends des gens exprimer de la confusion ou de l’incertitude quant à leur capacité de la prendre correctement. Je connais des gars qui ont décidé de prendre la PrEP sur demande, mais quand je les ai revus, ils m’ont avoué qu’ils s’inquiétaient de ne pas l’avoir prise correctement et de ne pas être protégés contre le VIH. 

Personnellement, je recommande aux gens de prendre la PrEP quotidienne parce qu’elle offre un niveau de protection de 99 %, alors que l’efficacité de la PrEP sur demande m’inspire moins de confiance.

En tant qu’usager de la PrEP, avez-vous déjà songé à utiliser la version sur demande?

Non, j’ai toujours voulu utiliser seulement la PrEP quotidienne. Pour moi, prévoir les relations sexuelles n’est pas très réaliste. Des fois, cela arrive spontanément. Je m’inquiéterais d’oublier une dose si je la prenais sur demande. Je sens donc que la PrEP quotidienne me donne plus d’assurance que je suis protégé contre le VIH. Si je dois déjà prendre un comprimé, il est plus facile de le prendre tous les jours.