New York, États-Unis
2022
Rattaché à un centre communautaire de réduction des méfaits de New York (Lower East Side Harm Reduction Center [LESHRC]), ce programme de traitement de l’hépatite C a été pensé pour offrir des soins à bas seuil d’accessibilité aux personnes qui utilisent des drogues. Les soins cliniques liés à l’hépatite C étaient entièrement offerts sur place, privilégiant les rendez-vous flexibles et une approche de soins non stigmatisante. Ce modèle a convaincu beaucoup plus de personnes à suivre un traitement et a permis de guérir 67 % de ses participant·e·s. En comparaison, un programme existant d’aide à la navigation des soins a seulement permis d’en guérir 23 %. Cette étude montre qu’il est important d’offrir des soins liés à l’hépatite C qui sont flexibles, non stigmatisants et intégrés aux services existants si l’on veut répondre aux besoins des personnes qui utilisent des drogues.
Description du programme
Ce programme de soins accessibles pour l’hépatite C était intégré au LESHRC, qui offre du matériel d’utilisation de drogues, de la formation en prévention des surdoses, le traitement de la dépendance, le dépistage du VIH et de l’hépatite C et d’autres services de réduction des méfaits. Il s’agissait d’un programme de traitement de l’hépatite C à faible seuil d’accessibilité offrant tous les services en un seul et même site.
Admissibilité au programme
Les participant·e·s ont été recruté·e·s par l’intermédiaire d’organismes communautaires qui travaillent auprès des personnes qui utilisent des drogues. Une présélection a été effectuée par téléphone ou en personne dans différents endroits à New York, dont au LESHRC. Les personnes admissibles devaient avoir reçu un diagnostic d’hépatite C, s’être injecté des drogues pendant au moins un an et déclarer s’être injecté des drogues au moins une fois au cours des 90 derniers jours. Le programme offrait gratuitement le dépistage des anticorps anti-VHC et un test de réaction en chaîne par polymérase (test PCR) aux personnes qui en avaient besoin. Les personnes enceintes ou atteintes d’une maladie du foie avancée étaient redirigées ailleurs.
Soins intégrés, flexibles et non stigmatisants
Ce programme accessible de traitement de l’hépatite C a été pensé selon les valeurs de la réduction des méfaits et accompagnait toutes les personnes participantes, utilisant activement des drogues ou non. Le personnel offrait des soins de manière conviviale, informelle et sans jugement dans le but de réduire la stigmatisation et d’aider les participant·e·s à atteindre leurs objectifs de santé personnels.
Tous les rendez-vous médicaux se passaient au LESHRC avec un·e médecin prescripteur·trice. Le programme offrait des horaires flexibles, permettait de se présenter sans rendez-vous et tentait de rejoindre les personnes qui avaient manqué leur visite planifiée. Les médicaments étaient fournis au LESHRC et les participant·e·s pouvaient décider de se les procurer tous les jours, toutes les semaines ou tous les mois.
Des personnes chargées de la coordination des soins sur place aidaient les participant·e·s à remplir les formalités de demande d’assurance ou des programmes d’accès aux médicaments, offraient du soutien pour l’observance du traitement et de l’information sur l’hépatite C et la réduction des méfaits, et orientaient les gens vers d’autres services sociaux. Toutes les personnes qui terminaient le traitement recevaient du soutien et de l’information pour prévenir la réinfection et se faisaient offrir un test de dépistage tous les trois mois.
Incitatifs à la participation
Les participant·e·s ont reçu des incitatifs en espèces tout au long du programme, notamment pour avoir participé à une visite avec les chercheur·euse·s tous les trois mois, après un an de participation à l’étude et pour s’être présentés à un rendez-vous 12 semaines après le traitement afin de confirmer la guérison (réponse virologique soutenue).
Résultats
Cette étude a comparé le programme de soins accessibles à un programme de soins habituels. Dans le modèle de soins habituels, les participant·e·s étaient confié·e·s à une personne chargée de les aider à naviguer les soins liés à l’hépatite C dans le cadre d’un programme de traitement de l’hépatite C de proximité. La personne leur offrait du soutien, notamment en les orientant vers des prestataires de soins liés à l’hépatite C, en les accompagnant à des rendez-vous, en appuyant l’observance du traitement, en les renseignant sur l’hépatite C et en les aidant à souscrire une assurance. La principale différence réside dans le fait que ce programme exigeait des personnes qu’elles se fassent soigner ailleurs plutôt que de leur offrir tous les soins au LESHRC.
