- Le traitement efficace du VIH a fait baisser le nombre d’hospitalisations, affirment des chercheurs nord-américains
- Les personnes séropositives sont maintenant plus susceptibles d’être hospitalisées pour des infections non liées au sida
- Les chercheurs avancent qu’il s’agirait d’infections bactériennes liées à l’usage de drogues injectables
Le traitement du VIH (TAR) s’est amélioré de façon spectaculaire au cours des 30 dernières années. De nos jours, le TAR est généralement plus simple, plus sûr et plus efficace que jamais. De ce fait, l’espérance de vie des utilisateurs du TAR approche de celle des personnes séronégatives au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé.
Il importe cependant de souligner que toutes les personnes séropositives ne suivent pas de TAR. Selon des recherches effectuées par l’Agence de la santé publique du Canada, environ 14 % des personnes séropositives dans ce pays ne seraient pas au courant de leur statut à l’égard de l’infection (ce chiffre ressemble à celui des États-Unis). De plus, certaines personnes séropositives, notamment celles appartenant aux populations vulnérables, ont de la difficulté à prendre des médicaments et ont besoin d’aide pour continuer à recevoir des soins de façon régulière. Par conséquent, ce ne sont pas toutes les personnes séropositives qui connaissent les bienfaits du TAR au Canada ou dans les autres pays à revenu élevé.
Une équipe de chercheurs canadiens et américains ont regroupé des données de santé recueillies dans leurs cliniques dans le but d’examiner les tendances de l’hospitalisation chez les personnes séropositives de 2005 à 2015.
Les chercheurs ont analysé des données se rapportant à plus de 28 000 personnes séropositives. Ils ont constaté que le TAR avait eu un impact puissant sur l’amélioration des mesures relatives à la santé. Le TAR renforce le système immunitaire et a fait diminuer le nombre d’hospitalisations liées aux infections caractéristiques du sida. Les chercheurs ont également constaté une baisse des hospitalisations attribuables aux maladies cardiovasculaires. Notons toutefois que le nombre d’infections non liées au sida a augmenté au fil de l’étude. Un grand nombre des infections ayant nécessité une hospitalisation étaient d’origine bactérienne, une conséquence possible de l’usage de drogues injectables.
Même si d’énormes progrès ont été réalisés pour améliorer la santé de nombreuses personnes séropositives, il reste beaucoup de travail à faire, notamment pour venir en aide aux personnes qui consomment des substances de façon problématique.
Détails de l’étude
Aux fins de la présente analyse, des chercheurs affiliés à six cliniques majeures, dont cinq aux États-Unis et une à Calgary, ont collaboré à l’examen de données se rapportant à 28 057 personnes vivant avec le VIH.
Les participants avaient le profil moyen suivant lors de leur admission à l’étude :
- âge : 43 ans
- 80 % d’hommes, 19 % de femmes, 1 % de femmes trans
- principaux groupes ethnoraciaux : Blancs – 41 %; Noirs – 32 %; Hispaniques – 16 %
- principales populations : hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes – 52 %; hétérosexuels – 35 %; personnes qui s’injectent des drogues – 13 %
- compte de CD4+ : 387 cellules/mm3
- charge virale supprimée – 37 %
Résultats
Les chercheurs ont constaté des améliorations dans les résultats des tests de laboratoire courants au cours de l’étude. À titre d’exemple, notons que le compte de CD4+ moyen a fini par frôler les 600 cellules/mm3 avant la fin de l’étude, et la proportion de personnes présentant une charge virale supprimée a grimpé jusqu’à 85 %.
Accent sur les hospitalisations
Pendant l’étude, 7 503 personnes ont été hospitalisées, et le cumul des hospitalisations a atteint 21 230 (certaines personnes ont été hospitalisées plus d’une fois). En ce qui ce concerne l’âge, les patients étaient hospitalisés dans la mi-quarantaine au début de l’étude; à la fin de celle-ci, l’âge moyen des patients hospitalisés s’était élevé à 52 ans.
