- Des chercheurs ont trouvé que les Canadiens vivant avec le VIH étaient plus susceptibles de souffrir de solitude
- Contrairement à la population générale, la solitude était plus courante chez les jeunes personnes séropositives
- Des interventions conçues pour soulager la solitude pourraient réduire le risque de problèmes de santé
Des études menées auprès de personnes séronégatives ont révélé que la solitude pouvait compromettre la santé mentale, la fonction cognitive et la qualité de vie. En ce qui a trait à cette population, une analyse a permis de constater qu’une solitude persistante est associée à une augmentation de 26 % du risque de décès sur une période de sept ans suivant le diagnostic ou la reconnaissance du problème. Chez les adultes d’âge moyen ou âgés, la solitude est associée à un risque accru de démence. Les études révèlent généralement que la solitude est plus courante chez les personnes souffrant de problèmes de santé chroniques.
Solitude et VIH
Comme le VIH est devenu une affection médicale chronique grâce au traitement efficace, nombre de chercheurs canadiens se sont tournés vers l’étude d’autres problèmes susceptibles de nuire à la santé de cette population. Une équipe de chercheurs de plusieurs cliniques canadiennes ont collaboré pour évaluer l’impact de la solitude sur la santé et le bien-être de plus de 800 personnes séropositives principalement d’âge moyen. Les chercheurs ont trouvé que les personnes séropositives étaient plus susceptibles de se sentir seules que la personne séronégative moyenne au Canada. Ils ont également constaté que les personnes séropositives souffrant de solitude avaient tendance à être « plus jeunes, moins mobiles et plus enclines à consommer des opioïdes ». Elles tendaient également à éprouver des problèmes de mémoire, de cognition et d’humeur. Les chercheurs ont également trouvé que les personnes séropositives avaient des problèmes de santé physique et une qualité de vie amoindrie.
L’équipe de recherche a proposé des idées pour étudier l’impact à long terme de la solitude, ainsi que des interventions susceptibles d’atténuer la solitude chez les personnes séropositives.
Détails de l’étude
Des chercheurs travaillant dans des cliniques de Montréal, de Hamilton, de Toronto et de Vancouver ont recruté des participants pour une étude de cohorte sur la santé cérébrale portant le nom de Positive Brain Health Now. L’une des analyses effectuées par ce groupe portait spécifiquement sur la solitude. Les chercheurs ont recueilli des données se rapportant à la santé des participants lors de leur admission et en consultant leurs dossiers médicaux.
Les 834 participants séropositifs avaient le profil moyen suivant lors de leur admission à l’étude :
- 85 % d’hommes, 15 % de femmes
- âge : 53 ans
En plus d’effectuer diverses évaluations, l’équipe de recherche a utilisé un sondage validé sur la solitude.
Résultats
Selon les chercheurs, les proportions de personnes souffrant de divers degrés de solitude étaient les suivantes (notez que la somme des pourcentages n’est pas 100 parce que les chiffres ont été arrondis) :
- personnes se sentant seules assez souvent : 18 %
- personnes se sentant seules parfois : 46 %
- personnes ne se sentant presque jamais seules : 37 %
Aucune différence n’a été constatée entre les hommes et les femmes à l’égard de la fréquence des sentiments de solitude.
Comparaison et contraste
L’examen des données de sondages menés auprès de Canadiens séronégatifs a permis aux chercheurs de constater que cette population souffrait de « solitude persistante » dans une proportion de 10 % environ. Par conséquent, ces chercheurs se spécialisant dans le VIH ont affirmé ceci : « Cela porte à croire que les personnes séropositives d’âge moyen et âgées vivant au Canada font face à considérablement plus d’adversité sociale que ce à quoi on pourrait s’attendre en raison du seul vieillissement ».
Aucun lien n’a été constaté entre la solitude et la charge virale en VIH ou le compte de cellules CD4+.
Les chercheurs se sont étonnés de constater que les personnes séropositives qui disaient ne se sentir « presque jamais seules » étaient plus âgées que les personnes qui affirmaient souffrir de solitude. Selon l’équipe, ce résultat « contraste avec la population générale, où la solitude chez les personnes d’âge moyen ou âgées a tendance à empirer avec l’âge ».
Selon les chercheurs, il se peut que ce résultat reflète ce qu’ils appellent l’« avantage du survivant ». Il est possible que ce sous-groupe de personnes séropositives qui ne souffrent presque jamais de solitude ait plus de résilience parce qu’elles vivaient avec le VIH avant 1996, « alors que l’appartenance à un réseau social résilient pouvait être essentielle à la survie ».
Les personnes séropositives qui souffraient davantage de solitude présentaient de nombreux facteurs associés à celle-ci, dont les suivants :
- pauvreté
- problèmes de santé co-existants, surtout les maladies pulmonaires et la neuropathie périphérique (lésions nerveuses dans les pieds, les jambes et les mains)
- changements visibles dans la forme corporelle attribuables au syndrome de lipodystrophie lié au VIH
- autodéclaration de fatigue, de douleur et d’une faible motivation
Consommation de substances
Aucune différence n’a été constatée entre les personnes qui se sentaient très seules et celles pas seules en ce qui concerne la consommation d’alcool, de marijuana ou de tabac. L’équipe a par contre trouvé que les personnes souffrant de solitude importante étaient « plus susceptibles de faire état de consommation d’opioïdes, que ce soit de façon récréative ou sur ordonnance ». Lorsque les chercheurs ont ajusté leurs données pour tenir compte de la présence de douleur physique, l’association entre la solitude et la consommation d’opioïdes est demeurée. Cela a poussé l’équipe à suggérer que certaines personnes utilisent des opioïdes pour « contrer la douleur psychologique ».
Mémoire et cognition
Les personnes qui disaient éprouver un degré minimal de solitude avaient tendance à mieux réussir les évaluations cognitives que les personnes très seules. Ce rendement supérieur avait vraisemblablement une « signification clinique », selon les chercheurs.
Autres résultats
Selon l’équipe de recherche, la solitude avait un impact négatif sur les éléments suivants, entre autres :
- auto-évaluation de son état de santé
- qualité de vie liée à la santé
- qualité de vie générale
- humeur
- activité physique
À l’avenir
Cette équipe de recherche voudrait suivre les participants sur une période de plusieurs années afin d’évaluer les changements dans la solitude, son impact sur la santé et les facteurs y contribuant. Les résultats d’une telle étude longitudinale pourraient être ensuite utilisés pour concevoir des interventions visant les facteurs qui alimentent la solitude. Selon les chercheurs, il est possible que les interventions en question aient à combattre plusieurs sources de la solitude.
–Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
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