Entre juillet 2017 et mars 2020 (34 mois), l’admissibilité de 572 personnes a été évaluée, et 167 ont rempli tous les critères de l’étude. Les principales raisons de non-admissibilité : résultats de tests incomplets, aucune utilisation de drogues injectables au cours des 90 derniers jours et pas d’infection chronique à l’hépatite C. Au total, 165 personnes ont amorcé le traitement et ont été réparties au hasard dans le programme de soins accessibles (82 participant·e·s) et le programme de soins habituels (83 participant·e·s). Les caractéristiques démographiques étaient similaires dans les deux groupes, à l’exception d’un plus haut taux d’incarcération récente dans le groupe bénéficiant des soins habituels (12 %) par rapport au groupe bénéficiant de soins accessibles (2,4 %).
En moyenne, les personnes affectées au groupe de soins accessibles présentaient des taux de guérison beaucoup plus élevés (réponse virologique soutenue 12 semaines après le traitement) : 67,1 % du groupe de soins accessibles était guéri, contre 22,9 % du groupe de soins habituels. Cela s’explique par le fait que les personnes bénéficiant des soins accessibles étaient beaucoup plus susceptibles de franchir les premières étapes de la cascade de soins que celles bénéficiant des soins habituels :
- 92,7 % contre 44,6 % des personnes ont été dirigées vers un·e clinicien·ne spécialisé·e en hépatite C
- 86,6 % contre 37,4 % des personnes dirigées vers un·e clinicien·ne spécialisé·e se sont présentées à un premier rendez-vous
- 86,6 % contre 31,3 % ont passé les tests de laboratoire requis
- 78 % contre 26,5 % ont amorcé un traitement
Dans les deux groupes, le taux de guérison parmi ceux et celles qui ont terminé le traitement était similaire (environ 86 %). Ce résultat indique que les différences étaient dues au taux d’engagement dans les soins et que l’efficacité de la médication était la même dans les deux groupes. Ces différences dans la cascade de soins ont été observées indépendamment des facteurs démographiques, dont l’itinérance, les antécédents de traitement contre l’hépatite C et l’utilisation quotidienne de drogues injectables. Aucune personne des deux groupes ne s’est vu refuser une assurance par son fournisseur.
Sur les 55 participant·e·s du groupe de soins accessibles qui ont été guéri·e·s, quatre ont été réinfecté·e·s sur 57,9 patients-années de suivi. Cela représente un taux de réinfection de 6,9 par 100 patients-années. Les patients-années sont une mesure statistique permettant d’exprimer le risque de réinfection sur la durée totale du suivi des 55 participant·e·s après leur guérison.
Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?
Pour atteindre les objectifs d’élimination de l’hépatite C du Canada, nous avons besoin de programmes capables de rejoindre les personnes qui utilisent des drogues et de services qui les persuadent de s’arrimer aux soins. Cette étude montre les retombées des soins liés à l’hépatite C lorsqu’offerts dans le cadre de services de réduction des méfaits existants. Ces soins, lorsque prodigués par des prestataires de confiance dans un cadre familier et non stigmatisant, augmentent la probabilité d’arrimage aux soins. Quand on leur propose des soins adaptés à leurs besoins, les personnes qui utilisent des drogues peuvent présenter un haut taux de guérison.
On notera que le modèle de soins habituels pourrait être considéré comme une approche à bas seuil d’accessibilité puisqu’il met à disposition une personne chargée d’accompagner le ou la patient·e et de lui fournir du soutien. Il se peut toutefois que le fait de chercher à se faire soigner et d’avoir un rendez-vous avec un·e prestataire inconnu·e et dans un milieu de soins traditionnel demeure un obstacle insurmontable pour beaucoup de personnes.
Finalement, cette étude met en lumière la possibilité d’intégrer les soins de l’hépatite C à d’autres services s’adressant aux personnes qui utilisent des drogues. Les auteur·e·s ont noté que 70 % des participant·e·s non traité·e·s recevaient régulièrement un traitement par agonistes opioïdes. Ces services, ainsi que d’autres programmes de réduction des méfaits, auraient avantage à intégrer les soins liés à l’hépatite C, une approche qui a fait ses preuves quand il s’agit de rejoindre les personnes qui utilisent des drogues.
Ressources connexes
- Le traitement de l’hépatite C dans des programmes de réduction des méfaits pour les personnes qui consomment des drogues (CATIE)
- Sommaire de données probantes Check Hep C (CATIE)
- Intégration de la prise en charge de l’hépatite C dans les cliniques communautaires de traitement de la dépendance aux drogues et à l’alcool (CATIE)
- L’intégration du traitement de l’hépatite C dans le Programme de seringues et d’aiguilles de Malmö (CATIE)
Référence
Eckhardt B, Mateu-Gelabert P, Aponte-Melendez Y et al. Accessible hepatitis care for people who inject drugs: A randomized clinical trial. JAMA Internal Medicine. 2022;182(5):494-502.