Selon les chercheurs, les 10 principales raisons des hospitalisations étaient les suivantes :
- infections non liées au sida : 25 %
- maladies cardiovasculaires : 10 %
- maladies hépatiques/gastro-intestinales : 9 %
- problème de santé mentale : 8 %
- maladie liée au sida : 6 %
- cancers non liés au sida : 6 %
- « blessure/empoisonnement/complications du traitement » : 6 %
- maladie rénale/génito-urinaire : 5 %
- problème hormonal/métabolique : 5 %
- maladie pulmonaire : 4 %
Lors de leur investigation sur les infections non liées au sida, les chercheurs ont découvert les causes suivantes :
- infection bactérienne du sang : 23 %
- pneumonie bactérienne : 18 %
- infections de la peau : 12 %
Les chercheurs ont également fait les constats suivants :
- complication infectieuse du sida la plus courante : la PPC (pneumonie à Pneumocystis) – 18 %
- problème de santé mentale le plus courant : dépression majeure – 20 %
Changements
Au cours de l’étude, le nombre d’hospitalisations pour des infections liées au sida ou des maladies cardiovasculaires a chuté de manière significative.
En 2015, dernière année de l’étude, les taux d’hospitalisation les plus élevés étaient associés aux affections suivantes :
- infections non liées au sida
- maladies cardiovasculaires
- problème de santé mentale
- maladies hépatique/gastro-intestinales
- cancers non liés au sida
De façon générale, les personnes hospitalisées étaient plus âgées et avaient un compte de CD4+ plus faible et une charge virale non supprimée.
Les chercheurs ont également examiné les tendances des taux d’hospitalisation chez les populations séronégatives de l’Amérique du Nord, lesquels sont restés relativement stables au cours de la période de l’étude.
Infections non liées au sida
Au cours de l’étude, les chercheurs ont constaté qu’une forte proportion des hospitalisations des personnes séropositives était attribuable à des infections non liées au sida. Le nombre d’hospitalisations pour cette raison a augmenté de façon lente, mais constante.
Certaines des infections survenues, voire un grand nombre, ont été causées par des bactéries et étaient associées à l’affaiblissement immunitaire et à l’injection de drogues. Les chercheurs se doutent que « les épidémies d’opioïdes et de méthamphétamines chroniques en [Amérique du Nord] » auraient pu jouer un rôle dans les taux d’hospitalisation élevés attribuables aux infections bactériennes. Les chercheurs ne peuvent toutefois l’affirmer avec certitude parce qu’ils n’ont pas recueilli de données sur la consommation active de drogues chez les participants.
Les chercheurs ont également fait valoir que « la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), le tabagisme, la forte consommation d’alcool et l’usage d’opioïdes, même en cas de nécessité médicale, peuvent jouer un rôle dans l’incidence et la gravité de la pneumonie bactérienne et contribuer aux hospitalisations ».
Les chercheurs ont énuméré d’autres facteurs qui auraient joué un rôle dans les infections graves non liées au sida, notamment le diabète de type 2 et l’obésité. L’équipe a qualifié ces derniers de « courants » chez les personnes séropositives vivant en Amérique du Nord.
Prévention des hospitalisations futures
Afin de réduire le risque d’hospitalisation à l’avenir, l’équipe de recherche a recommandé que le personnel des cliniques continue de faire ceci :
- offrir ou diriger les patients vers des services de réduction des méfaits et/ou de traitement de la dépendance
- offrir des vaccinations contre l’influenza et la pneumonie
- diriger les patients de façon appropriée pour surmonter « les obstacles sociaux et cliniques [aux soins] », tels que l’itinérance, l’insécurité alimentaire et les problèmes de santé mentale et de transport (subventions pour faciliter le respect des rendez-vous médicaux)
Cette étude confirme des tendances générales signalées antérieurement par les équipes d’études menées dans des pays à revenu élevé, soit une baisse des hospitalisations pour les infections liées au sida et les maladies cardiovasculaires. Elle souligne toutefois le fait que les hospitalisations n’ont pas cessé, notamment pour des raisons non liées au sida.
La présente étude jette les assises de recherches futures conçues pour découvrir les causes des hospitalisations chez les personnes séropositives, ainsi que les façons de les régler.
—Sean R. Hosein
Ressources
Nouvelles CATIE
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RÉFÉRENCE :
Davy-Mendez T, Napravnik S, Hogan BC, et al. North American AIDS Cohort Collaboration on Research and Design of IeDEA. Hospitalization rates and causes among persons with HIV in the US and Canada, 2005-2015. Journal of Infectious Diseases. 2020; sous presse.